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Discours de Jean Dionis prononcé à l'Assemblée pour le groupe Nouveau Centre sur la loi relative à l'urbanisme commercial

Publication : 17/06/2010  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis



Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,


Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi relative à l’urbanisme commercial dont l’objectif est d’intégrer le droit de l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme.

Et comme mes collègues l’ont rappelé, dans le cadre de la Loi de modernisation de l’économie en 2008 – et permettez-nous à ce moment précis de saluer à nouveau la mémoire de notre collègue Jean-Paul Charié, qui a été un des avocats les plus déterminés de ce rapprochement - , nous nous étions posés la question simple mais juste : pourquoi ne pas inscrire dans le code général de l’urbanisme l’ensemble des démarches administratives d’urbanisme commercial ?

C'est l'honneur de la commission des affaires économiques et notamment de son président, Patrick Ollier, de tenir parole par cette proposition de loi.

Ce n'est pas un luxe de reposer la question des objectifs de cette unification des procédures d'urbanisme de droit commun et d'urbanisme commercial.

Après tout, le système actuel fonctionne, tant bien que mal, cahin-caha. Quels sont donc les défauts que nous entendons corriger par cette modification d'ampleur de notre droit de l'urbanisme ?

1- Mettre en cohérence les décisions d'urbanisme commercial avec l'ensemble des politiques urbaines (déplacement, stationnement, emploi....)

2- Aller plus vite. En effet, la mise en série des deux procédures aboutissait à des délais très longs préjudiciables à la vie économique et sociale de nos territoires. Pensons notamment à l'obligation morale qui est la nôtre de réhabiliter certaines friches urbaines qui défigurent la périphérie de nos villes.

3- Mettre en place une gouvernance locale qui joue pleinement son rôle de régulation contrairement à celle existante autour des CDAC. Une gouvernance locale digne de ce nom, qui sache dire oui, mais qui sache aussi dire non. J'ai été l'auteur d'une formule qui a du succès car elle touchait clairement un point sensible; Les CDAC – nos fameuses commissions départementales d'aménagement commercial - ne sont bien souvent que des machines à dire oui lentement. Pour être juste, tel n'est pas le cas de la CNAC, qui au niveau national , a toujours effectué une régulation digne de ce nom avec bon an, mal an 50% de décisions positives et de 50 % de décisions négatives.

Ces objectifs sont toujours pertinents aujourd'hui. Les centristes approuvent donc la démarche qui fonde cette proposition de loi et dont d'ailleurs j'ai été un des signataires.

Nous approuvons aussi le choix du SCOT comme territoire pertinent, comme véritable bassin de vie dont les habitants partagent les actes fondamentaux de la vie quotidienne : résidence, emploi, scolarité, commerces, soins....

De même, la nouvelle gouvernance déterminée par cette proposition de loi a du bon. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) sera le document maître en matière d’urbanisme commercial. Nous estimons que redonner clairement le pouvoir aux élus locaux en matière d’urbanisme commercial est fondamental et nécessaire, même s'il n'est pas une condition suffisante pour produire de bonnes décisions : le niveau du SCOT est, donc, bien le bon et le choix qui est fait doit être porté jusqu’au bout de sa logiqiue.

Et par exemple, nous ne trouvons pas très cohérent et pour tout dire nous ne sommes pas franchement favorables à l’intervention des élus régionaux comme il est prévu à l’article 1 dans le cadre des commissions régionales d’aménagement du territoire. Que diable viennent-ils faire dans cette galère ?

Nous proposerons en deuxième lecture de substituer à cette commission régionale une commission départementale présidée par le Préfet, autorité légitime en matière d'intercommunalité au niveau départemental tel que le prévoit la loi Marleix actuellement en débat.

Mais nous le disons d'entrée. Si nous approuvons ces fondamentaux, ce texte nous laisse un goût d'inachevé et pour tout dire, en l'état nous inquiète.

Pour comprendre nos inquiétudes, il nous faut revenir à l'architecture de cette proposition :

1- Un schéma de cohérence territoriale,
2- A l'intérieur de ce SCOT, un Document d'aménagement commercial qui inclut la délimitation des zones susceptibles de recevoir les bâtiments commerciaux
3 – Une typologie des commerces – à priori quatre types différents (le commerce de détail, les ensembles commerciaux continus ou discontinus ou le commerce de gros) qui sera précisé par un décret en conseil d'Etat
4- Un ensemble de règles à respecter pour chaque zone et chaque type de commerce

.
Par contre, rien n'est dit dans la proposition de loi sur l'élaboration des règles.

A ce niveau, les centristes veulent poser deux questions déterminantes pour cette proposition de loi ?

1°) Qui fixe les règles pour chaque zone et chaque type de commerce? A priori, c'est la gouvernance du SCOT ? Merci, monsieur le rapporteur, de nous le confirmer et si tel est le cas, quels sont les textes nationaux qui seront opposables à ces règles (code du commerce, etc....). Car nous n'imaginons pas que l'Etat pourra laisser complètement diverger la réglementation en vigueur sur l'ensemble du territoire national.

2°) Sommes-sûrs que ces règles permettront d'appréhender la totalité des problématiques soulevées par les projets qui nous seront soumis ? Et comment fera un comité syndical de SCOT pour refuser un projet dangereux pour la vie économique et sociale de son territoire et qui aurait, cependant, répondu à toutes les règles de la zone d'implantation envisagée ainsi qu'à celle de la typologie de commerce considérée ?

Les élus que nous sommes seront-ils capables, dans le cadre d’un SCOT, de prévoir tous les cas de figure ?

J’ai en tête, vous m’excuserez, l’exemple d’Agen, 25 000 m2 de magasins de bricolage et en périphérie, ce n’est pas gênant car ces commerces ne reviendront plus en centre-ville ; mais 25 000 m2 de magasins de prêt-à-porter ou de magasins à vocation culturelle en périphérie, ce n’est pas acceptable pour notre centre-ville. Saurons traduire cette volonté politique en un ensmble de règles opérationnelles?

Le système envisagé de règles par type de commerce et de zone sera-t-il capable de prendre en compte une telle diversité et complexité?

Serons-nous capables, au niveau du SCOT, de transformer nos diagnostics et nos objectifs locaux en règles juridiques ? Et de trouver une forme de régulation réglementaire qui rende inutile la régulation projet par projet ? C’est une question centrale sur laquelle notre religion n’est pas encore faite.

Et pour tout dire, il nous semble préférable de garder une instruction par projet, mai qui pourrait être faite à l'intérieur de la gouvernance du SCOT? Nous vous présenterons en deuxième lecture des amendements visant à instaurer à l'intérieur du SCOT une instruction spécifique à chaque projet qui pourra s'appuyer sur un règlement directeur mais qui laissera aux élus la possibilité de vote dérogatoire en cas de projets exceptionnels.

La commission, son président et le gouvernement ont fait le choix de la prudence sur ce texte notamment en maintenant les deux lectures.

Attention, ce texte et les enjeux qu'il soulève est ultra-sensible. Ne pêchons pas par angélisme. La grande distribution avec sa puissance de feu risque de se jouer de tout ensemble de règles que nous pourrions poser.


Enfin la bataille du seuil des 1000 m²......... nous y avons mis beaucoup d’énergie lors de l’examen de la LME en 2008 mais, deux ans après, les CDAC et la CNAC ont accepté quasiment tous les magasins de moins de 1 000 m2. La grande distribution est organisée et notre acceptation sociale de ces petits magasins est maximale. Le groupe centriste estime que la suppression de l'instruction en dessous de ce seuil de 1000 m²continue à nous sembler pertinente.

**********

Savoir si l’on abandonne la régulation par projet au sein d’un bassin de vie est une question centrale de ce texte, je dirai même qu’il s’agit d’un vrai pari. Le débat de 2008 n’avait pas permis de trancher.

Sur cette question, il nous faut délibérer, la main tremblante. Prenons le temps du dialogue notamment avec les associations d'élus locaux et avec les partenaires socio-économiques. La question de la régulation de la grande distribution mérite bien cette approche lente, sérieuse, prudente, mais déterminée.

Les centristes sont prêts à y prendre toute leur place.

Je vous remercie.

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