La semaine dernière sur ce blog, j’ai écrit une chronique disant qu’une des conséquences improbables de la séquence douloureuse de l’adoption de la réforme des retraites avait été … de me convaincre qu’il fallait changer de constitution. (lire ma chronique ici)
Fort bien, me direz-vous, mais pour quels objectifs ? Et vous aurez raison, car je sais que l’on ne doit toucher à la constitution « que la main tremblante » et que ces précautions exigent à minima que celles et ceux favorables à une « nouvelle constitution » affichent clairement les objectifs poursuivis.
Pour ma part, j’en vois trois.
Objectif n°1 : Rééquilibrer les relations entre le Parlement et le Président de la République en renforçant les droits du Parlement et en diminuant ceux du Président de la République ;
Objectif n°2 : Elargir les conditions d’organisation de référendums que ce soit au niveau local ou national. Et ceci pour redresser les taux de participation électorale… (dramatiquement bas, 38% aux dernières élections législatives) et au-delà pour remplacer une démocratie essentiellement représentative aujourd’hui en une démocratie mixte (représentative/ directe, là encore avec recours plus fréquent au référendum) ;
Objectif n°3 : Une nouvelle décentralisation pour rapprocher décisions et arbitrages politiques du peuple.
Disons tout de suite ce qu’elle ne doit pas être cette future VIème république. Elle ne doit pas être un retour à la IVème République Française (1946-1958) qui se caractérisait par l’impuissance du gouvernement français à régler le drame Algérien et par la soumission de fait du gouvernement au Parlement (censures à répétition, etc.).
La VIème République que j’envisage dans cette chronique diffère donc sur ce point fondamentalement de celle envisagée par Jean-Luc Mélenchon et par La France Insoumise. Je reste donc favorable à l’essence de la Vème République du Général de Gaulle, à savoir un Président de la République fort, élu au suffrage universel. Mais ma contribution refuse la plupart des moyens de dépendance du Parlement vis-à-vis de l’exécutif.
Les objectifs étant posés, regardons maintenant comment ils pourraient être mis en œuvre.
Objectif n°1 : A nouveau, un parlement fort et indépendant du gouvernement.
Pour atteindre cet objectif, il faut mettre en œuvre un plan d’action complet comprenant à la fois des modifications constitutionnelles et législatives :
1° Suppression de tous dispositifs d’asservissement du Parlement au gouvernement et notamment le droit de dissolution de l’Assemblée nationale (article 12 de la Constitution de 1958) mais aussi la possibilité de jouer de la motion de censure pour éviter un vote spécifique sur un projet de loi (le fameux 49.3 de la réforme des retraites).
2° Révision du calendrier électoral pour positionner les élections législatives de manière indépendante par rapport à l’élection présidentielle. Il faut absolument en finir avec des élections législatives, troisième mi-temps de l’élection présidentielle. Les élections législatives doivent avoir leur autonomie politique.
3° Modifier la loi interdisant le cumul des mandats (la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 a encadré le cumul des mandats. Il est désormais interdit à tout député et sénateur d'exercer une fonction exécutive locale). Celle-ci gagnerait à être, de manière ciblée, modifiée.
Objectif n°2 : Elargir les conditions d’organisation de référendums que ce soit au niveau local ou national.
La crise démocratique que nous vivons ne peut pas se résumer en un déséquilibre entre le pouvoir présidentiel et le pouvoir du parlement. Elle est aussi une crise plus fondamentale de la représentation et pour sortir démocratiquement de celle-ci, il n’existe qu’une seule issue : redonner le pouvoir d’arbitrage au suffrage universel et au peuple, souverain en dernier ressort.
Il nous faut donc élargir les conditions d’organisation de référendum que ce soit au niveau local ou national alors qu’il est aujourd’hui de fait à la seule disposition du Président de la République, la modification de la constitution de 2008, exigeant la signature préalable du 1/10ème du nombre des électeurs inscrits sur les listes électorales pour que le Parlement puisse avoir recours au référendum, n’a rien changé parce que trop exigeante.
Objectif n° 3 : Une nouvelle décentralisation pour rapprocher arbitrages et décisions politiques du peuple souverain
Ce nouvel élan de décentralisation doit avoir comme principe directeur de faire descendre le plus d’arbitrages possibles des sphères éloignées (Etat, Région) vers les centres proches des électeurs (départements, intercommunalités, communes, voir infra-communal comme les quartiers).
Voilà le grand chantier démocratique que j’appelle de mes vœux.
J’ai parfaitement conscience de mes limites dans cet exercice, n’étant ni expert constitutionnel, ni juriste. Je sais aussi en bon disciple du grand épistémologue autrichien Karl Popper, « que toute résolution de problème entraîne l’émergence de nouveaux problèmes », la Constitution de 1958 étant le meilleur exemple de cette dynamique.
Mais, je redis avec force que ce débat n’est pas d’abord un problème d’expert, c’est un débat citoyen !
Je redis enfin mon inquiétude devant les signes trop évidents de l’affaiblissement de la démocratie Française et, notamment, la progression inquiétante de l’abstention.
Toutes celles et tout ceux qui refusent la perspective de l’arrivée d’un régime autoritaire, en France, doivent se mobiliser et participer à ce débat aussi important que celui, plus politique, du choix du meilleur candidat pour les forces démocratiques.
Alors, citoyens, débattons !
J’ai mis mes convictions sur la table. J’attends les vôtres.
@+,
Jean Dionis
Maire d’Agen