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11/12/06 - Projet de loi "Accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé"

Publication : 17/12/2006  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis


Madame la présidente, Monsieur le Ministre, Mes chers Collègues,

Je m’exprimerai avec humilité sur ce sujet dont je ne suis pas un expert mais les rares ressources dont dispose l’UDF exigent un coaching spécial de temps en temps.
Nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui traite d’un enjeu de grande importance dans le monde moderne, celui de l’accès au crédit pour les personnes malades. J’ai apprécié les propos de Mmes Greff et Guinchard. Elles ont montré que les enjeux allaient bien au-delà du sujet traité aujourd’hui. Cela nous renvoie aussi au regard que la société porte sur les malades en train de mourir et à la façon dont nous nous situons par rapport à l’eugénisme. Comment, un individu pourrait aujourd’hui subvenir à ses besoins en terme de logement et de projet de vie, sans avoir la possibilité d’accéder à l’emprunt ?
Cette question est d’autant plus épineuse quand l’accès au crédit est limité pour certaines personnes. Ces personnes qui placées en situation de risque de santé aggravé, du fait d’une maladie ou d’un handicap, se trouvent dans l’impossibilité d’accéder à l’emprunt.

Car la souscription d’une assurance est souvent une condition exigée d’obtention des prêts surtout lorsqu’il s’agit d’un emprunt immobilier. De fait, lorsque des personnes présentent un risque aggravé de santé, les assurances refusent d’endosser ce risque lié à une morbidité plus élevée et donc de les assurer. Ou bien, elles acceptent de le faire, mais à des tarifs exorbitants les plaçant alors dans une situation financière intenable.
Certes, les négociations conventionnelles ont permis d’élargir le champ de l’accès au crédit à la consommation à ces personnes mais la question reste entière, en ce qui concerne l’immobilier, du fait du coût de ces emprunts et des assurances, qui reste très élevé.

Monsieur le ministre, vous l’avez dit, on compte aujourd’hui de 10 à 11 millions de personnes concernées par ces discriminations, dont 7 millions de personnes en affection de longue durée (ALD). Ces personnes, dont le quotidien est déjà altéré par la maladie ou le handicap, ont droit à une vie normale, elles ont droit à un traitement équitable faisant fi des discriminations qui les empêchent d’emprunter et de construire leur projet de vie professionnelle et personnelle. Notre société se doit de réaliser un tel progrès social pour des citoyens qui ont le plus besoin de la solidarité nationale.

Je vous l’accorde, le cheminement est long. Pourtant, les mentalités évoluent et les efforts finissent par porter leurs fruits.
Après une première convention spécifique relative à la possibilité d’assurer les personnes séropositives de 1991, qui n’a jamais vraiment permis une amélioration notable de leurs situations, la convention Belorgey, signée le 19 septembre 2001 par l’Etat, les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit et les assureurs, ainsi que par seize associations représentant les consommateurs ou les personnes présentant un risque de santé aggravé a permis de réaliser certaines avancées en matière d’accès au crédit.

Pourtant, ces avancées se sont révélées insuffisantes, puisque la convention ne couvrait que l'assurance décès et non l'assurance invalidité. De plus, les garanties de confidentialité étaient défectueuses, les délais d'instruction des dossiers restaient souvent incompatibles avec les exigences des vendeurs de biens immobiliers
et enfin, l'importance des surprimes (parfois autour de 300%) empêchait bon nombre de personnes, même quand leur dossier était retenu, de mener jusqu'à son terme l'opération envisagée.

Face à ces défaillances, une nouvelle convention, dite convention « s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé », (AERAS) remplacera la convention Belorgey de 2001, au 6 janvier 2007. Cette convention vient étendre le dispositif précédent au risque d’invalidité et permet de rendre plus effectives les obligations de motivation de refus de prêt. Plusieurs collègues ont rappelé que cette convention était le fruit du plan cancer. L’UDF veut souligner, avec un recul de quatre ans, la fécondité de cette approche globale de la maladie, sur le plan médical, social, universitaire et humain. À l’UDF, où l’on peut difficilement être taxé de chiraquisme militant, nous voudrions aujourd’hui saluer le chemin parcouru grâce à cette initiative du Président de la République et je pourrais en dire autant, madame Montchamp, à propos de ce qui a été fait pour le handicap, autre grand chantier social de ce mandat.


Le groupe UDF ne peut donc que se réjouir de cette initiative consistant à donner une base légale à cette convention, garantissant sa pérennisation et son extension. C’est un vrai progrès social, il faut le souligner !

La consécration législative du dispositif devrait permettre de rendre celui-ci obligatoire et opposable. Il est clair que les personnes concernées ne sont pas assez informées sur les possibilités qui leur sont ainsi offertes.
Le projet de loi présente des améliorations notables telles que l’obligation de motivation de refus de prêt puisque la connaissance préalable du motif du refus de prêt permet de solliciter la mise en œuvre du dispositif conventionnel.
On peut également se réjouir de l’ouverture amorcée par la convention AERAS et du présent texte concernant l’assurance invalidité, puisque l’une des limites de la convention Belorgey était justement que son champ d’application se concentrait sur la garantie décès, alors que les établissements de crédit exigent de plus en plus systématiquement une garantie complémentaire en invalidité.
Et puis, et surtout, ce projet de loi réalise un réel progrès en élargissant au pouvoir réglementaire le dispositif de sauvegarde de la convention. Ceci nous semble être une avancée intéressante permettant, en cas d’enlisement du dispositif conventionnel, l’intervention de solutions réglementaires. Un décret pourra également étendre l’application de la convention aux entreprises et organismes représentés par l’organisation non signataire. Il ne reste à espérer que cette extension sera effective.
Malgré ce point de vue positif, le groupe UDF émettra quelques réserves concernant la réelle efficacité du dispositif :

 D’abord, sont habituellement qualifiées comme « présentant un risque aggravé de santé », des personnes qui, parce qu’elles sont malades, ont été malades ou sont spécialement susceptibles d’être malades, ont un risque statistique de maladie (morbidité) ou de décès (mortalité) supérieur au risque moyen d’une population composée de personnes du même âge.
Mais cette appréciation reste libre pour les assureurs et ce texte ne résout toujours pas le problème du flou de la disparité qui émerge de l’absence de critères précis de différenciation et qui génèrent de nouveaux types d’inégalités, tant dans la sélection des risques aggravés que dans leur tarification.
L’article 1er évoque la notion de risque aggravé sans la définir. La loi renvoie le soin de la définition à une instance scientifique, chargée de commanditer et diffuser des études sur les risques de morbidité et de mortalité liés aux pathologies concernées. On peut donc s’interroger sur l’objectivité et l’adaptabilité d’une telle définition.

 Egalement, nous nous interrogeons sur l’efficacité d’un tel dispositif en l’absence d’une modification de l’article 225-3 du code pénal qui exclut de la pénalisation, les « discriminations fondées sur l’état de santé, lorsqu’elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ». Compte tenu de l’exception prévue à cet article, seule une intervention législative serait susceptible de garantir aux personnes présentant un risque aggravé de santé l’accès à l’assurance et au crédit. Par conséquent, je vous le demande, Monsieur le ministre : le dispositif conventionnel que vous nous demandez d’entériner sera-t-il efficace si un aménagement législatif réglant ce problème n’est pas prévu ?

 De plus, il est à craindre que les surprimes ne restent dissuasives. Et le projet de loi ezst clairement insuffisant sur ce sujet.

 Enfin, l’obligation de souscription à une assurance prend très souvent la forme d’une exigence d’adhérer à un contrat d'assurance collective que les établissements bancaires souscrivent en vue de garantir le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû. Or, les banques, parties au dispositif, craignent, en cas d’acceptation du crédit, de voir leurs contrats de groupe renégociés par les assurances, augmentant ainsi leurs primes.

Si la loi ne peut venir interdire le refus d’assurance, il convient d’encadrer légalement ce refus ou du moins d’offrir des solutions alternatives aux personnes présentant un risque aggravé de santé qui se voient refuser un tel prêt. La partie vulnérable au contrat doit être protégée. Derrière ce constat se pose la question beaucoup plus large de la solidarité nationale. Quel type de solidarité souhaitons-nous?
La question reste entière puisque cette convention et ce projet de loi n’y apportent aucune réponse.

La vraie question c’est que la question de l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé met en opposition deux parties dont les intérêts divergents. L’une – les établissements financiers - cherche à se prémunir contre le risque et l’autre – les malades - cherche à être traitée en toute égalité. La question est réellement de savoir quel est le meilleur dispositif possible pour gérer ces intérêts contradictoires. En clair et en mettant « les pieds dans le plat », la question est brutale : qui doit payer le surcoût de l’assurance lié au crédit consenti à ces personnes?
• Nous proposons la création d’un fonds de garantie qui permettrait aux personnes présentant un risque aggravé de santé de ne pas avoir à supporter des surprimes fixées à des taux exorbitants qui limitent toujours leur accès au crédit. La mise en place d’un plafond serait de toute évidence un réel progrès. Le dispositif entériné n’est pas, sur ce point, satisfaisant, les surprimes restant excessivement élevées (300% pour des malades porteurs du VIH, sous traitement anti-rétroviral).
Rien n’empêcherait d’ailleurs que ce fonds soit alimenté de façon mixte – établissements financiers, emprunteurs - les banques les moins vertueuses qui pratiquent des taux démesurés étant appelées de manière préférentielle. Faut-il rappeler la bonne santé financière de ces établissements pour démontrer qu’il devrait être de leur devoir de participer à la solidarité nationale sur un sujet d’une telle importance ?
Malgré toutes ces réserves, auxquelles Monsieur le ministre, nous souhaiterions des réponses concrètes, le groupe UDF accueillera ce texte favorablement. Car il présente certaines avancées et une ouverture, notamment en ce qui concerne l’assurance invalidité. Il s’agit, je vous en donne acte, d’un vrai progrès social. Nous ne mégoterons donc pas notre soutien et nous souhaitons, à cette occasion, un vote unanime qui honorerait notre assemblée.

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