Le site officiel
Actualités

› Voir toutes les actualités

Toute l'actualité de Jean Dionis

28/03/09 - HADOPI- Jean Dionis monte au front contre la coupure de l'accès internet

Publication : 27/03/2009  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Loi "création et internet" - HADOPI - lutte contre le téléchargement illégal

Voici le courrier que Jean Dionis a envoyé à tous les députés pour faire part à ses collègues députés des arguments en faveur de la substitution de la coupure de l'accès internet par une amende.


Paris, le 24 mars 2009


Mesdames les députées,
Messieurs les députés,




Notre Assemblée a entamé ses travaux relatifs à la loi « diffusion et protection de la création sur internet » le mercredi 11 mars et doit les poursuivre à partir du lundi 30 mars.

Porte-parole du groupe Nouveau centre, j'ai exprimé notre soutien sur les principes fondateurs de cette loi, même si l'expérience nous incite à la modestie dans ce domaine législatif. Nous sommes notamment conscients des difficultés techniques soulevées par l'identification du contrevenant au moyen de l'adresse IP.
Néanmoins, nous soutenons la nécessité d'un dispositif de dissuasion et de sanction du téléchargement illégal comme nous approuvons le choix du concept pédagogique de la riposte graduée.

Cependant, nous faisons à ce texte deux critiques principales, la faiblesse de l'encouragement de l'offre légale mais surtout le mauvais choix opéré quant à la sanction retenue dans la mise en oeuvre de la riposte graduée, à savoir la coupure de l'accès à internet plutôt que l'amende.

C'est de cette alternative, coupure de l'accès à internet ou amende, dont je veux vous entretenir par ce courrier.

Permettez-moi en effet d'insister sur l'importance de ce choix. Ici, se joue certainement le succès ou l'échec de la loi « Création et internet ».

Avec l'amende, elle a une chance de s'enraciner dans la vie quotidienne française et d'atteindre ses objectifs.
Avec la coupure de l'accès à Internet, elle devient instantanément une agression, notamment vis à vis de nos jeunes, et donc une cible vouée à être transgressée tant qu'elle n'aura pas été évacuée.

I. LA COUPURE DE L'ACCÈS À INTERNET, UN DISPOSITIF QUI CUMULE DES INCONVÉNIENTS MAJEURS

C'est d'abord un mauvais choix symbolique et politique.

Pour toute une génération, pour toute notre jeunesse, le téléphone mobile et leur poste de travail avec leur accès internet, c'est tout simplement leur autonomie, leur liberté et leur art de vivre en société qui est en jeu.

Nous touchons ici à un sujet très sensible, car la coupure va être vécue comme une agression personnelle, en parfait décalage avec l'esprit de la riposte graduée.

Prenez le temps, mes chers collègues, d'écouter les réactions sur internet actuellement. Ce dispositif de coupure cristallise et catalyse les oppositions contre l'ensemble du projet de loi.

C'est ensuite un mauvais choix juridique, technique et économique, et ceci pour six raisons :

a) Il sera long et complexe à mettre en oeuvre

Les acteurs socio-professionnels du secteur des télécommunications nous ont largement alertés qu'il serait impossible de généraliser le dispositif envisagé par la loi (coupure de l'accès à internet mais maintien de la télévision et de la téléphonie sur IP) avant au moins un an.

L'Etat sera donc placé devant le dilemme suivant : soit reporter l'application de la loi aux environs du début de l'année 2011, soit commencer son application plus tôt au risque d'une rupture d'égalité devant la loi (sanction appliquée dans les régions dégroupées et non appliquée dans les régions non dégroupées).

Cette rupture d'égalité exposera clairement ce dispositif à la censure du Conseil Constitutionnel. Celui-ci a déjà sanctionné des ruptures d'égalité de même nature, notamment lors de l'examen de la loi DADVSI en 2006.

b) Il sera coûteux à mettre en oeuvre pour les finances de l'État.

La mise en oeuvre du dispositif permettant les sanctions envisagées chez chaque opérateur représente un montant minimal de plus de 70 millions d'euros pour la période 2009-2012 selon le rapport du CGTI ( Conseil Général des Technologies de l'Information) réalisé à la demande du Ministère de la Culture.
Ce coût devra nécessairement être supporté par l'État en application du principe d'égalité devant les charges publiques

c) Il ne rapporte rien aux créateurs et aux artistes.

C'est une des critiques majeures de ce projet de loi, il ne crée aucune recette, contrairement à l'amende qui pourrait produire plusieurs millions d'euros.

d) La coupure de l'accès à internet peut être une source de graves problèmes de sécurité concernant les biens et de personnes

En privant d'accès à internet des familles entières, on les prive d'une fonctionnalité majeure, à savoir la messagerie électronique par laquelle transite non seulement des informations privées qui peuvent être capitales du point de vue de la sécurité personnelle, mais aussi d'informations relatives à la sécurité publique en cas d'incendies, de tempêtes, d'inondations, etc.
Ce point a été spécifiquement souligné par le rapport du CGTI. Cet isolement peut sans aucun doute être la cause d'accidents graves.

le Président de la République Nicolas Sarkozy a lui même souligné l'importance capitale de l'accès à Internet, devenu aujourd'hui « une commodité essentielle » de la vie quotidienne des français.
La coupure de l'accès à internet est donc une sanction disproportionnée par rapport au délit de téléchargement illégal.

e) La coupure de l'accès à internet impose la constitution d'une liste noire d'internautes contrevenants accessibles à tous les opérateurs.

La CNIL et l'ARCEP ont souligné le caractère manifestement attentatoire aux libertés publiques de ce fichier. En effet, le délit commis sur le réseau d'un opérateur n'a pas à être rendu public aux autres opérateurs.


f) La coupure isole juridiquement la France

Récemment, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont renoncé à la coupure à cause de la fragilité juridique et de la complexité du dispositif.

Enfin, nous avons construire un espace juridique européen à construire. Or le Parlement européen a déjà signifié sa réticence (amendement adopté avec une majorité de 88%) à une coupure, en contradiction avec les libertés civiques comme avec les principes de proportionnalité, d'efficacité et de dissuasion.


II. L'AMENDE EST UN DISPOSITIF ÉPROUVÉ ET ADAPTÉ À LA RÉPRESSION DES DÉLITS MINEURS DE MASSE


a) Les nombreux amendements visant à substituer la coupure par l'amende démontrent la prise de conscience des parlementaires

A l'intérieur de la majorité, la plupart des parlementaires expérimentés sur ces sujets ont présenté des amendements de même nature :

 Un amendement adopté par la Commission des Affaires économiques au Sénat à l'initiative de M. Bruno Retailleau

 La commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale qui a adopté l'amendement présenté par M. Lionel Tardy et cosigné par M. Marc Le Fur, M. Alain Suguenot, M. Lezeau, Mme Rosso-Debord, M. Nicolas, M. Michel Voisin, Mme Lamour, M. Decool, M. Le Nay, M. Philippe Armand Martin, M. Bur et M. Morel-A-L'Huissier

 L'amendement présenté par M. Patrice Martin-Lalande et cosigné par moi-même comme amendement de repli. Il vise à instaurer une mixité des sanctions (amende et coupure reportée à une clause de revoyure).

 L'amendement défendu par moi-même devant la Commission des Lois que vous trouverez en pièce jointe à ce courrier.

Ces amendements convergent en proposant la suppression de la coupure de l'accès à internet et son remplacement par une amende. Ils diffèrent uniquement par des dispositions secondaires (montant, catégories, reversement du produit, etc.).Nous travaillons actuellement ensemble à la rédaction d'un amendement de consensus sur ces questions secondaires.

b) Les avantages du choix de l'amende comme dispositif de sanction de la riposte graduée prévue par la loi

L'amende est la réponse normale prévue par notre code pénal pour sanctionner des délits mineurs et fréquents. Elle est par exemple utilisée pour réprimer le stationnement illégal, les dépassements de vitesse, etc.
Tous nos circuits administratifs (trésor public, tribunaux de police) savent gérer avec efficacité une telle sanction.


 Sa mise en place sera immédiate et simple.
La loi « création et internet » pourra ainsi être mise en oeuvre dès sa promulgation (autour de mi-2009).

 Sa mise en oeuvre se fera à coût quasi nul et produira des recettes conséquentes.
Comme pour le stationnement ou le respect des limitations de vitesse, l'amende produira des ressources nouvelles pour l'Etat. Si on retient le chiffre (donné par la Ministre lors de son audition devant la commission des affaires économiques le mardi 17 février 2009) de 1000 sanctions par jour et d'une amende de première catégorie d'un montant de 38 euros, le produit serait de 8,36 millions d'euros par an (pour 220 jours ouvrables).
Nous proposons que l'équivalent de ce produit soit affecté exclusivement à la création artistique.

 Son application aura des vertus pédagogiques.
A l'image des progrès constatés dans le domaine de la sécurité routière, les amendes auront un fort effet désincitatif et le maintien de l'accès à internet simultané encouragera les internautes à rechercher les offres légales.

c) Nos réponses aux critiques du choix de l'amende

 L'amende aurait un caractère inéquitable en prélevant le même montant quelques soient les revenus des contrevenants et elle serait inefficace car rarement payée et rarement recouverte.

A cette critique on peut répondre d'abord que c'est la nature même des amendes (stationnement, excès de vitesse, etc.) d'être identiques quelques soient les revenus du contrevenant. C'est la mise en oeuvre du principe de l'égalité du citoyen devant la sanction.
Il convient également de souligner que le projet de loi actuel cumule les inconvénients de la coupure de l'accès à internet et de la poursuite du paiement de l'abonnement, ce qui est une véritable provocation.

En revanche, il est faux de dire que les amendes sont rarement payées. Si le taux de paiement peut-être faible à court terme, il s'élève nettement à moyen et long terme car les services du Trésor Public sont organisés pour en assurer le recouvrement (majoration, lettres d'huissiers, prélèvements).

 Les coupures existent déjà en cas de non paiement.

S'il est vrai que ces coupures existent, elles ne sont pas sélectives (toute l'offre composite est coupée) et la légitimité de la coupure est beaucoup plus forte lorsque le coeur du contrat entre le client et son fournisseur n'est pas respecté. Et une personne privée d'accès garde la possibilité de se réabonner.


Enfin, le dispositif de coupure est souvent justifié comme étant le choix des parties prenantes des accords de l'Elysée en novembre 2007.
Or, ces accords, pour intéressants qu'ils aient été, n'ont réunis que les professionnels des industries audiovisuelles et ceux du secteur des télécommunications.

A aucun moment ils n'ont été validés par des représentants légitimes des internautes, des consommateurs et des jeunes. Ils ne peuvent en aucun cas se réclamer de l'intérêt général de la nation.

C'est au Parlement d'avoir le dernier mot dans cette affaire, en gardant suffisamment de bons sens pour éviter un deuxième naufrage législatif après celui de la DADVSI.

Mes chers collègues, nous avons l'opportunité de réconcilier le monde de la création, celui de la production et de la diffusion, avec les internautes.

Nous avons les moyens et le devoir d'améliorer significativement ce projet de loi.

Il serait clairement regrettable de ne pas saisir cette chance pour l'ensemble de nos concitoyens.

Je vous prie d'agréer, mes chers collègues, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Jean Dionis du Séjour


PS : Si vous êtes en accord avec notre approche, si vous avez des observations à nous transmettre ou des précisions à nous demander, n'hésitez pas à nous contacter (01 40 63 71 75 - jdionisdusejour@assemblee-nationale.fr) pour nous en faire part.

Pièce jointe : amendement visant à substituer la coupure par l'amende

Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.