L’Europe et l’Agriculture ... Un sujet « explosif », à première lecture.
Pas si simple. L’Europe et l’Agriculture, c’est d’abord une longue, difficile et belle histoire. L’agriculture, c’est même la première véritable politique économique commune après celle portant sur le charbon et l’acier. Elle rassemble les Etats-membres de l’Union Européenne depuis 1962 !
Ses objectifs ont considérablement évolué pendant ces 60 ans de vie. La Politique agricole commune (PAC), créée en 1962, a d’abord été l’outil de l’ambition européenne et du choix des Etats européens de mettre en commun leurs ambitions et leurs moyens pour nourrir l’Europe exsangue de l’après-guerre.
Cette politique a permis de relever le défi de l’autosuffisance alimentaire à l’échelle de notre continent. Elle a contribué à développer une offre alimentaire européenne qui constitue, par sa qualité, son abondance et sa diversité, notamment en France, une composante essentielle du patrimoine historique et culturel de l’Europe.
Parce qu’elle a atteint cet objectif premier, celui de la souveraineté alimentaire, – rien d’évident et les années à venir risquent de nous le rappeler – nous devons d’abord dire : Merci l’Europe ! Merci à la Politique Agricole Commune !
Elle a également eu des résultats en matière de performance économique de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire en Europe. Au fil des réformes, elle s’est adaptée au contexte de plus en plus ouvert des échanges agricoles à l’échelle planétaire.
Pourtant, son histoire est loin, très loin d’avoir été un long fleuve tranquille. Notre département, le Lot-et- Garonne a été particulièrement secoué par les grandes étapes de cette politique Européenne commune. Il n’est pas inutile de se remettre en tête quelques-unes de ces dates clés :
- 1984 : instauration de quotas laitiers et d’une politique de réduction des prix de soutien pour faire face à la surproduction, vécus très douloureusement par nos éleveurs laitiers.
- 1992 : réforme Mac Sharry programmant la chute du soutien des prix agricoles à la production, compensée par des aides directes, véritable tremblement de terre tellement nos agriculteurs étaient légitimement attachés au lien entre la production et le montant des aides Européennes. Cette réforme entraine l’acte de naissance de la coordination Rurale, syndicat majoritaire en Lot-et-Garonne.
- 1999 : agenda 2000 et naissance du second pilier de la PAC, le développement socio-économique de nos territoires ruraux, en cohérence avec la politique des marchés agricoles
- 2013 : réforme de la PAC introduisant le verdissement des aides directes. A partir de cette date, les enjeux écologiques (réchauffement climatique, protection de la biodiversité …) feront à juste titre partie intégrante de la Politique agricole Commune.
Pour répondre aux nombreux objectifs qui lui sont assignés, la politique agricole commune, seule politique européenne sectorielle intégrée, bénéficie d’un budget à la hauteur de l’ambition portée, des sujets traités et de son caractère multifonctionnel.
Pour l’exercice 2014-2020, 362,8 milliards d’euros (soit environ 55 milliards euros par an) seront alloués au financement de la PAC, soit environ 1/3 du budget de l’UE.
Comme chaque année, la France est de loin le pays qui en bénéficie le plus (9,5 milliards d'euros d'aides agricoles en 2022). Elle est suivie par l'Espagne et l'Allemagne qui reçoivent respectivement 6,9 et 6,4 milliards d'euros par an au titre de la PAC.
En France, la PAC est distribuée à plus de 400.000 bénéficiaires dans le monde agricole, selon les chiffres du gouvernement. 90% des exploitations de l'Hexagone la touchent, pour une somme qui représente, en moyenne, 14% des recettes des exploitations agricoles.
Pardon pour la longueur de ce rappel ! mais il méritait d’être fait et d’être salué. Comme je l’ai dit à l’AG de la coordination rurale (lire le texte de mon discours), nos agriculteurs ne doivent pas se tromper de cible : bien des choses sont à améliorer dans la Politique Agricole Commune, mais elle existe et soutient nos agriculteurs. Méfiance absolue vis à vis de ceux qui veulent la détricoter !
J’entends une petite musique nous dire : « la France est un contributeur net à l’Union Européenne », ce qui est vrai. La France donne en moyenne 20 Milliards d’euros et elle reçoit environ 13, 5 Milliards d’euros (soit un solde net de 6,5 milliards d’euros, un bon « investissement » compte-tenu de tout ce que la France retire du Marché Unique Européen). J’entends dire les bonimenteurs : « Renationalisons une partie de cette aide ! »
J’attire l’attention de tous les agriculteurs sur le caractère dangereux de cette proposition. Une fois le soutien à nos agriculteurs rapatrié dans le budget national, en déficit majeur, qui assurera que nos agriculteurs toucheront les 9,5 milliards versés actuellement par l’Europe ? Personne …
Pas question, par contre, d’être eurobéats en matière Agricole, le mouvement de colère de nos agriculteurs, en ce début d’année, était lui allemand, français, espagnol, hollandais. Bref, européen… J’ai dit à l’époque ce que j’en pensais (lire les « Raisins de la colère ») .
Plus que jamais, au contraire, nos agriculteurs ont besoin d’Europe :
1 – pour avoir les mêmes normes environnementales partout en Europe. En finir avec la surcouche de normes franco-françaises intenable dans un marché unique Européen.
2 – pour remettre la souveraineté alimentaire européenne au sommet de nos priorités et en finir avec la déprise, le recul de nos productions qui ne doivent plus être les variables d’ajustement des accords commerciaux internationaux.
3 – pour imposer en Europe un meilleur partage de la valeur ajoutée en faveur de nos paysans producteurs contre les distributeurs
Le 9 Juin, les agriculteurs, qui ont un solide bon sens, diront :
« NOUS AVONS BESOIN D’EUROPE ! »
Je vote Valérie Hayer ! Je vote Majorité Présidentielle !
@ +,
Jean Dionis, Maire d’Agen
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