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14/06/06 : Discours du porte-parole sur le débat sur la déclaration du Gouvernement sur la politique énérgetique de la France.

Publication : 14/06/2006  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,


Le gouvernement a pris l'initiative d'organiser un débat sur la politique énergétique de la France.

Pourquoi pas ? Il nous semblait, pourtant, à l'UDF, que le parlement avait travaillé exactement sur ce sujet lors de la loi d'orientation sur l'énergie de 2004.

Le contexte a-t-il significativement changé depuis ? la réponse est non, même si des évènements significatifs comme le bras de fer entre la Russie et l'Ukraine en matière d'approvisionnement en gaz naturel ont pu éclairer notre diagnostic de 2004.

La vérité, c'est GDF-Suez. La vérité, c'est la fin de la transposition des directives 20003/54/CE et 2003/55/CE sur l'ouverture à la concurrence des marchés électriques et gaziers.

Le gouvernement organise ce débat pour prendre le pouls, la température du parlement avant de rentrer dans le vif du sujet.

Alors, autant le dire, Monsieur le ministre ! Nous ne sommes d'abord en face d'un problème majeur de politique industrielle et de service global rendu aux usagers.

Et pour décider justement dans le sens de l'intérêt national, vous n'avez pas tort, Monsieur le Ministre, de vous donner du temps pour instruire en profondeur ce dossier et pour en débattre avec tous les acteurs concernés (partenaires sociaux, syndicats…)

Ceci, bien entendu, à la condition expresse que ce débat ne relève pas de l'alibi et de l'accompagnement psychologique de députés encore meurtris par l'expérience douloureuse du CPE, mais qu'il nourrisse les décisions du parlement et du gouvernement.

I - Le contexte énergétique

Il n'est pas inutile d'inscrire la décision que nous aurons à prendre concernant GDF-Suez et la future loi de transposition dans le contexte énergétique mondial, européen et français.

Au niveau mondial d'abord, le diagnostic est maintenant connu et partagé,

C'est d'abord, l'épuisement prévisible à l'horizon de quelques décennies des réserves en hydrocarbures. Ne nous battons pas là sur quelques années. Le fait énorme, massif, compte tenu de la place du pétrole dans notre société, est là. La production mondiale de pétrole commencera à décliner dans quelques années. Dans quarante, cinquante ans, le pétrole exploitable aura disparu de la planète, nous obligeant à une véritable révolution de nos comportements et de notre civilisation.

- Dans le même temps, la croissance mondiale est très élevée, à un rythme de 5 % par an. C'est l'effet vertueux de la mondialisation, permettant une accélération des échanges et donc le décollage économique d'une partie très importante de la population, à commencer par la population asiatique. Mais ce décollage a un corollaire mécanique dans le domaine énergétique à savoir celui de l'accroissement extrêmement fort de la demande énergétique.

Enfin, les enjeux environnementaux liés aux conséquences directes de nos modes de consommation énergétique sont devenus majeurs. Le réchauffement climatique doit nous obséder, en effet les chiffres parlent : en un siècle, la température de la Terre a augmenté de 0,6° et celle de l’Europe de plus de 0,9° mais on attend pour le siècle à venir une augmentation de 1,5 degré au mieux à 5,8 degré au pire. Et 5°, c’est ce qui a séparé la période de grandes glaciations d’il y a quatorze mille ans de notre ère actuelle.

Ce contexte nouveau et brutal exige de chacun de nous et bien sûr de notre gouvernement changements et ruptures dans notre quotidien.

C'est l'honneur du mouvement écologiste français d'avoir les premiers posé les éléments de ce diagnostic et l'UDF tient à saluer ici la contribution d'Yves Cochet aux travaux de notre assemblée.

L'apport du mouvement écologiste a été, en ce domaine, décisif. A l'UDF, nous le reconnaissons bien volontiers. Il est d'ailleurs maintenant largement intégré dans la plupart des familles politiques composant notre assemblée, comme l'a montré l'adoption de la charte de l'environnement dans notre constitution.

Au niveau Européen, maintenant :

Le Conseil Européen du 23 et 24 Mars a mis, à juste titre à l'ordre du jour de ses débats, la politique énergétique de l'Union et avec la Commission, s'est lancé dans l'élaboration de cette politique par l'intermédiaire du processus normal de consultation (livre vert, livre blanc, etc….)

Il faut lire ces documents ! Et peser très en amont sur le contenu de cette politique européenne et l'UDF est dans son rôle d'avant-garde européenne lorsqu'elle rappelle au sein de l'Assemblée Nationale les directions stratégiques que l'Union entend se donner. Permettez-moi de le faire à l'occasion de ce discours….

Six domaines prioritaires ont été retenus :

1. L’énergie au service de la croissance et l’emploi en Europe : réalisation des marchés intérieurs européens de l’électricité et du gaz. Nous en parlerons dans la troisième partie de notre document.

Cela passe par :
i) Un véritable réseau européen
ii) Un plan d’interconnexion prioritaire
iii) des investissements dans les capacités de production
iv) Des Règles du jeu équitables: l'importance de la séparation des activités
v) Renforcer la compétitivité de l’industrie européenne

2. Un marché intérieur de l’énergie qui garantie la sécurité d’approvisionnement : solidarité entre les États membres

i) Améliorer la sécurité de l’approvisionnement sur le marché intérieur
ii) Redéfinir la position de l’UE sur les réserves stratégiques de pétrole et de gaz et prévenir les ruptures d’approvisionnement

3. Sécurité et compétitivité de l’approvisionnement en énergie : pour un bouquet énergétique plus durable, efficace et diversifié

4. Approche intégrée pour lutter contre le changement climatique
i) Produire plus en consommant moins: à la pointe du progrès dans le domaine de l’efficacité énergétique
ii) Accroître l’utilisation des sources d’énergie renouvelables
iii) Piégeage du carbone et stockage géologique

5. Encourager l’innovation : un plan européen pour les technologies énergétiques stratégiques

6. Création d'un politique extérieure cohérente en matière d’énergie
i) Une politique claire pour la sécurité et la diversification de l’approvisionnement en énergie

ii) Partenariats énergétiques avec les producteurs, les pays de transit et d’autres acteurs internationaux
a) Dialogue avec les grands producteurs/fournisseurs d’énergie avec les grands fournisseurs internationaux d’énergie, dont l’OPEP et le Conseil de coopération du Golfe, l’UE entretiennent des relations selon un modèle bien établi.
b) Établissement d’une communauté paneuropéenne de l’énergie

iii) Réagir efficacement aux situations de crise extérieures
iv) Intégrer l’énergie dans d’autres politiques à dimension extérieure
v) L’énergie pour promouvoir le développement

Voila l'étendue du chantier qui nécessite la mobilisation de notre diplomatie et plus largement du gouvernement ! Voilà une vrai priorité capable notamment de rassembler les peuples européens et de permettre de sortir par le haut de la crise larvée dans laquelle le non français au référendum nous a plongés.

Et tant que nous sommes au niveau européen, constatons effectivement les grandes tendances industrielles sur ce secteur d'activité :

• Emergence d'énergéticiens offrant à leurs clients une offre complète (gaz, électricité,….)
• Concentration croissante sur des activités très capitalistiques
• Européanisation des acteurs
Ces points de repère nous seront utiles tout à l'heure dans le débat Suez-GDF.

Au niveau national, enfin

L'UDF lors du débat sur la loi d'orientation sur l'énergie avait insisté sur un certain nombre d'enjeux majeurs. 2 ans après, ces enjeux son toujours les mêmes :

1 - Prendre en compte la santé humaine comme objectif de notre politique énergétique nationale
L'UDF a été à l'origine de la décision de notre assemblée d'élever la santé des français au rang des objectifs de notre politique énergétique.
Pour nous, il est primordial d’adopter cet objectif de préservation de la santé humaine aux côtés de la lutte contre l’effet de serre et le changement climatique. En effet, nous vivons à une époque où des pollutions, - je pense aux gaz d'échappement automobile en ville - qui sont des conséquences directes de nos choix énergétiques, ont une incidence directe sur le développement de certaines maladies cardiovasculaires et cancers - je pense tout spécialement au développement du cancer du poumon chez les non fumeurs en milieu urbain - comme l’a démontré un rapport récent de l’Association Française de Sécurité Sanitaire et Environnementale.

2 - La mise en place d'une nouvelle gouvernance énergétique :
L'action publique dans le domaine énergétique réclame l'orientation et la planification à long terme.
Et ceci d'autant plus que la France, à juste titre, a engagé sa parole à un horizon 2050 en signant le protocole de Kyoto, en s'engageant à diminuer par quatre nos émissions de gaz à effets de serre….
A moyen terme, aussi, 2010 - dans 5 ans - la France a donné sa parole à ses partenaires européens en signant les directives européennes concernant la part des énergies renouvelables à atteindre (21 %) en 2010. Parole donnée aussi, en signant la directive concernant les bio carburants : 5, 75 % d'incorporation en 2010 dans les hydro carburants….
Alors, en conscience, une question doit nous obséder : et pour reprendre une chanson d'un de mes compatriotes lot-et-garonnais, Francis Cabrel ? Est-ce que ce monde est sérieux ? Avons-nous décidé d'être sérieux avec la parole de la France ? Avons-nous décidé d'être sérieux en matière énergétique et environnementale ?

Si oui, ce que nous espérons de toutes nos forces, alors, il nous faut une planification à long terme détaillant le chemin à emprunter pour honorer nos engagements internationaux. Où est-elle aujourd'hui ?

Il nous faut une articulation entre cette planification à long terme et notre gestion budgétaire annuelle. Où est-elle aujourd'hui ?

Il nous faut enfin un contrôle parlementaire sur le respect de la parole donnée de notre pays en matière énergétique et environnementale. Où est-il aujourd'hui ?

L'UDF propose un dispositif plus ambitieux et lisible : il s’agit de créer une loi de finances de l’énergie qui donne vraiment au Parlement les moyens de maîtriser, à travers la fiscalité, la production et la consommation d’énergie et d’engager un vrai programme d’économies et de développement des énergies renouvelables. C’est dans cet esprit que le gouvernement Juppé avait créé les lois de finances de la sécurité sociale et c’est dans cet esprit que nous serons amenés à créer un jour ou l’autre cet outil fiscal.

Toujours en matière de nouvelle gouvernance énergétique, le Groupe UDF veut saisir cette occasion pour défendre l’exigence d’un véritable régulateur du secteur de l’énergie désormais largement ouvert à la concurrence. S'il doit y avoir projet de loi, nous déposerons à nouveau la série d’amendements qui renforce les pouvoirs de contrôle et d’intervention de la CRE aussi bien en ce qui concerne l’accès aux réseaux que la surveillance des marchés et qui, pour l'essentiel, nous ont été refusés lors du débat sur la LOE.

J’espère néanmoins pouvoir vous convaincre Monsieur le Ministre, vous qui êtes un européen convaincu, que la France a tout à gagner auprès de la Commission européenne d’avoir un vrai gendarme, indépendant, qui veille au respect des droits de tous les opérateurs d’accéder au marché français comme le prévoit la loi et pour le plus grand bénéfice des consommateurs. Il en va de même de la surveillance du marché de l’électricité et du gaz. Comme le préconisent le Conseil général des mines et l’Inspection générale des finances dans leur rapport sur les prix de l’électricité en France et en Europe, publié en octobre 2004, il faut clarifier la mission de surveillance du régulateur des marchés de l’électricité et du gaz en donnant à la CRE les moyens juridiques de mieux assurer les missions de surveillance des marchés et de renforcer l’effectivité de leur contrôle. Aujourd'hui environ 90% des transactions sur les marchés de gros de l’électricité, conclues de gré à gré, et la totalité des transactions effectuées sur les marchés de gros de gaz naturel sont essentiellement surveillées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Cette direction étant placée sous l’autorité du ministre de l’économie et des finances, il existe un risque de conflit d’intérêt entre l’Etat actionnaire et l’Etat contrôleur, dès lors que les opérateurs historiques sont encore largement dominants.

3 - La politique de développement de l'énergie nucléaire :

La question du nucléaire et du lancement du nouveau réacteur EPR a focalisé l’essentiel de nos débats lors de la loi d'orientation au détriment d’une vraie réflexion stratégique sur la maîtrise de la demande énergétique et d'une politique équilibrée et adaptée à la période que nous vivons de l'électronucléaire en France.

Pour l’UDF, il aurait fallu commencer par le calibrage de la demande avec des objectifs très forts de réduction de l’intensité énergétique finale. Le projet de loi fixe le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique à 2% dès 2015 et à 2,5% d’ici à 2030 ce qui n’est sans doute pas suffisant. Mais à partir de cette expression des besoins, nous aurions pu définir politiquement le bouquet énergétique voulu pour notre nation en distribuant les rôles entre la production électronucléaire, la place des énergies fossiles et celles à réserver aux énergies renouvelables.

C’est pourquoi si l’UDF avait approuvé la construction d’un démonstrateur EPR qui servira de solution de remplacement d’ici 2015 en cas de dysfonctionnement structurel des centrales les plus anciennes, nous pensons que la question de fond concernant la filière électronucléaire française n'a pas encore trouvé sa réponse.

Combien de centrales nucléaires devront nous reconstruire pour remplacer le parc actuel et satisfaire aux besoins énergétiques de la nation et pour quelle puissance de production ? Nous n'avons pas répondu à cette question centrale.

Pour obtenir une réelle diversification du bouquet énergétique français, il faut se fixer une règle simple : la production d'électricité nucléaire doit être recentrée sur la satisfaction de la base de notre demande énergétique, le gaz naturel et les énergies renouvelables doivent monter en puissance pour satisfaire les besoins exprimés en semi base et en pointe.

4 - La place à donner aux énergies renouvelables :

Osons dire clairement que les mesures prises jusqu'à ce jour, si elles vont clairement dans le bon sens, sont insuffisantes et manquent d'efficacité. Pour susciter le développement d'entreprises industrielles et de services, capables de concurrencer, à leur place, des entreprises du secteur énergétique traditionnel, il conviendrait d'encourager de façon homogène, et surtout durable, le développement des énergies les moins coûteuses. Il faut éviter de pénaliser artificiellement, comme aujourd'hui, les avantages naturels de compétitivité de ces énergies dans les zones géographiques où l'accès à l'électricité est plus coûteux qu'ailleurs comme les îles non connectées au réseau métropolitain et les zones rurales peu denses. Il faut également réformer en profondeur les mécanismes incitatifs. Ainsi, les aides directes de l'ADEME sont-elles, comme toutes les aides budgétaires, aléatoires et menacées en cas de régulation. En outre, étant donné l'annualité budgétaire, ces aides ne peuvent quasiment être que des subventions d'investissement. Enfin, il n'existe pratiquement aucune aide pour encourager l'utilisation de la biomasse comme combustible, alors qu'elle représente déjà dix millions de tonnes-équivalent-pétrole. Heureusement, un pas a été fait très récemment encore dans le cadre du projet de loi sur le logement puisque les parlementaires ont permis la mise en place d’un taux réduit de TVA pour toutes les installations de chauffage utilisant au moins 60% d’énergie provenant de la biomasse.

Dans le même objectif, la pile à combustible devrait être un des axes majeurs de recherche dans les prochaines années.

Parmi les énergies alternatives, il y a également un sujet particulièrement cher à l'UDF : les biocarburants. Depuis de nombreuses années, avec mes collègues Charles de Courson et Stéphane Demilly notamment, l’UDF s’est emparée de ce sujet et nous nous battons pour que soit donné à cette filière tout le soutien dont elle a besoin. Les objectifs affichés, les annonces faites sont ambitieuses mais les actes suivent difficilement.

Loi après loi, PLF après PLF, nous avons toujours eu un certain nombre de propositions très concrètes et très pragmatiques pour le développement de cette filière : la TGAP sur les biocarburants dont nous sommes à l’origine n’a été qu’une étape. Il s’agit maintenant d’aider les producteurs à être compétitifs, d’inciter les consommateurs à préférer les biocarburants. Il faut agir sur tous les maillons de la chaîne. Bien sûr, la politique en faveur des biocarburants passe principalement par des incitations fiscales et cela a un coût pour l’Etat mais il faut enfin envisager les choses à long terme.
Chaque année, nous proposons des mesures, ambitieuses pour certaines comme des avantages fiscaux pour les véhicules flex-fuel ou encore l’extension de l’aide fiscale à l’incorporation de biocarburants dans tous types de carburants et pas seulement ceux des voitures.
J’ai également vivement défendu, notamment dans le cadre de la loi d'orientation agricole, les huiles végétales pures. Je me suis beaucoup battu pour que cette filière, reconnue comme un biocarburant à part entière par l’Union européenne, soit encouragée. Pourquoi son utilisation est-elle restreinte aux seuls agriculteurs ? Les raisons évoquées, qu’elles soient techniques, juridiques, écologiques ou énergétiques, ne sont tout simplement pas valables.

Aujourd’hui les blocages sont toujours là, nous les avons encore dénoncés il n’y a pas si longtemps que ça et nous avons demandé, pour les mettre en lumière et ainsi pouvoir les surmonter, la création d’une commission d’enquête à ce sujet.

Et en attendant, notre retard s’accumule, la distance grandit entre nous et nos voisins. Nous sommes maintenant tellement loin derrière l’Allemagne, l’Angleterre, les pays nordiques, le Brésil, les Etats-Unis.


5 - Faire des économies d'énergies dans le secteur du logement ancien une priorité nationale

Le secteur du logement représente un enjeu majeur de la politique énergétique compte tenu de son importance, 46% de la consommation d’énergie, ce qui en fait la deuxième source d’émission de gaz à effet de serre.

30 millions de bâtiments mal chauffés et mal isolés rejettent chaque année dans l’atmosphère 100 millions de tonnes de CO2. Afin d’atteindre l’objectif global mentionné dans le projet de loi d’une diminution par quatre des émissions de gaz à effet de serre en France d’ici 2050, ce sont 400.000 logements qui devront être réhabilités du point de vue énergétique chaque année jusqu’en 2050. Jamais, depuis la reconstruction d’après guerre, la France n’a été confrontée à un tel enjeu. Pour autant, les technologies et les savoir-faire fiables, maîtrisés et économiques existent pour atteindre ces objectifs.

L'UDF regrette que les dispositions actuelles de la loi concernant les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des bâtiments existants ne fixent pas d’objectif à atteindre en terme de réduction quantifiée des émissions de gaz à effet de serre, ce qui prive l’ensemble des professions du bâtiment de perspective dynamique et volontariste.

Nous proposons d'inscrire explicitement cet enjeu dans la loi et de le traduire par une norme en terme de consommation annuelle de chauffage (50 kWh équivalent pétrole par m² et par an) qui doit être atteinte d’ici 2050 ce qui permettra une implantation fiable, durable et rentable des énergies renouvelables pour peu que le recours aux énergies traditionnelles en chauffage comme en climatisation soit le plus limité possible et que les bâtiments soient eux-mêmes faiblement consommateurs.

II- la fusion Suez-Gaz de France

Voilà pour le contexte, venons-en au cœur du débat.
Monsieur le Premier Ministre, vous souhaitez tâter le pouls de la représentation nationale quant à ce projet de fusion. Sachez qu’à l’UDF, nous sommes extrêmement prudents sur ce sujet. Nous n'avons pas arrêté notre position. Nous prendrons le temps d'écouter tous les acteurs socio-professionnels concernés, d'instruire très précisément tous les scénarios possibles.


Bref, clin d'œil amical à M.Prodi, en voyage diplomatique et énergétique actuellement en France. Sur Suez-GDF, plus qu'ailleurs, "qui va piano, va sano" Nous avons ici ce débat, c’est un bon début.

Alors, l'UDF, Monsieur le Ministre a un certain nombre de questions à vous poser aujourd'hui. Nous avons soutenu, en son temps, le changement de statut des entreprises électriques et gazières. L’ouverture de leur capital va complètement dans le sens d’une modernisation nécessaire à leur compétitivité, d’une adaptation aux enjeux du marché.

Et je me permettrais, sans aucune malice, de rappeler qu’à l’époque de la discussion sur le changement de statut d’EDF et GDF nous avions défendu un amendement visant à fixer le seuil minimum de la participation de l’Etat dans le capital de GDF à 50% et non 70%. La problématique est en effet différente de celle d’EDF puisque GDF n’a pratiquement aucune fonction de production et a par ailleurs besoin d’ouvrir très largement son capital pour mener à bien son projet industriel et réussir sur les marchés européen et étranger. Si vous nous aviez écouté, à ce moment, nous aurions eu ce débat plus tôt… Et peut-être n’aurions-nous pas eu besoin de siéger pour discuter d’une nouvelle loi. Et puis vous n’auriez pas été obligé de rencontrer votre propre ministre de l’Intérieur, pour le convaincre, en tant que Président du parti de votre majorité, de mettre vos troupes au pas et de vous accorder un soutien qui vous est apparemment de moins en moins acquis.

Pour nous, cette fusion doit être envisagée sans passion. Elle répond à une logique industrielle. Elle permettrait la naissance du deuxième groupe mondial d’électricité et de gaz par sa valeur boursière, avec une capitalisation de 70 milliards d’euros, juste derrière EDF, premier groupe énergétique européen. Cela parait donc comme un choix possible pour la France et au-delà pour l’Europe, qui enregistrerait la naissance d'un nouveau champion européen dans ce secteur.

Mais il faut aller au-delà de ce scénario idéal et se poser les quatre bonnes questions.

Première question : Peut-on laisser le « patriotisme économique » guider nos choix en matière de politique énergétique et même économique ? Ce projet de fusion est en effet moins un véritable choix stratégique de politique énergétique, alors que ce devrait être le cas en ces temps difficiles que je vous ai décrits, qu’une « pilule anti-OPA » destinée à contrer l’offre d’ENEL sur Suez et ainsi à rassurer les Français qui voient dans le patriotisme économique une réponse à la mondialisation sauvage et destructrice d’emplois. Est-il vraiment positif d’agir en « réaction contre », en « refus de » ?
Et au-delà de cet esprit intrinsèquement négatif, quelle image nous donnons à nos voisins européens ! Le patriotisme ne doit pas être synonyme de défiance ou de rejet. Nos voisins européens, moins encore que nos partenaires dans le monde ne doivent être considérés comme des adversaires. Nous ne devons pas glisser sur cette pente raide et dangereuse. Comment pourrons-nous prétendre construire une politique européenne en matière d’énergie si la méfiance règne entre nous, si nous semblons considérer nos voisins comme des ennemis ?

Comment peut-on justifier que la France, en 2004, soit le premier pays européen à prendre des participations dans des entreprises Européennes tout en refusant les mêmes procédés lorsqu’il s’agit de nos entreprises ? M.Prodi avait raison en disant hier que la France devait mettre un peu de cohérence dans sa position. Elle ne peut pas souhaiter avoir 20 % du marché italien d'électricité contrôlé par EDF et bloquer toute participation d'ENEL dans les marchés français correspondants.

Je cite mon collègue, Charles-Amédée de Courson, qui a très souvent raison: « Pour moi, bâtir une politique industrielle sur le principe du patriotisme économique est une plaisanterie ». « Aujourd’hui la meilleure façon de défendre les intérêts des salariés et des consommateurs français, c’est de créer des champions européens, comme nous l’avons fait avec Airbus ». Il y a là une part de vérité qui doit nous interroger.

Deuxième question : si cette fusion peut se justifier, et j'ai moi-même cité l'émergence de nouveaux acteurs énergéticiens à dimension européenne et à offre énergétique complète, n’aurait-il pas été plus évident encore d’opérer un rapprochement avec EDF, partenaire historique de GDF ? Les Allemands ont réussi un tel rapprochement entre Ruhr gas et EON ? Pourquoi pas nous ? On nous dit que les temps ont changé, que la commission européenne, devant le poids d'un tel acteur sur les marchés français de gaz et d'électricité nous imposerait des cessions d'actifs importantes. Certes, mais avons-nous seulement étudié ce scénario et pourquoi n'a-t-il pas été présenté à la représentation nationale ? Or ce scénario présente d'énormes avantages (y compris en ce qui concerne la maîtrise du capital d'EDF et la maîtrise des tarifs d'électricité). L'UDF vous demande, M.Le ministre de faire étudier dans le détail le scénario EDF/GDF et de nous le présenter.


Quitte à pratiquer le patriotisme économique, autant mener la logique à son terme. Et quid alors, maintenant, de l’esprit des deux entreprises ? Cette question n’est pas sans importance. Leurs chemins se séparent définitivement après des années de vie commune. L’état d’esprit, la culture vont immanquablement changer. Il faudra voir à suivre et accompagner cette évolution. Tout comme pour Suez d’ailleurs, qui voit entrer l’Etat dans son capital. Privatisation de GDF, nationalisation de Suez, isolement d’EDF. Il faut gérer au mieux ces transitions. Et au-delà de cet esprit d’entreprise, il s’agit surtout de s’assurer que la séparation soit la plus supportable et la plus juste pour les deux parties. Après de nombreuses années de vie commune, GDF détient un certain nombre d’informations qu’elle va pouvoir mettre à la disposition de son nouveau partenaire : le savoir-faire, les fichiers… Comment peut-on être sûrs qu’EDF n’en sortira pas affaibli ? Pour en être sûrs, il y aurait eu une solution toute simple : préférer le rapprochement EDF-GDF. Rien ne s’y oppose. Tout y concourre. Alors pourquoi ?

Troisième question : au-delà de cette question presque philosophique, il y a également un problème méthodologique. Je vous rappellerai seulement la loi Sarkozy d’août 2004, c’était il y a moins de deux ans, qui promettait de conserver la part de l’Etat dans les deux entreprises, EDF et GDF au-dessus de 70%... Dans le projet qui s’annonce, on ne devrait pas dépasser les 40%, suffisants pour la minorité de blocage mais encore une fois, après la privatisation des sociétés d’autoroute, nous ne pouvons que souligner votre changement de position. Quel est aujourd'hui votre chemin pour lever ce blocage législatif ?

Quatrième question : Quelle est la position de la Commission européenne à l’égard de cette fusion ? L’Europe est très chatouilleuse lorsqu’on parle de concurrence. Quelles vont alors être les contreparties qu’elle sera amenée à demander afin que cette fusion et le nouvel ensemble qu’elle va engendrer respecte les principes de la concurrence ? Le vrai problème ne se situe pas en France mais en Belgique. En effet, le nouveau groupe contrôlerait 90% des marchés belges de l’électricité et du gaz. Le régulateur belge, la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (la Creg), a rendu un avis juridiquement non contraignant mais politiquement difficile à ignorer : il recommande l’abandon par GDF de ses 25% dans la SPE (deuxième électricien du royaume), la vente par Suez de Distrigas, sa filiale (à 57%) de négoce de gaz en Europe, la cession de ses participations (57,25%) dans Fluxys (transport du gaz naturel) et d’Elia (gestionnaire de réseaux haute tension détenue à 27,45%) ainsi que de sept réacteurs nucléaires exploités par Electrabel. Cela fait quand même beaucoup. Voilà des contreparties qui, même si elles demandent à être confirmées, donnent à réfléchir.

Et puis il reste à savoir ce que contiendra le texte. Nous attendons avec une extrême prudence d’en voir les modalités et de prendre connaissance du contenu exact de votre texte.
Et je pense bien sûr en premier lieu aux conséquences sociales de la fusion. Que vont devenir les 56000 salariés d’EDF et GDF qui travaillent dans le secteur de la distribution ?




III. La libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité

La deuxième partie du projet de loi devrait entériner l’ouverture complète à la concurrence des marchés électrique et gazier à compter du 1er juillet 2007 après une première étape le 1er juillet 2004 pour les professionnels.

Il s’agit de compléter la transposition des deux directives 2003/54/CE et 2003/55/CE concernant la libéralisation des marchés intérieurs de l’électricité et du gaz entamée par l’adoption, en août 2004, de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.
Cette loi prévoit une ouverture progressive du marché à la concurrence : 70% du marché au 1er juillet 2004 puis 100% au 1er juillet 2007.

Malheureusement, depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité pour les professionnels, les prix ont flambé pour ceux ayant choisi la concurrence. Nombreux sont ceux qui craignent une situation similaire, notamment pour le gaz, après l’ouverture à 100% des marchés énergétiques.

La vraie raison de cette hausse n'est pas l'ouverture à la concurrence comme le disent de manière spécieuse les adversaires du marché intérieur européen. La raison de la hausse réside dans la corrélation très forte entre le prix du pétrole, celui du gaz et de l'électricité.

Afin d’apporter des garanties, le Gouvernement a envisagé un certain nombre de garde-fous :
- Ceux qui le souhaiteront pourront conserver des tarifs réglementés inférieurs aux prix du marché.
- Il serait créé un « tarif social gaz » sur le modèle du « tarif social électricité »
- Une « réversibilité » est prévue dans certains cas : lorsqu’un ménage regrette d’avoir quitter EDF ou GDF ou en cas de déménagement, il pourra revenir aux tarifs régulés.

Il est à noter que dans la mesure où le Gouvernement a annoncé le gel des prix du gaz jusqu’en juillet 2007 et où il a contraint EDF à s’engager à ne pas augmenter ses tarifs au-delà de l’inflation pour les cinq prochaines années, les particuliers n’auront vraisemblablement aucun intérêt à faire jouer la concurrence pendant cette période.

Notre question est donc très simple, Monsieur le ministre : pouvez-vous nous dire exactement ce qu'il a dans cette deuxième partie du projet de loi. Notre demande me semble relever du minimum syndical.

En conclusion, pour l'UDF, l'énergie n'est pas un secteur d'activité comme les autres. Les enjeux et les risques pour la nation sont énormes. En face des turbulences majeures qui s'annoncent à l'horizon, osons être à la hauteur du changement d'époque que nous allons vivre.

Ces enjeux concernent tous les Français et osons le dire tous les européens. Face à un tel défi, ils peuvent se mobiliser très positivement. A nous de ne pas recommencer des erreurs récentes, à nous de prendre le temps d'en faire un vrai temps fort démocratique.

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