« Etrange, ce titre de chronique dans le blog de Jean Dionis ? » Doivent se dire – in petto –les quelques fidèles qui me font l’honneur de me lire et, ainsi, de m’accompagner dans mon parcours intellectuel et politique.
Et bien non ! Cette chronique est d’abord une invitation personnelle que je vous envoie, en tant que Maire d’Agen, à venir réfléchir et débattre avec nous, à la 4ème édition des Rencontres philosophiques Michel Serres qui se tiendront du vendredi 8 Novembre au lundi 11 novembre 2024 à Agen. Le thème retenu pour cette édition sera justement : « Maintenant, on fait la paix »
Je veux remercier David Djaïz, le Président de l’association organisatrice de ces rencontres – les amis agenais de Michel Serres – et son conseil d’administration d’avoir retenu ce thème.
Merci d’abord parce que ce thème est au cœur de la pensée géopolitique de Michel Serres exprimée dans « le Contrat naturel » :
Le Contrat naturel s’ouvre sur la description d’un tableau de Goya, Duel à coups de gourdin : « Un couple d’ennemis brandissant des bâtons se bat au beau milieu des sables mouvants [...] À chaque mouvement, un trou visqueux les avale, de sorte qu’ils s’enterrent ensemble graduellement. À quel rythme ? Cela dépend de leur agressivité […] ». Nulle image ne saurait mieux faire ressentir la situation de l’humanité contemporaine : pendant que nous luttons les uns contre les autres, nous restons aveugles au monde qui nous entoure et qui est sur le point de nous engloutir en raison de nos négligences.
Le cœur de la pensée à la fois géopolitique et écologique de Michel Serres, c’est l’urgence absolue à arrêter l’anthropocentrisme violent qui nous pousse inlassablement vers les guerres fratricides pour enfin se mobiliser sur le contrat à passer entre les hommes et la Nature. Il appelait de ses vœux un élan titanesque pour que l’Humanité se dote des institutions, des traités pour mettre en œuvre ce contrat de paix entre les hommes et avec la Nature.
Humblement, l’appel de Michel Serres ne s’aventurait pas sur les difficiles chemins de la mise en œuvre de chantier. Maintenant, l’urgence, géopolitique et écologique, est là. Maintenant, nous sommes au pied du mur. Maintenant, on fait la Paix.
Il faut, en effet, être et vouloir être aveugle et sourd pour ne pas voir et entendre monter, aujourd’hui, les tensions et les risques géopolitiques : guerre entre la Russie et l’Ukraine, conflit israélo-palestinien, etc. Pour ne citer que deux des conflits majeurs de notre époque. Pour chacun d’entre eux, la violence affreuse de la guerre est montée, brutalement et récemment, en intensité et en horreur.
Citoyens lointains et, pour le moment heureusement épargnés par ceux-ci, nous sentons monter en nous une inquiétude diffuse légitime. Mais en aucun cas nous ne devons-nous laisser paralyser par celle-ci. C’est le moment de se réarmer intellectuellement sur ces enjeux et je suis sûr que l’édition 2024 des Rencontres Philosophiques Michel Serres y contribuera.
Faire la paix ? : Toutes les sagesses du monde, et parmi elles, tout spécialement le christianisme, nous mettent en garde contre la spirale meurtrière de la vengeance sans fin et nous invitent à la miséricorde et au pardon.
Mais, l’Histoire nous enseigne qu’il y a des conditions et des moments – c’est tout le sens du « maintenant » dans le thème des Rencontres – pour faire la Paix et d’autres, où il faut combattre et résister. L’exemple du désastreux Traité de Munich en 1938 où pour soi-disant sauver la Paix, les démocraties occidentales ont reculé devant l’Allemagne nazie doit rester dans nos mémoires comme la fameuse phrase de Winston Churchill dénonçant ce traité de capitulation (« Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur. Vous aurez la guerre ! »).
Enfin, il y a un savoir-faire indispensable à exiger des artisans de paix. Là encore, l’Histoire nous enseigne. Le Traité de Versailles signé en 1919, où le peuple allemand avait été humilié, est le contre-exemple d’un accord de paix durable. Les historiens soulignent sa responsabilité, avec la grande crise économique de 1929, dans l’avènement à peine 20 ans plus tard du conflit encore plus ravageur de la 2ème guerre mondiale de 1939 à 1945. Par contre, les traités de la fin de cette seconde guerre mondiale ont, eux, réussi à nous offrir plus de 80 ans de paix grâce à l’ensemble des efforts mis en œuvre pour réussir la Paix : plan Marshall pour l’Europe, naissance des grandes institutions internationales qui sont encore les nôtres aujourd’hui (ONU, Union Européenne, etc.).
Nous voilà donc prévenus. Nous allons devoir, si nous voulons faire et réussir la Paix, nous aventurer sur les chemins tordus, risqués et difficiles des intérêts nationaux et de la diplomatie.
L’Histoire nous aidera à avoir le discernement nécessaire. Mais les convictions profondes, comme celles qu’avait Michel Serres, sont néanmoins indispensables. Oui, la Guerre entre les hommes est à la fois horrible et archaïque. Oui, notre énergie doit être mobilisée sur l’immense défi du Contrat Naturel. A notre époque de trouver les meilleurs chemins pour tenir ce cap et construire les outils de paix que Michel Serres appelait de ses vœux !
Nous vous espérons à Agen du 8 au 11 Novembre !
Save the date !
@+,
Jean Dionis, Maire d’Agen