Monsieur le Président, Madame la Ministre, mes chers collègues,
Je tiens tout d’abord à souligner encore une fois, comme en première lecture, l’honneur que représente pour moi ma fonction de rapporteur pour la Commission des affaires économiques sur ce projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique.
Mes chers collègues, nous pouvons être fiers d'avoir eu un vrai débat de parlementaire où celui-ci tient toute sa place de législateur. Merci d'abord à mes collègues de la commission, de chacune des familles politiques pour la qualité de leur travail et si j'ose dire pour leur au-dace et leur indépendance d'esprit. Je veux saluer personnellement le Président Patrick Ollier pour l'esprit très parlementaire qu'il insuffle à notre commission. Je veux enfin, vous remercier Madame la ministre pour votre écoute et celle de vos services, même si je regrette que la Commission des Affaires économiques n'ait pas pu vous convaincre encore sur la nécessité de créer ce soir les fondements d'un droit Inter-net Français. Nous aurons tout à l'heure un débat libre et vigoureux pour promouvoir le point de vue de la Commission.
Ce texte est, en effet, d’une grande importance. Ce projet de loi a, en effet, une dimension fondatrice : il fonde de fait dans la législation française à la fois l'Internet et le commerce électronique, lui donnant ainsi une grande portée symbolique. Les choix qui vont être faits ici, dans cet hémicycle, vont donc orienter l’évolution du développement de l’économie numérique pour l’avenir.
Nous n’en sommes plus à l’étonnement qu’a provoqué l’irruption d’Internet au milieu des années quatre-vingt-dix, avec les bouleverse-ments qui étaient annoncés à travers l’évocation des fabuleuses « au-toroutes de l’information ». Nous savons aujourd’hui que l’Internet est un outil puissant en passe de devenir omniprésent dans notre vie quo-tidienne. Notre travail de législateur, ce soir et demain, est d'écrire un droit français adapté aux caractéristiques de l'Internet, donc très réac-tif, rapide et efficace.
Bien sûr, pour cela nous devons tenir compte d'une part, des contrain-tes juridiques issues des directives communautaires, et, d'autre part, de la nécessité de rester cohérent avec le cadre juridique français. Mais surtout nous devons garder en mémoire l'enjeu fondamental de ce texte qui est de renforcer la confiance des français dans l'économie numérique pour allumer ce qui peut être suivant la qualité de notre travail ce soir un des moteurs de la croissance en ce début de 21ème siècle.
Si nous restons frileux et immobiles, l'économie numérique française le restera aussi. Si nous savons être audacieux et ambitieux, l'écono-mie numérique française connaîtra des taux de croissance "asiatiques" !
C’est dans cette logique, d'audace, d'ambition nationale pour le développement de la confiance dans l’économie numérique que la Commission des affaires économiques a inscrit son travail d’amélioration du projet de loi.
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Outre des modifications de fond, la première préoccupation de la Commission a d'abord été de restructurer le texte, afin de rendre une véritable lisibilité et force à notre texte de loi.
En effet, le champ du projet de loi a évolué à l'occasion de son exa-men en première lecture par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat.
Ainsi, le projet de loi comprend désormais des dispositions relatives à l'intervention des collectivités dans le secteur des télécommunications, et des dispositions relatives à la couverture des zones blanches par les opérateurs de téléphonie mobile, qui figurent dans deux articles placés avant l'article premier.
Ces questions sont d'une importance incontestable, mais elles ne cons-tituent pas le cœur de la problématique du projet de loi dont l'objet central reste la définition d'un cadre juridique sécurisant l'économie numérique et favorisant ainsi son développement.
Notre commission vous proposera de commencer notre débat par ce choix fondamental qu'est l'autonomie et la liberté à affirmer de la communication publique en ligne, support de l'économie numérique, par rapport à la communication audiovisuelle.
De manière cohérente, la Commission vous proposera que les disposi-tions relatives aux collectivités locales soient déplacées après l'article 37 du projet de loi, au sein du titre IV bis qui a été créé spécialement pour accueillir l’ensemble des articles traitant d’une façon plus géné-rale des technologies de l’information et de la communication.
C'est également dans ce titre que la commission des affaires économi-ques va vous proposer l'insertion des dispositions relatives aux ques-tions soulevées par des amendements examinés par l'Assemblée natio-nale à l'occasion de son examen du projet relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom qui seront traitées, à la demande du Gouvernement, dans ce projet de loi.
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Nous devons nous prononcer aujourd’hui, concerne le cadre juridi-que de rattachement de la législation des activités de l’internet.
Comme en première lecture, la Commission souhaite que cette législa-tion ne soit pas placée dans la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication mais qu'elle figure dans la loi issue du présent pro-jet de loi qui est ainsi appelé à devenir un texte fondateur.
Je détaillerai, au nom de la commission, l'argumentaire qui nous a amenés à nous prononcer à l'unanimité en faveur de l'autonomie de la communication publique en ligne.
Mes chers collègues, osons être à la hauteur de l'enjeu ce soir ! Osons, en toute indépendance, affirmer que la communication publique en li-gne est libre et qu'elle relève d'un droit moderne et adapté ! J'ai confiance dans la décision de notre assemblée lorsqu'elle assume le cœur du mandat qui lui a été confié – à savoir produire de bonnes lois dans l'intérêt général de notre pays !
A la faveur des évolutions intervenues dans le droit des télécommuni-cations, les autres enjeux majeurs du projet de loi se trouvent modifiés par rapport à ceux de la première lecture.
Ainsi, le financement du service universel a trouvé sa solution dans le cadre du projet de loi relatif à France Télécom.
Chers Collègues, permettez- moi de vous représenter les enjeux ma-jeurs de notre séance de ce soir.
Ce texte est d'abord l’occasion d'insister sur l'importance du contrôle des comportements illicites dans l'espace de l'Internet.
Il paraît essentiel de ce point de vue, de rétablir la disposition, suppri-mée par le Sénat, relative à l'obligation de moyens à la charge des hé-bergeurs en ce qui concerne la diffusion d’informations faisant l'apo-logie des crimes de guerre, incitant à la haine raciale, ou promouvant la pédophilie.
Nous ne pouvons, en effet, plus accepter que l’Internet continue d’être un espace de non-droit exposant chacun, et notamment les plus jeunes, à la diffusion d’informations scandaleuses. Alors que toute notre so-ciété se mobilise aujourd’hui pour protéger la dignité de la personne humaine, alors qu’après les évènements de Gagny, le chef de l’Etat lui-même a souligné le devoir de vigilance qui s’impose dans la lutte contre l’antisémitisme, nos concitoyens ne comprendraient pas que nous ne prenions pas les mêmes initiatives fortes dans ce domaine.
J’ajoute que, sur le plan juridique, cette obligation est pleinement compatible avec la directive comme je le démontrerai, si besoin est, lors de l’examen de l’amendement correspondant.
Sur le même sujet, la Commission estime important de rétablir la pos-sibilité d’utiliser, en tant que de besoin, une procédure de notification de la présence de données illicites sur un site Internet, procédure qui nous avait été proposée, en première lecture, par notre collègue Patrice Martin-Lalande.
Il s’agit d’une affaire de simple logique : nous avons prévu de sanc-tionner une personne demandant abusivement le retrait d’informations. Pour que ce garde-fou, garant de la liberté d’expression, puisse fonctionner, il est évidemment indispensable que la personne demandant le retrait d’informations soit connue, au moins lorsque la demande de retrait est litigieuse.
Deuxièmement, en vue d’instaurer un véritable climat de confiance pour le développement de l’économie numérique, il convient de reve-nir au texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale en ce qui concerne le commerce électronique.
Tout d'abord, il importe de revenir à une définition précise de cette ac-tivité spécifique. La rédaction du Sénat ne nous parait pas pleinement satisfaisante. En outre, elle ne prévoit pas d’instituer une responsabili-té globale du marchand en ligne sur toute la prestation. Cela est pour-tant nécessaire pour conforter la confiance des consommateurs, conformément à l’objectif général du projet de loi. Nous vous propo-serons de décider de faire exister le commerce électronique dans ce texte fondateur et dans le code de la consommation.
Troisièmement, la Commission vous propose, en ce qui concerne la lutte contre les messages non sollicités, autrement dit le « spam-ming » ou le « pollupostage », de préciser l’équilibre entre la protec-tion des personnes et le besoin de laisser sur Internet un espace de li-berté indispensable au déploiement de l'activité commerciale des en-treprises.
C’est dans cet esprit que la Commission vous propose de rendre plus efficace la répression des contraventions aux règles encadrant la pros-pection directe d’une part, via le rétablissement de la possibilité pour la CNIL de transmettre au parquet les plaintes dont elle sera saisie et, d’autre part, en permettant aux opérateurs de service de communica-tion électronique dont les équipements ont été utilisés à l'occasion d'une infraction d'exercer les droits reconnus à la partie civile, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
Quatrièmement, cette seconde lecture à l'Assemblée nationale doit permettre de fixer les outils juridiques de l'intervention des collec-tivités locales au service de la réduction de la fracture numérique.
L'essentiel de l'effort dans ce domaine repose sur la proposition d'in-sertion d'un nouvel article L. 1425-1 dans le code général des collecti-vités territoriales.
En ce domaine, nous vous proposons, ce soir, un texte raisonnable af-firmant que les collectivités locales doivent pouvoir étendre leurs in-terventions aux infrastructures « actives », c'est-à-dire aux équipe-ments électroniques, en plus des infrastructures « passives » déjà auto-risées par l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territo-riales. Ainsi les collectivités locales pourront exercer un rôle d'opéra-teur et donner une impulsion majeure au développement numérique de notre pays.
Le projet de loi introduit aussi un autre outil juridique d'intervention des collectivités locales, qui concerne la couverture des « zones blan-ches » de téléphonie mobile. Cet outil législatif s'avérera utile pour stimuler tout le monde : Etat, Collectivités locales, opérateurs de télé-phonie mobile pour mettre en œuvre rapidement les décisions des derniers CIADT à ce sujet.
En outre, il est nécessaire de rendre pérenne l’instrument de couver-ture des « zones blanches ». En effet, après l'achèvement du pro-gramme de couverture organisé sur la base de la convention entre l'Etat, les collectivités locales et les opérateurs du 15 juillet 2003, de nouvelles étapes dans la résorption des « zones blanches » pourront ultérieurement être entreprises en liaison avec les évolutions démo-graphiques, et les modifications des réseaux de transport terrestre.
Cinquièmement, le débat va devoir porter sur des amendements rela-tifs à l’organisation de la liberté concurrentielle dans le secteur des télécommunications, dont l'examen a été transféré sur ce présent pro-jet de loi, à la demande du Gouvernement, lors du débat sur le projet de loi relatif à France Télécom.
Cela concerne en premier lieu deux amendements visant à desserrer le carcan tarifaire qui pèse sur l’opérateur historique. Ils proposent une adaptation d’allègement différenciée selon que les tarifs concernés s’appliquent dans le champ ou en dehors du service universel. Je me permets d'insister sur la détermination de notre commission derrière son Président pour décider de l'assouplissement du carcan tarifaire dès ce soir comme le ministre des finances s'y était engagé lors du débat France Télécom.
Sixièmement, il nous faut clarifier la tarification de la téléphonie mo-bile.
Nous avons, pour cela, tenu à introduire le principe de la tarification à la seconde dans la téléphonie mobile. En effet, c'est une revendication juste et légitime de tous les utilisateurs des téléphones mobiles, no-tamment ceux des cartes prépayées. Mettons-nous une minutes à la place des millions d'utilisateurs des cartes pré payées : "ils achètent une carte vendue pour 30 minutes, et ils ne disposent bien souvent que d'un peu plus de 20 minutes. Ce n'est pas admissible! Je compte sur vous mes chers collègues pour changer cela dès ce soir à l'instar de ce que l'on fait nos collègues de plusieurs pays européens.
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Mes chers collègues, je pressens que ce soir nous allons avoir un bon débat, un vrai débat, libre et constructif et tant mieux,
Permettez-moi une confidence, je sais qu'en entrant dans cet hémicy-cle, chacun a bien fait son travail,
Le gouvernement a fait le sien,
La commission aussi,
Je sais aussi qu'en entrant dans l'hémicycle, nous avons des opinions différentes sur des points majeurs de ce texte,
Je ne sais pas pourquoi, mais j'espère et je pressens un débat libre, où sur un enjeu d'avenir où nos clivages politiques ont peu de ce sens, chacun aura la capacité d'écoute et la liberté de se décider en cons-cience pour déterminer ensemble comment faire de la France le cham-pion incontesté de l'économie numérique.
La Commission Economique espère vous faire partager sa vision d'avenir, d'ambition et de modernité pour notre économie numérique.
Bon débat à chacun de vous, mes chers collègues !
Je vous remercie.
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08/01/04 - Discours de Jean Dionis, Rapporteur sur le projet de loi relatif à l’économie numérique
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