Le 31 octobre dernier, l’attaque de la cathédrale catholique de Bagdad par un commando islamiste faisait 53 morts et des dizaines de blessés.
J’ai été prévenu de ce drame sur Twitter, (voir www.twitter.com/jeandionis ) par « Koztoujours » un blogueur « catho », ce qui montre l’efficacité de ces nouveaux réseaux sociaux.
C’est le même blogueur qui me suggéra d’interpeller le gouvernement à ce sujet ce que je fis le mercredi 3 Novembre lors de la séance des questions orales de ce jour.(lire : http://www.jeandionis.com/info.asp?id=1259 ), ce qui montre que le dialogue sur ces réseaux n’est pas aussi pauvre qu’on le dit trop souvent.
Mais, il est vrai qu’il nous faut sortir ces faits de la rubrique « faits divers tragiques » et faire l’effort de les resituer dans une perspective historique de long terme. Ce drame nous amène à réfléchir avec attention et gravité à la situation des 20 millions de chrétiens vivant parmi les 350 millions d’habitants du Moyen-Orient. Pour comprendre l’importance politique et symbolique de la communauté chrétienne d’orient, le recours à l’histoire religieuse du Moyen-Orient, matrice du monothéisme moderne, est indispensable.
Pardon pour cette banalité. Mais les chrétiens d’orient sont eux aussi chez eux en Moyen-Orient. Issus du judaïsme au 1er siècle de notre ère, naturellement les chrétiens d’orient y ont fondé les premières églises du monde chrétien. Songeons aux premiers lieux de culte chrétiens, à Damas, Jérusalem et Ephèse (fondées par les apôtres Pierre et Paul). Pensons aussi à l’église Copte qui date du IIIe siècle après Jésus-Christ en Egypte. Issue de l’Eglise d’Alexandrie fondée par l’évangéliste Marc, elle compte aujourd’hui plus de 7 millions de pratiquants. Certaines de ces églises historiques ont vu leur enracinement au Moyen-Orient renforcé par les croisades du Moyen-âge, comme cela a été le cas pour les chrétiens maronites du Liban.
Or, aujourd’hui, la plupart de ces églises sont devenues des cibles d’attentat d’extrémistes islamistes. Le 3 Novembre, Al Quaeda déclarait que « les Chrétiens du Moyen orient étaient devenus des cibles légitimes » Dans ce contexte de terreur, il faut être bien hypocrite pour être surpris de leur recul lorsque le seul choix qui s’offre à eux : l’exil ou la peur. A titre d’exemple, les chrétiens d’Irak étaient 800 000 avant l’invasion américaine de 2003. Ils ne sont plus maintenant que 500 000.
Pourquoi ce drame est-il crucial pour notre monde ? Parce qu’au Moyen-Orient, de manière plus brûlante qu’ailleurs se pose un enjeu majeur pour la paix au XXIe siècle : la liberté religieuse. L’Eglise catholique le rappelle d’ailleurs avec raison et avec constance : pas de paix dans le monde sans liberté religieuse. Il faut être en effet aveugle pour ne pas voir le nombre de conflits dans ce monde dont le détonateur est clairement l’oppression des religions minoritaires (Soudan, Nigéria, Moyen-Orient, Indonésie, Balkans,….)
Alors, bien sûr, tous les pragmatiques et tous cyniques du monde se donneront la main pour me rappeler non sans raison que les actes commis contre les minorité religieuses sont pour l’essentiel des actes commis par des extrémistes et des terroristes et que s’il était facile d’agir contre les terroristes, cela se saurait.
J’affirme d’abord que les livres sacrés des trois monothéismes appelle au respect de la différence. Une fois n’est pas coutume, permettez-moi de citer, à titre d’exemple, la belle phrase du Coran qui consacre ce principe de liberté dans la foi : « Et si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens jusqu’à ce qu’ils deviennent croyants ? » (10, 99).
Il faut le crier. Ceux qui assassinent les minorités religieuses le font en violation des principes sacrés des trois religions du Livre.
Alors que faire ?
D’abord, être clair. La France a des responsabilités. Nous avons des responsabilités.
La France a des responsabilités d’abord parce qu’elle a, entre autres, des racines chrétiennes, tout en étant un grand pays laïque. Cette identité française, à la fois chrétienne et laïque, nous impose d’être exemplaires en matière de respect des minorités religieuses sur notre territoire national. Et pour parler clair, la France ne peut pas se laisser aller au moindre laxisme en matière d’antisémitisme et d’islamophobie sur notre territoire national. Ce n’est qu’au prix de cette exemplarité que la France pourra interpeller fortement les pays en cause dans ce drame.
La France a aussi des responsabilités parce qu’elle bénéficie au Moyen-Orient d’une réelle crédibilité, due à une politique étrangère équilibrée dans cette région du monde, politique impulsée par le général de Gaulle. Cette crédibilité et la sympathie qui l’accompagne lui permettent d’agir.
La France a des responsabilités, enfin, à cause de son histoire et ceci est très peu connu par nos compatriotes. François Ier et Soliman le Magnifique au XVIe siècle ont signé un accord toujours en vigueur faisant de la France le responsable de la sécurité des lieux saints chrétiens de Palestine (Jérusalem, Grotte de la Nativité…).
Enfin que pouvons-nous faire ? D’abord continuer à faire ce que nous avons fait et bien fait : soigner en France les blessés de ces attentats, donner des visas à ceux qui veulent quitter leur pays. La France a été digne et forte dans ces initiatives.
Mais, en aucun cas, elles ne peuvent suffire.
La France doit clairement conditionner l’aide qu’elle apporte à certains pays (je pense notamment à l’Autorité Palestinienne) à des exigences concrètes de protection des minorités religieuses et de la liberté de religion.
Elle doit peser de tout son poids dans l’Union Européenne pour conditionner l’aide Européenne à la mise en œuvre d’une protection efficace de ces droits fondamentaux.
Elle doit enfin se rappeler qu’elle a un siège permanent au Conseil de sécurité des nations unies et qu’elle peut prendre là aussi un certain nombre d’initiatives concrètes au Soudan, au Nigéria et ailleurs…
Avant tout, il importe de ne pas se résigner.
Le pire est connu : C’est le choc, puis la guerre des civilisations et des religions, c'est-à-dire parmi les plus barbares des guerres que l’humanité ait connues.
Le pire est évitable. C’est une affaire de volonté et de courage.
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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire
Bien sûr mais...
Oui, nous sommes bien d'accord avec cette chronique, mais que faire devant un problème aussi délicat et complexe?: En premier lieu, prendre soin et assurer la protection de ces populations qui sont la cible d'attentats terroristes, c'est une évidence mais cela ne résout pas le problème de fond. Il faut s'attaquer aux racines.Quel enseignement peut-on déduire des années passées? Tout d'abord la non-violence. La déclaration de guerre des Etats-Unis pour éliminer un seul homme, entraînant la mort de nombreux citoyens irakiens et un certain désastre dans le pays qui vit maintenant dans l'insécurité: Déclarer la guerre, c'est la haine et les armes qui reviennent au galop.
Ce ne sont pas les religions qui sont la cause de conflits mais l'utilisation de ces religions à des fins politiques.Alors que toutes les religions possèdent un trésor: l'esprit d'humilité qui est tout le contraire de la vengeance et de la haine. Le témoignage des moines de Thibirine qui est tout-à-fait- d'actualité arrive peut-être à point car il est porteur d'un message et c'est peut-être de là qu'il faut partir:
Le médecin des moines confronté à l'agression des terroristes armés, au lieu de répondre par la peur et l'hostilité, cite une phrase du Coran et tend la main au terroriste qui finit par la tendre en retour. Dans ce geste se trouve sans doute la clé d'une attitude à prendre face à l'agression terroriste.Quand à son application, elle sera sans doute longue et difficile et elle demandera de la part des politiques un revirement dans le procédé qui nécessitera beaucoup de sagesse et de discernement ,mais qui néanmoins devra conserver l'attitude de fermeté et de protection des citoyens.