23/07 : Mémoire et Adieu
Dernière journée à Jérusalem, un dimanche… la fin du Sabbah remet du monde et de la vie dans les rues et nous permet d’aller visiter le troisième lieu Saint de l’Islam, les mosquées du Dôme du Rocher et d’El Aqsa (la falaise).
Bizarrement, déjà avant ce voyage, ma mémoire de Jérusalem s’était fixée à partir deux points de vue :
Le premier est celui de l’extrême Sud-Ouest du parvis du Mur occidental et qui montre les mosquées du Dôme du Rocher et d’El Aqsa exactement sur le Mur Occidental. Ce point de vue nous appelle à l’humilité devant la complexité de la situation géopolitique créée par l’Histoire.
Le deuxième est à l’Est de la Ville, dans le jardin des Oliviers en regardant vers l’Ouest. Il nous montre toute La vieille Ville et au cœur de celle-ci, la mosquée du Dôme du Rocher avec une beauté à vous couper le souffle.
L’accès à l’Esplanade des Mosquées se fait maintenant sans trop de tracasseries policières et on peut y circuler librement. Les tensions entre communautés juives et musulmanes ont abouti malheureusement à interdire la visite des lieux Saints musulmans aux non-Musulmans depuis quelques années. Reste la splendeur de l’architecture extérieure, pure jusqu’à l’austérité de ses lignes, d’une beauté d’un autre monde comme ce dôme couvert de feuilles d’or.
Les musulmans y vénèrent le sacrifice d’Ismaël par Abraham demandé puis empêché par Dieu ainsi que le départ du Prophète Mahomet vers Dieu pour y recevoir le commandement des cinq prières quotidiennes.
Cette esplanade des mosquées est appelée par les juifs : le Mont du Temple. Tout est dit dans ce choc des symboles et ce lieu exprime plus qu’aucun autre le choc des deux légitimités historiques qui est non seulement celui d’Israël et de la Palestine, mais aussi de l’Islam et du Judaïsme…
Insoluble ? Désespérant ? J’avoue avoir été, à plusieurs moments de ce dimanche d’exception, gagné par le doute qui vous fait baisser les bras. Mais, en écrivant cette chronique, Cordoue et l’Espagne sont venus me rappeler à l’optimisme (lire ma chronique Andalouse). Écoutons Maïmonide, grand philosophe Juif cordoban, au temps de la splendeur Arabe en Andalousie (1135- 1204) : « Aujourd’hui, j’ai pu me croire sûr de ma connaissance et demain, obtenir la lumière qui me permettra de reconnaître l’erreur. Parce que rien n’est définitif devant l’avancée continuelle de l’Histoire et de la Science ». La recherche obstinée de la vérité équilibrée par le doute et l’humilité, et donc par l’écoute de l’autre et, enfin, la certitude que l’Histoire et la Science continuent à avancer et nous proposeront des chemins d’avenir.
Mais il était écrit que ce dimanche, nous toucherait au plus profond de nous-mêmes.
Nous voilà partis visiter Yad Vashem, le mémorial de la Shoah, de l’holocauste Nazi pendant la seconde guerre mondiale.
Le mémorial est construit à la périphérie de Jérusalem. Il se présente sous la forme d’un grand triangle, choix justifié par son architecte pour nous rappeler que 6 millions de juifs ont été exterminés, soit plus de la moitié de la population juive mondiale des années 1940, le triangle symbolisant cette moitié détruite des deux triangles de l’étoile de David, elle-même symbole du peuple Juif.
Le mémorial est entouré d’un parc planté à raison d’un arbre pour chaque Juste, celles et ceux remplissant les trois conditions de cette qualité : avoir sauvé la vie de juifs pendant la Guerre, avoir pour cela risqué de perdre la sienne et n’y avoir trouvé aucun intérêt financier ou autre… Israël honore 25 500 Justes à travers le monde. Moment d’émotion dans notre groupe lorsqu’Alain, notre adjoint aux sports, retrouve l’arbre des justes Français qui ont sauvé son oncle et sa tante, enfants alors que leurs parents furent raflés et exterminés dans les camps de la mort…
Pour la visite, que dire si ce n’est qu’elle est à la fois leçon d’histoire bouleversante de pédagogie et une question violente sur la possibilité de sombrer dans le mal absolu. Je croyais avoir beaucoup lu sur la deuxième guerre mondiale et sur la Shoah. Là encore, Yad Vashem a ouvert mon cœur et mon esprit sur des nouvelles questions vertigineuses. Pourquoi les Alliés qui savaient dès 1942 choisissent de ne pas bombarder les camps de concentration, alors que leurs raids aériens brisent l’effort de guerre allemand ? Pourquoi le Pape Pie XII choisit de ne pas parler à Noël 1942, après avoir beaucoup hésité ? Pourquoi l’Etat Français commet le 16 Juillet 1942 l’irréparable en ordonnant les grandes rafles françaises ?
Et enfin, comment se vacciner contre le retour, sous d’autres habits, de la folie Nazie ? Je n’ai pas d’autre réponse que le message de René Girard, philosophe Français que j’ai eu la chance de croiser. Il faut se méfier, comme de la peste, de toutes celles et ceux qui vous proposent des boucs émissaires trop accessibles lorsque vous souffrez : les juifs pour les Nazis, mais aussi les étrangers, l’Autre…
Notre fin de journée fut plus légère … et plus gastronomique. Notre guide Pauline nous fit faire une balade gourmande dans le marché Mahane Yehuda de Jérusalem. Nous nous régalâmes à nouveau grâce au fameux melting-pot gourmand Israélien.
La journée se termina par un peu de sieste, de courses … et un très bon repas d’adieu à Jérusalem où Alain, encore lui, nous fit un festival d’histoires juives…
Amitiés,
Jean Dionis