Le site officiel
Actualités

› Voir toutes les actualités

Toute l'actualité de Jean Dionis

Discours de Jean Dionis à la tribune de l'Hémicycle sur le Grenelle de l'Environnement

Publication : 11/06/2009  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis


DISCOURS DE JEAN DIONIS DU SEJOUR SUR LA SECONDE LECTURE DU PROJET DE LOI DE MISE EN ŒUVRE DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT


Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre, Madame la Secrétaire d'Etat,
Mes chers collègues,


Nous arrivons à la fin de la première étape législative de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Le chemin est long et nous nous préparons déjà au Grenelle II et à ses 104 articles. Monsieur le Ministre, vous avez choisi de ne pas passer ce texte en urgence , ce qui est de plus en plus rare, laissant ainsi sa chance au dialogue avec le parlement. Permettez-nous de vous en féliciter. Félicitations sincères également pour avoir dès la loi de finances 2009 su trouver les ressources financières pour impulser une véritable dynamique du développement durable de notre économie. L’impulsion n’était pas aisée, il faut maintenant avoir du souffle et garder le cap.

Voici donc la seconde lecture du projet de loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, son première volet qui « met en musique » plus de 200 des 273 engagements pris lors de la phase de concertation préalable. Car le Grenelle c’est d’abord une méthode. Une méthode de concertation longue, complète et qui, c’est inédit, a donné enfin toute leur place aux grandes associations environnementales. Ce n’était pas le cas auparavant. Or, leur présence est souhaitable et légitime, compte-tenu notamment de leur expertise sur ces enjeux.
Désormais personne ne reviendra en arrière sur ce qui a été une véritable innovation démocratique Mais cette reconnaissance officielle du fait associatif, qui apparaît aujourd’hui comme évidente, a permis de faire de ce texte un texte de référence car elle a créé un climat d’écoute réciproque, d’échanges fructueux et favorable au déblocage d’impasses lourdes et à la construction de compromis audacieux..

Mais pour aussi positive que soit la démarche du grenelle d'environnement, ce n'est pas la pierre philosophale. Une telle démarche ne crée, en soi, ni vérité, ni légitimité. Cette méthode – qui en passe de devenir une véritable marque démocratique déclinée selon des enjeux très variés - n’est pas, en soi, un gage de succès. On le voit bien, avec les difficultés actuelles du Grenelle des ondes, qui, sur le même modèle, n’a pas – encore - abouti au consensus espéré.
Le Grenelle est donc une condition nécessaire mais pas suffisante. S’il a réussi, dans le domaine de l'environnement,, c’est bien parce qu’il y a un terreau favorable dans l’opinion publique, une sorte de consensus que les récentes élections européennes ont largement illustré et qu'avaient préparé d'innombrables travaux scientifiques.

C’est donc parce que nous avons soutenu et soutenons toujours avec enthousiasme ce texte que nous pouvons exprimer certaines critiques et proposer certaines corrections de trajectoire.

Nous voulons faire du Grenelle un véritable succès sur le long terme. Très bien, alors, nous devons lui donner deux boussoles : celle de la vérité scientifique et celle de la légitimité démocratique. Nos propositions de créer une haute autorité scientifique du Grenelle de l'environnement et de soumettre une loi d'évaluation d’exécution du Grenelle au vote du Parlement tous les trois ans n’ont, encore une fois, pas été retenues. Dommage ! nous pensons que vous aussi, vous finirez par trouver de l’intérêt à cette proposition de gouvernance..
L’évolution dans le temps de ce texte doit absolument être encadré scientifiquement et démocratiquement pour en garantir la pérennité. Les objectifs et les délais proposés par le texte sont multiples, hétérogènes et complémentaires et il manque une gouvernance à long terme, pourtant essentielle lorsqu’il y a, justement, tant de diversité. Le Grenelle est une innovation démocratique, un véritable changement de mentalité de notre société mais c’est bien en 2020-2030 qu’on jugera du succès du Grenelle ou de son échec. C’est bien pour cela que la première proposition d'amélioration significative de ce texte porte sur sa gestion à moyen et long terme. Monsieur le Ministre, qui se souvient encore aujourd'hui de la loi d'orientation de l'énergie ? pas grand monde ....Nous avons une toute autre ambition pour votre texte !.

Nous avons ensuite une deuxième critique constructive à faire à votre texte : le Grenelle, pour parvenir au consensus, a du faire l’impasse sur certaines questions, je pense notamment à l’énergie électronucléaire et aux biocarburants. C'était le prix à payer pour aboutir à un texte consensuel..Nous le comprenons bien. Il reste que notre nation et sa politique énergétique, au cœur du Grenelle, ne peut pas se durablement faire l'économie de ce double débat. Nous avons déjà évoqué l'avenir du nucléaire Français récemment à cette tribune lors du débat sur la politique énergétique. Hier, le Président de la république en affirmant : « Nous allons faire et le nucléaire et les énergies renouvelables » nous a clairement incité à ouvrir ce débat. Quelle démarche nous proposez-vous pour cela ?

La question des biocarburants est également restée en suspens. Il faut pourtant sortir de l’ambiguïté. Une dynamique forte a été impulsée pour développer cette filière. Tant au moment de la loi d’orientation de l’énergie que de celle de l’agriculture, des objectifs ambitieux, au-delà même de ceux fixés par l’Europe, ont été décidés. Or lors du Grenelle, nous avons assisté à un certain recul. C’est pourquoi je me félicite que la commission ait adopté l’un de nos amendements concernant la nécessité de réaliser un bilan, aujourd’hui, de chacune des filières de biocarburants et de réaliser une évaluation sérieuse et scientifique de l’efficacité énergétique des biocarburants. A partir de ce bilan devront être prises des décisions, tout en prenant en compte, ça me paraît inévitable, les investissements déjà réalisés par les entreprises dans ce domaine.
Voilà, M. le Ministre nos trois remarques structurelles : la gouvernance, le nucléaire et les biocarrburants. Poure le reste, les deuxièmes lectures servent uniquement à peaufiner un texte.....sauf pour intégrer une vraie dimension conjoncturelle et faire toute la place à l'événement.... Or, entre temps, deux événements, au sens fort du terme, se sont produits : la crise économique et les événements climatiques de janvier dernier, je veux parler bien sûr de la tempête Klaus.

La crise économique pose avec force la question du financement du Grenelle de l’environnement. Alors certes, Monsieur le Ministre, vous avez gagné les arbitrages budgétaires indispensables au lancement du Grenelle concernant notamment le prêt à taux zéro qui est aujourd’hui en vigueur. Mais la crise économique nous invite à nous interroger sur la pérennité des mesures de financement prévues par le texte. Nous sommes actuellement dans une phase néo-keynesienne de sortie de crise par le déficit budgétaire sur (110 milliards sur le budget de l'Etat et 23 Milliards sur celui de la sécurité sociale). justifié d’ailleurs en partie avec le Grenelle et la croissance verte, source de très nombreuses créations d’emplois.

Mais on peut légitimement se demander ce qui se passera pour le Grenelle lorsque la France sortira de la crise, passablement affaiblie en matière budgétaire. A ce moment-là se posera inévitablement la question de la fiscalité pour pouvoir poursuivre la démarche du Grenelle. Pour le moment, le dispositif est séduisant puisqu'il n'exige pas d'effort du contribuable. Mais que va-t-il se passer après ? Les financements prévus seront-ils maintenus ? Le coût du Grenelle estimé à 440 milliards d’euros sera-t-il encore tenable ? Nous sommes particulièrement vigilants sur les liens entre la pérennité du Grenelle et l'Etat de nos finances publiques. Lorsque la contribution climat-énergie est annoncée comme entièrement compensée par une baisse des impôts (article 2), nous sommes très réservés Pas de développement durable sans finances publiques durables !
Et nous ne nous contenterons pas de vous alerter. Nous vous proposerons d'être audacieux en matière de financement du Grenelle : Permettez au élus locaux qui souhaitent de prendre le risque de mettre en œuvre localement le Grenelle de dégager les ressources financières pour cela.. C’est pour cette raison que nous avons déposé un amendement visant à relever le plafond du versement transport afin que les collectivités locales puissent obtenir les financements pour leurs projets de transport durable.

Nous vous avons fait une autre proposition, qui a été adoptée en commission ce dont, naturellement, je me félicite. Elle vise à orienter en priorité le plan pour l’emploi des jeunes récemment présenté par Martin Hirsch vers les emplois liés au développement durable. Le Grenelle de l’environnement est une vraie promesse. Les attentes en matière de créations d’emploi sont fortes et le potentiel est à la hauteur de cet espoir : 220 000 emplois nouvellement créés d’ici 2020 pour les plus optimistes. C’est une mesure de bon sens car c’est vers les filières qui proposent des débouchés durables qu’il faut envoyer nos jeunes.

Je voudrais enfin, aborder un point qui me tient particulièrement à cœur. La lutte contre le changement climatique, pour ambitieuse et efficace qu’elle puisse être n’empêche pas le changement climatique. En tant qu’élu du Sud ouest, j’en vois chaque jour les manifestations. C’est dans notre région que la température moyenne a le plus augmenté en France ( en 60 ans (+2°)). C’est ici que se pose avec le plus d’acuité les questions relatives à l’eau et à la gestion de cette ressource. Il faut prendre en compte les conséquences de ces changements et c’est quelque chose qui fait défaut dans ce texte.

L'adaptation au changement climatique, c'est aussi se préparer à la multiplication des phénomènes climatiques inconnus ou rares sous nos latitudes, comme les tempêtes. La tempête Klaus qui a ravagé le sud ouest de la France en janvier dernier a posé la question de la gestion de l’immédiat après-crise. La question que se pose est de savoir comment réduire au maximum les délais de remise en marche du réseau électrique après son effondrement au passage d'une tempête ? Après Klaus, 1.7 millions de foyers sont restés sans eau, sans électricité et sans téléphone pendant près d’une semaine. Ce n’est pas acceptable. Encore moins après le précédent de 1999. La solution nous paraît alors simple et nous avons donc proposé un amendement dans ce sens. Il s’agit, dans un premier temps, d’identifier les points sensibles du réseau et les points stratégiques. Les collectivités locales sont parfaitement en mesure de réaliser ce type de cartographie. Une fois cette cartographie réalisée, il faut y identifier les responsables de la gestion et de l’entretien de chacun de ces réseaux (électricité, eau, téléphone) et les obliger à installer, à chacun de ces points sensibles, des groupes électrogènes de
Au-delà se pose la question plus globale de la gestion des réseaux. En effet, comment se fait-il que rien n’ait été fait, après 1999, pour sécuriser les réseaux ? Jusqu’à 2005, rien. Après 2005, EDF et ERDF se sont lancés dans des programmes d’enfouissement mais le chantier est colossal ! Il reste encore près de 800 000 kms de lignes électriques aériennes moyenne et basse tension. Alors certes, il ne s’agit pas de tout enfouir puisque dans certains endroits ce n’est pas faisable et dans d’autres ce n’est pas utile. Mais il y a malgré tout encore beaucoup à faire. Et bien sûr, avec, viennent des coûts considérables. J’ai proposé un amendement un peu provocateur, certes, créant une recette exceptionnelle prélevée sur les entreprises du secteur électrique afin de financer ce programme d’enfouissement. Je souhaite simplement attirer l’attention sur ce débat fondamental et qu’il faut avoir aujourd’hui, pas demain, pas lors de la prochaine catastrophe.
Il est plus que temps de redonner aux réseaux, à leur entretien, leur modernisation, toute l’importance qui est la leur dans la fourniture des services essentiels à nos concitoyens et qui ont été trop longtemps négligés.


A l’heure où arrive ce texte en seconde lecture, il a déjà largement été affiné par nos collègues sénateurs, l’examen en commission à l’Assemblée l’ayant prouvé puisque de nombreux articles y ont été adoptés sans modification. Cette deuxième lecture n’en est pas moins une formalité et nous pouvons encore l’améliorer, j’en suis sûr, même si seulement à la marge. N’ayons pas peur de tendre vers la perfection et de nous en approcher. Léonard de Vinci ne disait-il pas : « Les détails font la perfection, et la perfection n'est pas un détail. » La cause de l'environnement mérite cet effort.






Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.