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09/02/2011 - Loi Bioéthique - Intervention en discussion générale

Publication : 09/02/2011  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Mes chers collègues,

Nous voici réunis aujourd’hui pour écrire un nouveau chapitre de notre législation sur la bioéthique, chapitre qui, je l’espère, adoptera le sens emprunté jusqu’à lors, c’est à dire pertinent, prudent, s’appuyant à la fois sur les avancées scientifiques et le respect des valeurs fondatrices de notre société. Voilà maintenant presque 28 ans que la bioéthique a fait irruption de dans notre quotidien avec la création du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE).

Nos débats seront le point d’aboutissement de travaux préparatoires qui ont mobilisé des centaines de médecins, de scientifiques, de juristes et de citoyens interessés par ces enjeux depuis plus d’un an. Quelque soit le résultat final, la démarche suivie pour les travaux de cette loi honore la démocratie française.

Reste – et c’est quand même là l’essentiel - le résultat final.

Or ce texte comme ses prédécesseurs est éminemment sensible. Il concerne nos aspirations légitimes à avoir une descendance, mais aussi le droit des enfants à avoir des parents. Il traite du début de la vie comme de la place du handicap et de la maladie dans notre société. Ce faisant, il mobilise nos convictions les plus profondes et les met en tension avec nos responsabilités de législateur d'une société diverse, complexe et en évolution rapide. D'un point de vue personnel, mes convictions chrétiennes ont alimenté ma réflexion et mes positions sur ce sujet de société, même si je sais parfaitement que les chrétiens pratiquants sont une minorité et que la société Française est diverse sur ces enjeux. Ethique de conviction et ethique de responsabilité, pour reprendre la problématique de Max Weber, sont également mobilisées dans ce débat et j'ai été heureux de le préparer avec des collègues partageant à la fois les mêmes convictions que moi et le même souci du vivre ensemble dans une France laïque.

Comme nous l'avons exprimé dans une tribune collective publiée dans le Figaro, non vote sur ce texte dépendra des positions adoptées par le parlement sur les quatre points suivants que je juge fondamentaux pour l'avenir de notre société:

Il faut d'abord dire clairement et fortement que la recherche d’une société sans citoyens sans handicap de naissance est une illusion eugénique mortelle.Le diagnostic prénatal, en particulier le dépistage systématique de la trisomie 21 doit être rééquilibré en ce qui concerne l'information délivrée aux femmes sur la trisomie 21 en leur laissant une véritable liberté de choix qu'elles n'ont plus actuellement, soumises à une pression constante pour effectuer des tests d'une ampleur telle qu'on peut parler de risque de dérive eugénique.! l'Etat doit accepter de financer la recherche sur la trisomie 21 au lieu d'en financer la seule éradication. Il faut par ailleurs que les praticiens actuellement souvent découragés, retrouvent la liberté et la responsabilité de prescription de dépistage, en conscience, selon les attentes et la situation de santé de leurs patientes. Attendre un enfant devient pour les 800 000 femmes françaises enceintes chaque année synonyme d'angoisse et non plus de bonne nouvelles.

Notre deuxième objectif est clairement la limitation des embryons surnuméraires évalués actuellement à plus de 200 000.Le texte issu de la commission, pour la première fois, fixe comme objectif législatif la diminution de ce nobre d'embryons bien peu glorieux pour notre pays. Leur congélation actuelle est, aux termes mêmes de la mission parlementaire, une « transgression première » qui pourrait pourtant être évitée. Certains pays l' Didier Sicard d’ « un questionnement sur les conflits de valeurs suscités par le développement techno-scientifique dans le domaine du vivant ». ont fait comme l'Italie ou l'Allemagne où les fécondations in vitro sont réalisées sans conservation d'embryons. Les techniques d’Assistance Médicales de procréation doivent rester une réponse à proposer pour la stérilité de couples stables avec un véritable projet parental et dans ce contexte, la production d’embryons surnuméraires pour optimiser le taux de réussite de ces techniques, quitte à les utiliser de manière destructrice pour la recherche est tout simplement inacceptable.

 Nous devons ensuite clairement accélèrer le développement de méthodes alternatives à la recherche sur embryon. Non seulement les recherches sur l'embryon menées dans le monde depuis plus de vingt ans n'offrent pas la perspective de progrès thérapeutiques escomptés mais les progrès scientifiques ont suscité l'émergence de méthodes d'efficacité comparable, notamment grâce aux cellules souches chez des sujets adultes reprogrammées dites iPS.
L'embryon humain ne peut être un matériau de laboratoire servant des intérêts économiques et financiers. La France s'honorerait à développer ces méthodes réconciliant l'éthique et la science.

 Enfin, instaurer une bioéthique citoyenne. Didier Sicard, ancien président du Comité National d'éthique, définit « celle-ci comme  un questionnement sur les conflits de valeurs suscités par le développement techno-scientifique dans le domaine du vivant ». Et il a raison. Nous sommes donc condamnés à affronter ce questionnement renouvellé en permanence. Nous devons donc nous organiser de manière démocratique pour gérer ce débat perpétuel.

Pour cela, l'Agence de biomédecine a fait preuve de son utilité. Mais elle doit clairement rester à sa place.

Cette modestie à retrouver passe, notamment, par un contrôle de l'agence de biomédecine à qui il a été laissé une délégation excessive de pouvoir, notamment en ce qui concerne les autorisations de recherche sur l'embryon. Des décisions aussi importantes ne peuvent pas être de la responsabilité de quelques scientifiques quand elles concernent la vie de tous les Français. Nous pensons qu'il revient aux citoyens et à leurs représentants de pouvoir décider des questions qui engagent l'avenir de l'homme et de la médecine. Nous ne voulons dans ce domaine décisif ni une république des savants, ni une république des médecins, ni même une république des juristes. Quelque soit la qualité des ses membres, l’Agence de Bioéthique doit rester dans les limites de sa fonction : conseiller le législateur. En aucun cas, elle ne doit devenir le régulateur de ces débats cruciaux. Le parlement ne doit pas se dessaisir de son rôle premier.

Voilà, à grands traits, le point d'équilibre entre mes convictions personnelles et les contraintes du législateur sur les enjeux principaux de cette loi. Les avancées technologiques doivent nous permettre de dépasser certaines souffrances comme celle de la stérilité. En aucun cas, nous ne devons les détourner à des fins qui ne donneraient pas la priorité à la vie et à l’enfant.

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