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11/12/06 - Discours de Jean Dionis du Séjour, porte-parole sur le projet de loi sur l’eau

Publication : 18/12/2006  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis


Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

Depuis ces derniers mois, nous assistons à une véritable prise de conscience de nos concitoyens et, espérons-le, de nous tous ici, en matière d’environnement.
Nous pouvons être sûrs que cet intérêt jouera un rôle central lors des prochaines échéances électorales. Et nous devons absolument saisir cette chance aujourd’hui car les défis à relever sont nombreux : pollution, réchauffement climatique, urbanisation massive, gestion des déchets.

L’eau est un autre de ces défis. Et non des moindres. L’objectif de ce texte est de doter la France de moyens efficaces pour une bonne politique de l’eau et pour atteindre, d’ici 2015, comme le veut la directive, le « bon état écologique des eaux ». Nous nous en félicitons car au fil des années, nous avons progressivement détérioré notre environnement, que ce soit l’air, l’eau et le lien entre cette détérioration et les enjeux majeurs de santé publique – je pense aux véritables pandémies que sont devenus les cancers – est désormais avéré. Agir pour l'écologie, c’est donc agir pour la santé publique et ce seul enjeu justifie notre mobilisation.

Il y a encore trois ans, une étude de l’IFEN montrait que 75% de nos eaux superficielles étaient polluées par des pesticides. Le chemin est donc long, très long, jusqu’à l’objectif fixé par la directive. Et nous sommes loin d’être en avance, à partir de ce constat, ce texte propose des outils pour lutter contre la pollution des eaux, notamment concernant les phytosanitaire, il est à ce titre le bienvenu.
Reste que cet objectif ne doit pas être le seul. Outre la qualité des eaux, nous ne devons pas négliger les enjeux liés aux ressources en eau. Nous devons imaginer une nouvelle doctrine en matière d'usage de l'eau, une doctrine qui prenne en compte les données du changement climatique. Monsieur le rapporteur, vous provenez du nord de la France, mais sachez que dans le Sud-Ouest, la température a augmenté de deux degrés centigrades en soixante ans. Les conséquences en sont visibles sur toutes nos rivières. Les comportements ont changé et les besoins en eau sont plus importants, tant pour la consommation domestique que pour l’agriculture.
Une nouvelle doctrine de gestion de l'eau doit donc s'inspirer de ces nouveaux besoins. Elle doit parvenir à s'affranchir de l’orientation actuelle, bien malthusienne, d'incitation aux économies d'eau, et proposer des mesures en matière de création de nouvelles ressources. S’il faut, bien entendu, inciter tous les consommateurs, domestiques ou non, à économiser l'eau et à rationaliser son utilisation, il faut également envisager la création de nouvelles ressources.
Au demeurant, nous n’en sommes pas au point de manquer d'eau. Germinal Peiro a rappelé les chiffres, les siens indiquant même 170 mm de plus de précipitations par an que les miens mais, après tout, les ordres de grandeur sont les mêmes. La pluviométrie est donc abondante. Si elle était correctement maîtrisée, elle permettrait de satisfaire tous les besoins en eau. L'intelligence – le bon sens paysan – voudrait que l'on stocke l'eau quand elle est surabondante, dans la perspective d'une multiplication des périodes sèches et caniculaires. Aussi faut-il mettre en œuvre une véritable politique de création de nouvelles ressources en eau par l’édification de barrages, de retenues collinaires, par l'utilisation des eaux de pluie et des eaux de ruissellement.
Or le texte est bien trop timide sur ce point. La création de nouvelles ressources est mentionnée de manière presque honteuse, au détour de deux phrases dans un même article. On tergiverse encore sur la création d'un crédit d'impôt pour la mise en place d'installations de récupération et de traitement des eaux pluviales. Certes, le dispositif est un peu compliqué à mettre en œuvre mais, comme on dit : impossible n'est pas français et pour preuve de notre grande frilosité sur ce sujet, nous avons discuté des heures lors du dernier budget de l’agriculture pour, finalement, n’obtenir que 5 millions d’euros supplémentaires pour l’hydraulique agricole !
Tout cela doit changer. Il faut cesser de ne défendre et de ne professer que les économies d'eau. Il faut absolument les coupler avec cet objectif impérieux de création des ressources, les deux exigences n'étant d'ailleurs absolument pas contradictoires. Cessons donc d'opposer écologistes et agriculteurs, économies d'eau et création de ressources !
Arrêtons de nous enfermer dans cette opposition binaire stérile et rassemblons-nous sur un consensus qui allie le meilleur de ces deux doctrines !
Reste la question du financement de cette politique quantitative et qualitative de l'eau. Sur qui doit reposer le coût de ces programmes d'amélioration ?
Vous avez proposé un système de redevances pour l’essentiel octroyées aux agences de l'eau. En la matière, il est nécessaire de réaffirmer clairement le principe du « pollueur-payeur ». Celui qui pollue paye. On mesure donc la pollution réalisée pour fixer la taxe. Ce principe va dans le bon sens, même si nous concevons bien que sa mise en œuvre n’est pas évidente.
Or, dans le texte, vous proposez un système mixte, bien compliqué, souvent confus, même si je reconnais la complexité du sujet. Comment justifiez-vous, notamment, la mise en place d'une taxe en fonction du volume d'eau prélevé ? Imaginez-vous l’effet produit dans nos campagnes par l’idée de rendre obligatoires les compteurs volumétriques ? J’ai passé des week-ends entiers à me faire « engueuler » sur ce sujet !
Vous instaurez la suspicion alors que, jusqu’à présent, d’autres systèmes fonctionnaient correctement. Il faut aller dans le sens d'une confiance accrue envers nos agriculteurs qui sont des gens responsables, comme vous et moi, et laissez-moi vous poser une seule question : quand arrêterons-nous de les considérer comme plus fraudeurs que d’autres catégories de la population ? Quand allons-nous admettre qu’il n’y a ni plus ni moins de fraudeurs chez les agriculteurs, qu’il ne s’en trouve parmi les employés de banque ou même les députés ? Il faudrait un jour cesser de considérer ainsi nos agriculteurs et au-delà de ce problème de fraude, votre texte relève encore d’une logique de « consommateur-payeur » à cause de laquelle l’agriculture est mal vue, plutôt que d’une logique « pollueur-payeur ».
Or l'agriculture est structurellement consommatrice d'eau. C'est ainsi et comment pourrait-il en être autrement, surtout dans le sud de la France ? Une gestion efficace doit être encouragée, certes, mais il faut également reconnaître les efforts consentis par les agriculteurs tant en matière de consommation d’eau qu’en matière de réduction de la pollution de l'eau.
Les programmes de mise aux normes des bâtiments d'élevage, par exemple, sont un vrai succès : 37 500 élevages ont été traités dans le cadre du PMPOA I et 8 210 dans le cadre du PMPOA II au 1er janvier 2006. C’est bien la preuve que les agriculteurs suivent des programmes raisonnables, pour peu qu’on leur en propose.
Un dernier mot sur les agriculteurs : le principe de la transparence des GAEC est étrangement absent de ce texte. Nous proposerons des amendements raisonnables pour l’introduire ; nous espérons être entendus.
Nous espérons aussi que vous reviendrez sur la suppression des articles 23 bis et 28 bis, chers à mon ami François Sauvadet. Le premier de ces articles tend à mettre en place un crédit d’impôt pour les dépenses de réhabilitation d’installations d’assainissement non collectif et le second crée un fonds départemental facultatif pour l’alimentation en eau et l’assainissement, absolument nécessaire, de l’avis de certains conseillers généraux, pour assurer une solidarité départementale au bénéfice des petites communes rurales.
Il serait également utile de supprimer le plafonnement de la part fixe des redevances d’eau et d’assainissement. L’autonomie des collectivités locales en la matière est en effet fondamentale en un temps où beaucoup de nos communes vont devoir renouveler leurs canalisations d’eau potable.
J’en viens, pour finir, aux points positifs de ce texte. Le premier, et non le moindre, est qu’il a le mérite d’exister.
Nous vous remercions, madame la Ministre, de vous être battue pour qu’il soit inscrit à l’ordre du jour de façon à pouvoir entrer en vigueur avant le 1er janvier 2007.
Je salue aussi la qualité du travail de notre rapporteur, que nos collègues de l’opposition ont également relevée avec beaucoup de courtoisie, et la contribution de mes amis du groupe UDF, François Sauvadet, André Santini et Jean Lassalle, qui vient de nous rejoindre dans l’hémicycle.
Vous avez réussi le tour de force de boucler ce texte, madame la ministre. Ce n’était pas évident pour un projet lancé en 2002 et considérablement freiné par le changement de majorité. Qui plus est, reconnaissons que le sujet n’est pas aisé. Vous êtes parvenue à pacifier certains conflits difficiles qui agitaient ce domaine ; je pense notamment aux conflits qui opposent pêcheurs et propriétaires d’étangs privés, et auxquels mettra fin la définition enfin consensuelle des eaux libres et des eaux closes.
Vous avez également permis une vraie reconnaissance des fédérations départementales de nos pêcheurs, qui connaissant bien le milieu aquatique.
Vous avez enfin, et je vous en rends acte, joué le jeu de la démocratie parlementaire en acceptant plusieurs amendements significatifs, notamment ceux qui ont permis de retravailler dans le bon sens les dispositions relatives au service public d’assainissement non collectif.
Tout cela justifie, à notre avis – du moins à celui de François Sauvadet et du mien –, un geste de bonne volonté. L’UDF s’y prépare, surtout si vous réservez un sort convenable à nos principaux amendements.

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