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03/10/06 - Explication de vote de Jean Dionis pour le groupe UDF Projet de loi sur le secteur Energie

Publication : 04/10/2006  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis


Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,

Permettez-nous avant de nous situer sur l’essentiel de revenir sur le débat hors normes que nous venons de vivre.

Commencé le 7 Septembre, il se termine aujourd’hui 3 Octobre, un mois plus tard, ce qui en fait avec 158 heures de débat en séance plénière, un des débats les plus longs de la mandature.

Oui, nous venons de vivre un vrai moment de vie parlementaire et la privatisation de GDF, si elle est décidée à l’issue de ce vote, est une décision lourde qui marquera l’histoire économique de notre pays.

Mais au terme de ce débat marathon, l’UDF ne veut pas parler la langue de bois et se joindre au concert – qui sonne bien faux – joué par tous ceux qui proclament se réjouir du débat de grande qualité que nous venons d’avoir.

Le bilan est beaucoup plus contrasté que cela et en l’occurrence, il importe de ne pas avoir la mémoire courte. La réalité, c'est qu'il y a du bon et du très mauvais.

Du très mauvais tout d'abord
Ce débat a en effet commencé par plus d’une semaine d’interminable obstruction.

Assumez cette réalité, mes chers collègues socialistes et communistes. L’obstruction, après tout, a été votre choix médiatique. Nous pensons, à l’UDF, pour notre part que cela n’a pas servi la cause du Parlement.. Cette semaine d’obstruction a dévalorisé nos débats, devenus vides et ridicules, aux yeux de l’opinion publique et des médias. Nous affirmons calmement que c’était de trop. Il est urgent d’en tirer les enseignements qui s’imposent pour réformer notre règlement et obtenir à ce sujet un véritable consensus entre tous les groupes parlementaires.

Il y eut ensuite - c'est vrai - débat parlementaire de qualité. Chaque groupe parlementaire a exposé fortement ses convictions sur ce sujet. Le gouvernement, par la voix de ses deux ministres concernés, Thierry Breton et François Loos, a fait le choix heureux de la patience plutôt que du passage en force et a fait preuve d’une vraie disponibilité au débat parlementaire. Nos deux rapporteurs, Jean-Claude Lenoir et Hervé Novelli ont été à la hauteur de l’évènement qu’étaient nos débats. Bref, cette « deuxième mi-temps », que nous clôturons par notre vote solennel de cette après-midi, est, plutôt à l’honneur de notre démocratie parlementaire, même si elle appelle de notre part deux remarques importantes.

Ce projet de loi a mis en lumière la pauvreté du travail en commun entre la Commission Européenne et le Parlement Français : transmettre aux parlementaires une lettre de griefs complètement caviardée est une réelle humiliation pour nous, d’autant plus qu’il s’agit ici de l’avenir d’une entreprise publique. Nous exigeons qu’à l’avenir, lorsqu’il s’agit d’une entreprise nationale, l’ensemble des documents échangés par l’Union Européenne et par les sociétés nationales concernées puisse être consultable in extenso par la représentation nationale. Messieurs les Ministres, Monsieur le Président de la délégation de l’Assemblée Nationale auprès de l’Union Européenne, vous devez porter et faire aboutir cette revendication minimum à Bruxelles !
C’est peu dire que nous avons mal vécu cet épisode et l’UDF n’accepte dans cette affaire ni le rôle de bouc émissaire qu’une nouvelle fois on fait jouer aux institutions européennes, ni l’humiliation réelle infligée à notre assemblée à cette occasion.

Nous regrettons enfin la discrétion des minoritaires de l’UMP, réduits à une portion plus que congrue : Pourquoi certaines voix contestataires au sein de l’UMP, présentes et actives dans les médias, ne se sont pas davantage exprimées au cours de notre débat ? Le temps ne nous a pas manqué pourtant…

La liberté est dans cet hémicycle le bien le plus précieux. Nous espèrons que chacun d’entre nous se prononcera librement et en conscience. Quant à nous, à l’UDF, nous continuerons à tracer notre sillon. Si, en conscience, nous trouvons le projet bon, nous le disons et nous le votons. Dans le cas contraire, comme pour ce projet, nous le disons tout aussi fortement et nous votons contre…..

Venons en justement au fond de ce texte.

Ce texte, c’est d’abord la transposition des deux directives relatives à l’ouverture des marchés de l’énergie aux PME et aux particuliers.

Nous vous avons soutenu sur cette partie du texte, de l’article 1 à l’article 9. Nous en avions même fait l’un des points importants de notre positionnement.

Car pour l’UDF, qui se veut à l’avant-garde de la construction européenne, ce n’est pas un objectif politique mineur que de construire, transposition après transposition, directive après directive, un espace juridique commun à tous les citoyens européens.

Ce n’est pas non plus un objectif politique mineur que, secteur après secteur, de construire un véritable marché intérieur où la concurrence, petit à petit, jour après jour, est de plus en plus loyale.

Que de progrès il nous reste à faire dans ce domaine pour être à l’aise dans ces exercices de transposition. Transposer mieux, plus vite, plus juste en s’inspirant, au passage, du bel exemple de lisibilité démocratique des directives, qui au passage ringardise notre manière de légiférer avec nos lois illisibles et nos codes monuments jamais à jour….

Bref, ces deux directives participent à l’atteinte de ces objectifs européens, même si les spécificités françaises sont très réelles dans le domaine de l’énergie à commencer par l’avantage compétitif que représente le nucléaire pour la France.

Nous nous réjouissons du débat qui a eu lieu sur les tarifs réglementés et notamment le fameux tarif de « retour ». L’Assemblée Nationale a adopté un amendement de la Commission des Affaires économiques sous amendé par notre collègue Charles de Courson et moi-même rendant le dispositif pérenne. Nous nous en félicitons et nous demandons à Messieurs les Ministres d’être extrêmement vigilants lors de la discussion au Sénat pour que cette disposition soit conservée. Sinon, la Commission mixte paritaire de ce projet risque d’être agitée. En effet, la direction voulue par le Parlement sur cette affaire centrale de la rente nucléaire doit être très claire. Le Parlement veut un partage équitable de cette rente entre les deux objectifs majeurs que sont d’une part le renouvellement de notre parc nucléaire, d’autre part la compétitivité énergétique de nos entreprises.

Au final, c’est une transposition que nous approuvons pour les raisons de principe rappelées ci-dessus, mais que nous jugeons bien frileuse.

Où sont donc les dispositions relatives au service universel en électricité, véritable avancée pour les consommateurs et les PME, contenues dans la directive, absentes dans votre texte ?

Et plus grave, notre assemblée n’a pas été inspirée lorsqu’elle a légiféré sur la Commission de régulation de l’Energie. Le modèle européen est fort et clair. L’ouverture à la Concurrence appelle la mise en place d’un régulateur fort.

Or, malheureusement, concernant la CRE, le texte ressort confus de nos discussions : d’un côté, nous avons élargi ses pouvoirs mais de l’autre, nous avons affaibli les commissaires :

- diminution de leur disponibilité avec la suppression de leur rémunération,
- problèmes de disponibilité inévitables pour les commissaires parlementaires envisagés par ce texte,
- confusion des tâches : médiation des problèmes de consommation au lieu de surveillance et régulation des activités de transport et de distribution.

Sur ce point, notre recommandation est exactement l’inverse de celles faites sur le tarif de retour. Nous appelons de nos vœux la mise en place d’un régulateur fort. Nous souhaitons qu’une correction sans ambiguïté du texte de l’assemblée nationale soit opérée, sur ce point par le Sénat et par la CMP.


Venons-en enfin à l’article 10, celui de la privatisation de Gaz de France, cœur de votre projet et enjeu majeur pour la France.

Le projet gouvernemental nous propose de réduire la participation minimale de l'État dans le capital de GDF de 70 % à 34 %. Il s'agit donc de décider de la privatisation de GDF. Comment en sommes-nous arrivés là, alors que, par deux fois, en août 2004, dans la loi sur le service public dans l’électricité, et en juillet 2005, dans la loi portant sur les orientations énergétiques, nous avons inscrit dans le marbre l’importance stratégique du caractère public de GDF ?
La réponse tient en un seul mot : Suez.
C'est pour cette raison, messieurs les ministres que l’UDF ne vous suit pas lorsque vous tendez à organiser le débat sur la privatisation de GDF en dehors du contexte du projet de fusion GDF-Suez.
C’est pour nous vide de sens.
Les 34 %, c'est la fusion Suez-GDF . En effet c’est la fusion de la totalité des deux entreprises dont la capitalisation boursière s’élève à environ 43 milliards d’euros pour Suez et 29 milliards pour GDF qui va obliger l’État à réduire sa participation dans le nouveau groupe autour de 30 %
La privatisation de GDF, c'est donc la fusion GDF-Suez.
Prenons-en acte, ensemble, honnêtement et posons nous ensemble une première question :
Qui est gagnant dans cette affaire ? et qui est perdant ?
Le gagnant, c’est clairement Suez, sa direction et ses actionnaires.
C'est, en effet, parce qu'il y a eu, au début de l'année 2006, l'OPA hostile d'ENEL sur Suez que Gérard Mestrallet et le management de Suez ont décidé d'accélérer l'étude puis la mise en œuvre du rapprochement entre Suez et Gaz de France.
Le choix de ramener à 34 % la participation de l’État dans le capital de GDF est d’abord le projet d’un homme, M. Gérard Mestrallet, qui, lui, a une vision stratégique forte.
La ligne force de son projet, de votre projet n’est pas industrielle. Nous émettons, en effet, des doutes sur l'intérêt de faire cohabiter dans le même groupe un pôle énergie et un pôle environnement. Ce modèle économique, celui des utilités urbaines, date des années 1980, et nous n’avons plus trouvé grand monde pour le défendre sur le fond.
Non, la ligne force de votre projet est financière : c’est la protection du capital de Suez, et celle de son périmètre actuel.
En effet, à ce jour, le groupe Suez fonctionne bien, avec des pôles environnement et énergie qui gagnent, chacun d’entre eux, de l’argent, mais il a une faiblesse majeure, mis en évidence par l’OPA d’ENEL : son capital est émietté à plus de 70 %, le rendant effectivement fragile dans le cadre d’OPA hostiles. Bref, il lui manque un actionnaire stable. Ce sera Gaz de France.
Rien à dire, donc, en ce qui concerne Suez et M. Mestrallet ! - Nous saluons même la virtuosité de quelqu’un dont le groupe se fait absorber et qui devient numéro un de celui qui absorbe !!! -
Au passage, il aura su convaincre le Premier ministre et le Gouvernement en lui parlant comme il fallait : nous allons faire un grand champion national et c’est notre devoir de le faire par patriotisme économique….
Ce discours fait mouche. Le projet de M. Mestrallet devient celui du gouvernement aboutissant au projet de loi qui nous est soumis.
Au final, il y a certes la constitution d’un champion économique, mais sur un modèle économique très contestable où l’on additionne deux secteurs de plus en plus divergents : l’environnement d’un côté, et l’énergie de l’autre. À terme, la cession du pôle environnement est probable.
Regardons maintenant du côté de Gaz de France.
Le bilan est déjà beaucoup plus contrasté.
Quel est l’intérêt de Gaz De France dans cette fusion ? Et le prix à payer – la privatisation de Gaz de France -en vaut-il la peine ?
Gaz de France y trouvera certes un intérêt industriel :

- renforcement effectif du pôle gazier
- renforcement de poids dans le Gaz Naturel Liquéfié (GNL)
- création d’une offre mixte grâce à la convergence avec Electrabel.

Mais la note est, quand même, sacrément salée pour Gaz de France

Elle est salée à Bruxelles qui recommande la cession de Distrigaz, de la participation de GDF dans SPE et la cession de volumes de gaz aux concurrents à hauteur de 50 Térawattheures annuels, diminuant significativement l’intérêt de ce rapprochement. Et ce n'est pas fini… puisque nous apprenons aujourd'hui que le gouvernement belge aurait obtenu de la Commission qu'elle impose au futur groupe la cession partielle de ses actifs dans le nucléaire c'est-à-dire les 2 centrales et les 7 tranches d'Electrabel.

Elle risque d’être également salée lors de l’assemblée générale extraordinaire par laquelle les actionnaires de Suez devront approuver ou non la fusion : on saurait alors combien Gaz de France devra payer pour rendre l’échange d’actions entre les deux groupes acceptables pour les actionnaires de Suez. On nous annonçait un échange d’une action de Suez pour une du nouveau groupe mais un tel accord semble aujourd’hui compromis, sauf à y ajouter une compensation non négligeable. Quel sera le montant de cette compensation ? 3 € par action ? 4 € par action ? Quoi qu’il en soit, l’addition pour Gaz de France sera élevée, au bas mot entre 3 et 4 Mds d’euros. Et GDF le paiera, car politiquement vous ne pourrez pas faire machine arrière.

Bref, pour l’entreprise Gaz de France, bilan contrasté.

Mais, il y a plus grave, car, dans cette affaire, il y a un perdant indiscutable. C’est l’Etat.

Au départ de l’opération, l'Etat est l’actionnaire « patron », décideur, majoritaire dans une entreprise-clé du paysage énergétique français.

A la fin de l’opération, l’Etat est un actionnaire minoritaire dans un groupe positionné à la fois sur les secteurs de services à l’environnement - non stratégique – et celui de l’énergie –qui l’est de plus en plus –

Franchement, que diable va-t-il faire dans cette galère ?

Et que l’on ne nous dise pas qu’il s’agit de faire un grand opérateur gazier….

Car si c’est l’objectif, pourquoi la fusion entre GDF et le seul pôle énergétique de Suez, c’est-à-dire avec ses trois filiales majeures que sont Electrabel, Fluxys et Distrigaz n’a-t-elle pas été sérieusement envisagée ?

Les solutions alternatives existent donc, qui pourraient satisfaire tant les actionnaires que les objectifs stratégiques de GDF, et surtout l’intérêt national.

Pourquoi ne sont-elles pas envisagées ici ?

Parce que l’objectif politique de votre fusion n’est pas de garder la majorité de gestion dans Gaz de France. Il est, nous l’avons vu plus haut, de protéger Suez tel qu’il est aujourd’hui.
Or, nous considérons que la privatisation de GDF est aujourd’hui, dans le secteur de l’énergie, une faute vis-à-vis de l’intérêt national.
Monsieur le ministre de l’économie, l’UDF n’est pas contre la privatisation en soi. Nous avons soutenu celle de France Télécom. Mais une telle décision doit être le fruit d’une évaluation secteur par secteur, et celui de l’énergie a sa spécificité.
Il convient de réfléchir et d'agir dans ce secteur sur le long terme.
Les investissements dans l’énergie, hautement capitalistiques, exigent le long terme ;
Les contrats d'approvisionnement, pour l'essentiel des contrats de longue durée, exigent une action, notamment diplomatique, à long terme ;
et surtout l'impact environnemental – émission de gaz à effet de serre – exige une gouvernance à long terme. L’UDF n’arrêtera pas d’insister sur l’importance de la mise en œuvre de cette gouvernance.
Et pour nous, cette gouvernance à long terme, c'est à l'État seul de l’assurer. Il est le seul acteur à ne pas être guidé à court terme par la recherche d’une rémunération élevée de ses actionnaires.
Dans un tel contexte, nous considérons que la privatisation de GDF est une faute :
• une faute car nous sommes, dans le secteur énergétique, non devant une crise mais devant une révolution ;
• une faute car l’importance du gaz ira croissante – 20 % de l’énergie consommée aujourd’hui en Europe, 40 % annoncés pour 2030 –, et que c’est une énergie stratégique pour la satisfaction des besoins en électricité en semi-pointe et en pointe de nos demandes
• une faute car, nous l’avons dit, c’est la responsabilité de l’État de rapprocher énergie et environnement puisque les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre viennent de l’énergie,
C'est à l'Etat de tenir, par notre politique de l’énergie, nos engagements à long terme en matière d’environnement. et dans ce combat, vital pour la lutte contre le réchauffement climatique, le gaz est appelé à jouer un rôle majeur.
La privatisation de Gaz de France privera l’Etat d’un levier d’action majeur de sa politique énergétique au moment même où le gaz devient de plus en plus stratégique, à un moment de véritable révolution énergétique où les énergies fossiles disparaissent, où la demande augmente et où les considérations environnementales prennent une importance croissante.
Le groupe UDF ne retrouve pas, dans la privatisation de Gaz de France, l’intérêt national. En conséquence, il votera contre ce projet de loi.
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