Le hasard des recommandations qui me font lire tel livre plutôt qu’un autre et le calendrier de l’approbation de la réforme des retraites ont fait que j’ai lu le roman Tsunami de Marc Dugain il y a quinze jours, juste après la promulgation de cette réforme par le Président de la République.
Comme je l’ai expliqué dans ma dernière chronique, la séquence politique de la réforme des retraites a fini de me convaincre que la France, elle aussi, était à la fin d’une page de son histoire, celle de la Vème république et qu’elle devait en écrire une autre, avec une gouvernance clairement en rupture avec celle des 60 dernières années. J’affirmais aussi, tranquillement, que rien ne se ferait de fort dans ce sens sans réforme de notre Constitution (lisez ma dernière chronique) .
Et puis, arrive Tsunami de Marc Dugain (Edition Albin Michel) … C’est un roman-fiction sur un président de la République, successeur d’Emmanuel Macron. Il est encore plus « Macron » que notre Président actuel, encore plus « start up nation », encore plus jeune et briseur des codes de l’ancien monde
Dans le roman Tsunami, le jeune Président de la République est élu parce qu’il est le dirigeant d’une start up en génie génétique qui s’est rendu mondialement célèbre en procurant une décennie ou plus de vie en bonne santé, s’assurant ainsi les votes décisif d’une majorité de jeunes séniors désireux de vivre plus longtemps et mieux.
Il est aussi décidé à accélérer la transition énergétique en faisant adopter une loi « pollueur-payeur » qui fixe le montant de vos impôts de manière proportionnelle à votre bilan carbone familial. Il se heurte bien sûr à toute les résistances de la société française. Je ne vous en dis pas plus car je m’en voudrai de vous priver du plaisir de lire, c’est-à-dire, de faire un voyage vers une destination plus ou moins inconnue, plus ou moins secrète.
Le portrait que trace Marc Dugain du Président de la République est clairement un portrait crypté d’Emmanuel Macron, ou en tout cas, c’est comme cela que je l’ai reçu. Et, il nous fait donc réfléchir sur l’itinéraire exceptionnel de notre Président de la République actuel.
Par quel talent personnel, par quel concours de circonstances historiques, un jeune homme de 39 ans a été choisi par 30 millions d’électrices et d’électeurs comme leur chef de l’Etat ?
Par quel talent et par quel concours de circonstances historiques, Emmanuel Macron a su échapper à la malédiction de la défaite du président sortant ?
Et, ce n’est pas le moindre des mérites de ce roman que de nous faire reflechir de manière lucide et raisonnable sur le destin d’exception d’Emmanuel Macron. Mais, ce n’est pas pour moi, l’intérêt majeur de ce roman. Dans ce livre, Marc Dugain se risque à une peinture, une histoire de la fonction présidentielle telle qu’elle a évoluée depuis sa création dans le cadre de la Vème République en 1958.
Et, cette peinture est éclairante. Elle montre de manière efficace, comment tous les problèmes, tous les drames de notre communauté nationale remontent à la fonction présidentielle, s’y percutent et s’y immobilisent.
Cette lecture fascinante nous dépeint également la montée des résistances face à un projet de loi novateur. Le mélange explosif de ces tensions avec le reste de la fonction présidentielle, le pouvoir exécutif (pouvoir du chef des armées), le jardin privé du Président de la République qu’est la diplomatie de la France, etc.
Et l’on voit, au fil de ce roman, s’enclencher le drame de la fonction présidentielle française : élection au suffrage universel direct, état de grâce de plus en plus court, disgrâce rapide, détestation durable.
Bref, la fameuse phrase d’Alain Juppé concernant la malédiction de Matignon s’applique maintenant au Président de la République de manière cruelle, injuste et tragique pour notre pays. Nos Présidents de la Républiques « on les lèche, on les lâche et on les lynche ».
Je vous conseille de lire Tsunami de Marc Dugain pour vous embarquer dans cette mécanique psychologique nationale. Je suis sûr qu’au terme de cette lecture, au demeurant accessible et agréable, vous vous poserez des questions, comme je l’ai fait, sur notre démocratie française et sur la manière dont nous devons la faire évoluer pour qu’elle reste forte et vivante dans les décennies à venir.
Encore une fois, comme je le disais dans ma dernière chronique, ce débat doit bien sûr être éclairé par des hommes et des femmes d’expérience, par des juristes constitutionnalistes, par des historiens capables de poser un regard comparé entre la France et les autres grandes démocraties. Mais, sur le fond, ce débat appartient aux citoyens que nous sommes, dans notre diversité, dans nos convictions et dans nos lacunes.
Je crois que nous ne pourrons pas en faire l’économie.
Bonne lecture.
Si vous avez un peu de temps ce week-end, je suis sûr que dima nche soir, vous l’aurez plié et que vous ne le regretterai pas. Je suis bien sûr preneur de vos remarques de lecteurs et j’appelle de mes vœux, un petit « WhatsApp informel » sur cette lecture.
@+,
Jean DIONIS
Maire d'Agen