PARTIE I - Pourquoi nous devons changer ?
Le douloureux épisode de la réforme des retraites aura eu au moins un mérite : celui de relancer le débat sur les fondations de notre démocratie française.
En effet, il a vu s’entrechoquer plusieurs légitimités :
- Celle du président de la République, légitime à mettre en œuvre le programme sur lequel il a été élu ;
- Celle du Parlement, légitime à faire la loi, mais en l’occurrence avec des majorités contraires au Sénat et à l’Assemblée Nationale sur la réforme proposée ;
- Celle de l’opinion publique, légitimée à la fois par des sondages montrant que plus de 75 % des Français étaient hostiles à cette réforme et soutenues par une dizaine de manifestations rassemblant jusqu’à des millions de personnes.
Et, la sortie de crise, l’adoption de la loi sans vote formel de l’Assemblée nationale et dans le cadre d’une procédure d’exception, le fameux « 49.3 », a été un révélateur d’un certain archaïsme de notre démocratie française et de sa loi supérieure qu’est la Constitution.
Et c’est loin d’être le seul signe grave de dévitalisation de notre démocratie.
La progression de l’abstention dans tous les scrutins et, y compris ceux qui en sont restés populaires très longtemps, notamment, les Municipales (participation de 41,6 % en 2020, certes au milieu de la crise du COVID, mais le signal reste majeur…), est un défi essentiel à l’enracinement de la démocratie dans la modernité.
Le système politique français fonctionne sur la base d’une hiérarchie de lois opposables en fonction de leur importance. La Constitution est le texte fondamental sur lequel se base cette hiérarchie.
Il est donc compréhensible que la multiplication des signes d’affaiblissement de notre démocratie entraine la remise en cause de plus en plus fréquente et forte de notre texte constitutionnel.
Faut-il refuser cette remise en cause ? Notamment, parce qu’elle serait portée par des partis protestataires, et notamment par la France Insoumise ? Faut-il avoir une vision pessimiste qui nous condamnerait à aller vers une constitution moins efficace ou moins démocratique que celle que nous avons ? Faut-il s’accrocher aux indéniables avantages de la Ve République et refuser de voir ses lacunes pour gérer la France du XXIe siècle ?
Eh bien, je ne crois pas.
Et à tous ceux qui pensent que l’on a autre chose à faire que de se diviser sur des enjeux institutionnels, je réponds que la France ne résoudra pas ses faiblesses fondamentales et ne répondra pas à ses enjeux majeurs, si elle ne sait pas à nouveau faire nation, c’est-à-dire se rassembler, pour traiter ses problèmes difficiles et donc sans une mise à jour fondamentale de sa démocratie, en commençant par sa Constitution.
Pour ne prendre qu’un exemple, je ne crois pas qu’il y aura de transition écologique à la hauteur de ce que nous devons faire sans convaincre le peuple français, dans sa diversité, mais aussi dans ce qui le rassemble.
Repartons donc de notre constitution de la Ve République et débattons de ses forces et faiblesses pour être encore notre loi fondamentale aujourd’hui dans la France 2023.
Il est important de revenir à la genèse de notre constitution : les années 1958 et 1962 .
Le 28 septembre 1958, le peuple Français approuve à une très large majorité (79%) le texte de notre Constitution donnant un pouvoir central et renforcé au Président de la République. Il confirme ce vote le 28 octobre 1962 par l’organisation d’un référendum instaurant l’élection du Président de la République au suffrage universel. Le peuple Français adopte ce principe fondateur à une majorité confortable mais déjà plus réduite (62 %). Les fondements de notre vie politique française sont posés.
Remarquons tout d’abord que notre constitution, qui a 65 ans, n’est pas tombée du ciel et qu’elle est née dans un contexte : celui de l’incapacité de la république parlementaire de la 4e République de traiter la décolonisation et plus spécialement la décolonisation Algérienne. Remarquons que le Général de Gaulle était à la fois le promoteur et le bénéficiaire de cette révolution politique.
Les forces de cette constitution ont été mises en évidence lors des crises et des alternances traversées par notre pays. Conférant des pouvoirs très importants au chef de l’Etat, elle donne à la France la stabilité et l’efficacité notamment dans les temps de changement et de fragilité. François Mitterrand, opposant historique au Général de Gaulle et à la Constitution de 1958, n’a pas cherché à la modifier pendant ses quatorze années de présidence.
Et ses faiblesses alors ?
Clairement un partage du pouvoir délibérément en faveur du Président de la République, au détriment des autres pouvoirs, notamment législatif. Et l’on peut noter que la France est une des grandes démocraties qui est allée le plus loin dans ce déséquilibre. Mais alors, pourquoi la changer si elle apporte, à la France, stabilité et efficacité ?
D’abord, parce qu’elle a généré des contre-effets terribles.
Pourquoi, par exemple, voter aux autres élections, notamment législatives (participation aux législatives de 2022 : 38,11%) si seul compte le pouvoir présidentiel ?
Et lorsque tout ce qui ne va pas en France converge vers le Président de la République, alors le Président de la République, qui n’est pas le père Noël, devient le bouc émissaire de tous les mécontentements (pensons aux taux de popularité très bas de N. Sarkozy, de F. Hollande et d’E.Macron). Nos Présidents de la République devraient être aimés et respectés pour pouvoir rassembler. Ils sont injustement détestés.
Enfin et surtout, parce notre société moderne, celle du digital, des réseaux sociaux ne se retrouve plus du tout dans un pouvoir exclusif, vertical, « jupiterisé ».
Il nous faut donc une nouvelle fois changer de loi fondamentale .
Toutes celles et ceux, qui pensent que ce débat central doit être laissé à des experts constitutionnels et à une oligarchie politique, se trompent. Ceux-ci pourront éclairer de leur technicité, de leurs expériences les débats à venir. Pas les trancher.
Car le débat appartient au seul peuple Français et, comme en 1958 et en 1962, devra être tranché par le suffrage universel lors de référendums.
Mais au fait, pour aller vers quels rivages démocratiques ? Avec quels équilibres ?
Le citoyen Dionis vous donnera son avis la semaine prochaine.
@+,
Jean Dionis
Maire d’Agen
Bonjour,
Voici une citation de Paul LAFFITTE parue en 1920 dans Géroboam ou la finance sans méningite :
"Un administrateur administre, trois administrateurs cherchent le meilleur moyen d'administrer, cinq administrateurs discutent sur des programmes opposés, sept administrateurs bavardent."
Au vu de la situation actuelle à chacun en son âme et conscience d'imaginer ce qu'il se passerait si la gouvernance de notre pays dépendrait complètement des débats de l'Assemblée Nationale.