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06/05/04 - Adoption définitive de la Loi Economie Numérique dont J. Dionis est le Rapporteur - son intervention en ligne

Publication : 06/05/2004  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis


Loi sur la confiance dans l'économie numérique – Adoption définitive à l'Assemblée Nationale
Le 6 Mai 2004
Discours de M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur,




Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,


Le long parcours - presque 18 mois - de l’examen par le Parlement du projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique, commencé le 15 Janvier 2003, s’achèvera donc probablement par un vote sur un texte commun par les deux assemblées au mois de mai 2004.

Il faut saluer l'ampleur du travail parlementaire et gouvernemental qui a été accompli. Le passage par la navette parlementaire est loin de n’avoir été qu’une simple formalité. Le texte en est ressorti profondément enrichi et amélioré. Parti comme une transposition à minimum de la directive européenne sur le commerce électronique 2000/31/CE, ce texte est progressivement devenu la première loi vraiment significative de l'Internet Français.

Alors, ne boudons pas notre plaisir et notre fierté de législateurs. Le parlement français est assez souvent taxé de chambre d'enregistrement ou de théâtre d'ombres pour que nous puissions , en cette occasion, saluer le travail fait, témoigner haut et fort qu'il n'y a là aucune fatalité, et que, dans ce domaine aussi, tout est affaire de volonté.

Les travaux en commission des affaires économiques ont été nourris, vivants et mes collègues, toutes sensibilités confondues, avaient la volonté d'aboutir en formulant des critiques constructives et des propositions nouvelles illustrant leur forte implication dans le sujet.

Le Président de notre commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, est clairement celui qui a permis ce moment d'authentique vie parlementaire. C'est lui et lui seul qui a trouvé les bons ingrédients et le bon équilibre entre autonomie du parlement, solidarité gouvernementale et prise en compte des propositions constructives de l'opposition. Député UDF, dans la majorité parlementaire mais n’appartenant pas au groupe majoritaire, j'ai été très heureux de faire partie de la recette du chef en étant désigné comme rapporteur pour ce projet de loi important. En tant qu’ingénieur, et acteur moi-même, dans une autre vie, du secteur naissant de l’Internet, je suis fier d’avoir pu contribuer, avec beaucoup d'autres, à ce travail législatif qui était devenu indispensable pour notre pays. Patrick Ollier m’a conseillé et m’a soutenu tout au long de ce travail parlementaire, et il est certain que la loi ne serait pas ce qu’elle est devenue s’il n’avait pas été là. Elle porte sa signature politique. Son talent politique est tel que je suggérerais à Alain Juppé et à François Bayrou de lui confier la mission spéciale des relations entre l'UMP et l'UDF où des marges de progrès existent encore…

Je tiens à le remercier devant notre Assemblée et dire qu'il y a, grâce à lui, comme une montée en puissance de la commission des affaires économiques, comme un léger parfum de commission sénatoriale américaine, dont on commence à parler dans les couloirs de l'assemblée. La qualité de son personnel administratif y est pour beaucoup. En ce qui concerne la LCEN, les administrateurs de la commission, qu'il me soit permis de citer E.Szij et F.Brédillot, ont été de toutes les batailles et de tous les travaux. Ils font honneur à notre commission et à cette maison.

Nous essayons malgré tout de résister à toute dérive nombriliste et reconnaissons bien volontiers que le concours en première lecture de la commission des lois de notre Assemblée, et du rapporteur pour avis de cette commission, Madame Michèle Tabarot, a été précieux, s’agissant particulièrement des dispositions complexes de droit civil et de droit pénal, pour lesquelles la compétence de cette commission était incontournable.

Le dialogue avec nos collègues du Sénat, et surtout avec les deux rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat, Messieurs Pierre Hérisson et Bruno Sido, a été parfois intense et contradictoire, mais toujours stimulant et fructueux. Les Sénateurs ont joué, avec bonheur, un vrai rôle de médiation lorsqu'il y avait trop de passion et d'électricité dans l'air entre l'assemblée nationale et le gouvernement.

Le Gouvernement, en la personne de Madame Fontaine au cours des deux lectures à l'Assemblée Nationale, puis de vous-même, M.le Ministre, dont j'ai apprécié la maîtrise de ce dossier alors que vous veniez à peine d'être nommé, aujourd’hui, ainsi que leurs équipes respectives su manifester un véritable esprit d’ouverture aux apports constructifs des députés, y compris parfois de l’opposition, par exemple pour la définition des « standards ouverts », qui mérite le respect. Le Gouvernement, dans le cadre du plan Réso 2007, sait où il veut aller. Il a donc laissé le parlement pleinement user de son pouvoir constitutionnel d'amendement…..Merci pour ce retour aux sources constitutionnelles et que cet exemple en inspire d'autres….

Enfin, l’enrichissement et l’amélioration du texte s’est fait au travers d’une constante interaction avec les professionnels concernés, ceux de la culture comme ceux de l’Internet, et aussi avec les internautes qui, eux aussi, profitant de ce nouveau média, ont fait entendre leur point de vue. De nombreuses revendications légitimes, raisonnables et argumentées, ont été prises en compte, analysées, et finalement plus ou moins intégrées dans un esprit d’équilibre.

Au bout de ce parcours législatif nous pouvons reconnaître que ce projet de loi est plus politique, moins technique que nous le pensions au début de nos travaux. Et finalement cela se comprend assez bien quand on sait que l'internet est devenu un outil de travail et de vie quotidienne pour plus de 10 millions de Français. Notre projet de loi concerne et a fait réagir, le professionnels des industries culturelles, ceux de la presse et de l'édition, des nouvelles technologies (FAI, hébergeurs, opérateurs télécom…) mais aussi les associations d'internautes, les associations familiales sans oublier les internautes particuliers. Nous avons passé des très longues heures à auditionner chacun de ces acteurs. La loi a fait l'objet de débats et de polémiques passionnées. Tant mieux ! C'est un signe de vitalité démocratique et de son importance dans notre société actuelle. Quant à moi, j'ai essayé de répondre présent dans ce dialogue avec la société civile notamment en répondant à la plupart de très nombreux courriels qui m'étaient adressés.

Voilà pour la méthode, mais me direz vous : quel est le résultat ?

Nous avons répondu pleinement à l’objectif de favoriser le développement de l’Internet en le replaçant dans le cadre du droit commun. Des règles spécifiques n’ont été forgées que pour répondre aux problèmes spécifiques de l'internet justement.

Nous pouvons tous nous féliciter du travail accompli, car ce texte sera un bon outil pour attendre l'objectif fondamental de la loi à savoir : renforcer la confiance dans l'économie numérique, et particulièrement dans le commerce en ligne, dont on sait qu'il sera un des moteurs décisifs de la croissance française dans les années à venir.

La loi permet des avancées dans un grand nombre de domaines touchant à l’économie numérique, si bien que chacun peut l’apprécier en en mettant en valeur des aspects très différents.

Pour illustrer rapidement cette diversité, je citerai rapidement les dispositions concernant la validité des contrats électroniques, l’enfouissement des lignes téléphoniques, l’assouplissement des règles d’utilisation de la cryptologie, la création d’un cadre législatif pour l’accès des opérateurs privés à la diffusion satellitaire, la mise en place d’un droit de réponse sur Internet, l’instauration d’un régime de sanction pénale contre les auteurs de virus informatiques, la couverture du territoire en téléphonie mobile, la définition juridique tout à fait pionnière des « standards ouverts », ou encore l’autorisation du vote électronique pour les élections professionnelles. Certains esprits chagrins ont pu parler de loi "fourre-tout" et reconnaissons que la critique est partiellement fondée même si le Parlement a profondément restructuré le texte pour lui donner de la force et de la lisibilité. Mais si cette loi intervient dans des si nombreux domaines, c’est que nous avions beaucoup de choses à nous dire et à faire, que nous avions pris beaucoup de retard législatif par rapport aux questions soulevées par des outils qui sont de plus en plus au cœur de notre vie quotidienne.

Pour ma part, je mettrai cependant l’accent sur les sept grandes avancées de ce texte :

► 1) d’abord, la mise en place d’une véritable autonomie juridique de l’Internet, qui voit reconnaître sa spécificité par rapport à la communication audiovisuelle.


► 2) le deuxième apport de la loi concerne l’instauration d’un régime équilibré de responsabilité pour les prestataires techniques (fournisseurs d’accès et hébergeurs) :


A cet égard, un accord a été obtenu au cours de la CMP pour faire disparaître l’obligation de moyens d’un effort technologique de surveillance, et lui substituer une obligation de résultats s’agissant de la mise en place d’un dispositif de signalement à la disposition des internautes, de transmission aux autorités judiciaires compétentes, et de publication des efforts accomplis au service de la lutte des contenus odieux. Le manquement à cette obligation de résultats fait désormais l’objet d’une sanction pénale.

Pour ma part, je continuerai à regretter que les professionnels français du secteur aient ouvertement refusé de participer à l’effort technologique qui leur était proposé dans la rédaction adoptée deux fois par l’Assemblée nationale. Je rappelle qu’il s’agissait d’une obligation de moyens, et que le niveau d’effort requis faisait référence seulement à l’état de l’art. Il n’a jamais été question de demander l’impossible. Et le montant des ressources nécessaires était bien en deçà de l’avantage financier procuré par le rééquilibrage de la charge du service universel décidé par le Parlement en décembre dernier.
Je regrette la communication excessive de l'Association des Fournisseurs d'Accès à l'internet lorsqu'elle parlait de 30.000 emplois nécessaires pour mettre en place ces technologies. Je regrette aussi que cette association ait mis beaucoup de temps à adopter un comportement citoyen dans ce débat où les efforts de tous (familles, prestataires techniques, Etat) seront nécessaires pour relever le défi de la progression de ces contenus sur le Web.
Mais oublions ces polémiques excessives et ne retenons que l'accord unanime en CMP ; faisons le pari positif qu'à l'issue de ce débat chacun va se remonter les manches pour tenir sa place dans ce combat. L'honneur du Parlement dans ce débat aura été de ne pas se voiler les yeux et de ne pas adopter une position hypocrite et lâche en la matière. La première loi française sur l'internet met le doigt sur ce problème et fait à tous une obligation majeure d'agir pour y faire face..

► 3) La troisième avancée fondamentale de la loi concerne la responsabilisation du commerçant en ligne pour la totalité de sa prestation.

C’est là une indispensable évolution du droit, qui va permettre véritablement l’instauration d’un climat de confiance favorable au développement du commerce en ligne.


Des contacts avec La Poste ont indiqué qu’elle ne voyait aucun inconvénient à cette évolution juridique, dans la mesure où elle s’efforce elle-même, depuis quelques années, de professionnaliser ses relations avec ses grands clients. Son propre régime de responsabilité est d’ailleurs revu dans le cadre du projet de loi sur la régulation des activités postales.


► 4) La quatrième avancée fondamentale de la loi concerne la possibilité pour les collectivités locales d’investir dans la création de services de télécommunications à haut débit.
Un débat fructueux s’est instauré entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur cette question. Il en est ressorti un dispositif bien adapté aux besoins pour l’extension de l’Internet haut débit sur notre territoire.
Nul doute que la loi pour la confiance pour l’économie numérique marquera donc une étape décisive dans l’effort pour réduire la fracture numérique territoriale. La meilleure preuve de l’efficacité de son impact tient d’ores et déjà dans le regain actuel d’effort de France Télécom pour étendre sa couverture en ADSL.

► 5) Le cinquième aspect sur lequel la loi apporte des modifications majeures concerne la lutte anti-spam.
L’objectif en ce domaine était de trouver un juste équilibre entre d’un côté, la protection du consommateur, lequel bénéficie désormais d’un régime de consentement préalable, conformément à l’article 13 de la directive « Données personnelles », et de l’autre, l’intérêt des annonceurs, qui doivent pouvoir continuer à faire de la prospection commerciale pour se développer.
Il faut reconnaître une limite au dispositif mis en place : c’est qu’il ne concerne que les sollicitations commerciales. C’était là rester dans la perspective de la directive qui se cantonne elle-même à ce champ.
Nos réflexions au sein de la commission des affaires économiques pour couvrir plus largement la question du spam, en visant aussi les sollicitations politiques ou humanitaires par exemple, ont mis en évidence une difficulté juridique à délimiter la frontière du spam, puisque, après tout, un courrier électronique envoyé à un collègue ou à un ami auquel on n’aurait pas demandé un consentement préalable, ne se différencierait pas d’un spam, si l’on faisait disparaître le critère de la sollicitation commerciale.

Il appartiendra donc au législateur, probablement dans le cadre du projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel de proposer une solution juridiquement bordée à cette question.

► 6 et 7) Les deux dernières avancées fondamentales de la loi concerne la protection des consommateurs utilisant le téléphone mobile, et particulièrement les personnes défavorisées qui recourent exclusivement au système des cartes prépayées, faute de pouvoir faire face aux frais d’abonnement de la téléphonie fixe.

Il s’agit d’abord de la facturation à la seconde, qui permet d’une façon générale une plus grande transparence des offres du fait d’une meilleure comparabilité, et surtout une adéquation entre la durée annoncée des cartes et leur durée effective. Les 15 millions d'utilisateurs des cartes pré payées apprécieront certainement le ménage fait par le Parlement dans ce domaine.

Il s’agit ensuite de l’obligation pour les services sociaux d’offrir des services en ligne qui soient gratuits à la fois en téléphonie fixe et en téléphonie mobile. Cette dernière disposition avait été déplacée par le Sénat dans le projet de loi sur les communications électroniques. La commission mixte paritaire l’a rétablie dans le projet de loi sur l’économie numérique, qui a véritablement vocation à rassembler les mesures à destination des consommateurs.


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A la fin de cette session, le Gouvernement aura fait adopter par le Parlement et la LCEN et la Loi sur les Communications électroniques (Paquet Télécoms). Ce faisant dans le domaine législatif, il aura réalisé les deux tiers du plan RESO 2007, lancé par Jean-Pierre Raffarin le 12 novembre 2002. La France est ainsi sur le point de disposer d'une loi, la LCEN, qui organise de manière moderne les relations entre le grand public des internautes et les professionnels concernés et d'une autre loi,, la LCE, qui modernise la concurrence entre professionnels du secteur des télécoms. Voilà une belle performance, bien avant la mi-mandat, à faire pâlir d'envie nos collègues socialistes, naguère enlisés dans les sables mouvants de la LSI. Mais il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin. Le même plan RESO 2007 soulignait qu'il n’est pas acceptable que le taux d’équipement de nos ménages en PC soit l’un des plus bas d’Europe, puisqu’à peine 38,7%, soit 9 520 000 de nos foyers dispose d’un micro-ordinateur. Ce taux dépasse 50% dans de nombreux grands pays industrialisés et atteint 65% aux Etats-Unis ou en Suède.
Il s’agit d’un frein évident et majeur à un ancrage plus fort de notre pays dans la société de l’information.
Conformément à l’engagement du Président de la République, le Gouvernement devait donc étudier les mesures, notamment fiscales, les mieux adaptées pour permettre aux familles les plus modestes de s’équiper, notamment lorsqu’elles ont des enfants scolarisés.
A ma connaissance rien n'a démarré dans ce domaine et ce pourrait être pour vous, M. le Ministre, qui êtes arrivé avec autorité pour conclure le travail de votre prédécesseur, une excellente feuille de route pour la deuxième mi-temps du mandat gouvernemental.
Le Parlement qui a fait preuve de sa mobilisation et de son efficacité sur la LCEN et sur la LCE sera, j'en suis sûr, à vos côtés pour terminer un travail aussi bien amorcé. Je vous remercie.

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