Nos amis Allemands, élus et habitants de Dinslaken (cliquez ici pour découvrir la Ville), nous ont fait le plaisir de nous inviter au jubilé qu’ils ont organisé pour les 750 ans de la fondation de leur ville.
En effet, Dinslaken a été fondée dans ce grand mouvement d’urbanisation européen que fut le XIIIe siècle au cours duquel l’Europe, prospère à la fois en richesse et en population, sortait de son maillage territorial gallo-romain et médiéval, pour conquérir son territoire intérieur, très souvent encore à l’état sauvage à cette époque. Dinslaken, c’est un peu la jumelle, en Lot-et-Garonne, de Villeneuve-sur-Lot et une fille de ce mouvement des bastides et des villes neuves européennes.
C’est d’ailleurs la première leçon de notre voyage allemand.
Nous rappeler que si l’histoire est locale, régionale et bien sûr nationale, elle est aussi européenne, et que ce concept de Ville, concentration de services à destination du territoire environnant, s’impose partout en Europe au XIIIe siècle.
Drôle d’histoire que cette histoire des jumelages.
Créés après les années de folies meurtrières de la Seconde Guerre Mondiale avec la conviction que la paix était une chose trop sérieuse pour être confiée aux seuls Etats et aux gouvernements nationaux qui venaient de faillir de manière horrible, à deux reprises, pour la garantir.
L’horreur de la Seconde Guerre Mondiale a certes accouché de l’Union Européenne et d’un embryon de gouvernance internationale avec les Nations Unies, mais aussi avec cette théorie des « mille petits-liens », selon laquelle, si l’on créait entre les peuples, mille petits liens, de villes à villes, de lycées à lycées, de chorales à chorales, alors ces mille petits liens freineront voire empêcheront la folie guerrière et meurtrière des peuples. Ainsi, Agen est jumelée avec Dinslaken depuis 1975.
Et c’est un jumelage qui marche bien depuis 48 ans.
Que de voyages d’Allemands à Agen et de Français à Dinslaken !
Que de projets communs entre nos deux villes depuis ce demi-siècle d’amitié franco-allemande !
Oui celles et ceux qui parlent mal des jumelages ont tort.
Les jumelages font désormais partie du patrimoine immatériel de notre Ville et ils doivent être protégés et développés en tant que tels.
Madame le maire de Dinslaken, Michaella EISLÖFFEL nous avait construit un programme passionnant de présentation des projets de la municipalité de Dinslaken et des visites de terrain. Dinslaken est plus grande qu’Agen, précisément deux fois plus grande, avec 70 000 habitants pour Dinslaken contre 33 000 pour Agen.
Dinslaken est aussi plus riche qu’Agen (270 millions d’euros de budget global pour notre Ville jumelle, fonctionnement et investissement compris, contre 70 millions à Agen). Mais la comparaison de nos projets a été passionnante parce qu’une bonne partie d’entre eux sont de même nature. Dinslaken et Agen transforment en même temps le quartier de leurs gares, ont l’une et l’autre des projets d’éco-quartiers – le quartier de l’hippodrome pour Dinslaken et l’éco-quartier de La Villette pour Agen – et la comparaison de ces projets similaires m’a montré la force et l’avance qu’on nos amis Allemands sur nous en matière d’écologie urbaine (végétalisation, quartiers sans voiture, quartiers piétons, etc.).
Et c’est bien là notre deuxième leçon allemande de notre voyage.
Reste, enfin, la conversation que j’ai pu avoir avec un ami de longue de date de Dinslaken, Monsieur Arne ALLEE. Nous avons eu la chance de pouvoir échanger sur nos différentes perceptions, de Français et d’Allemands, quant à la guerre en Ukraine et ses conséquences. Et j’ai pu mesurer à quel point, la guerre en Ukraine avait secoué et interpelé en profondeur la société allemande et son gouvernement, et ceci sur trois sujets d’une sensibilité extrême, compte-tenu de l’histoire tragique de l’Allemagne :
1) D’abord celui de l’approvisionnement en énergie de l’Allemagne,
2) Ensuite, celui de la livraison de matériel militaire allemand à l’Ukraine,
3) Enfin, sur le budget militaire national consacré au budget de l’Allemagne.
Arne ALLEE m’a fait comprendre à quel point l’Allemagne avait fait le pari risqué d’une normalisation des relations entre la Russie et celle-ci, en allant très loin dans son ostpolitik, faisant un choix stratégique d’alimentation de son industrie et de sa nation par le gaz russe et par des infrastructures contrôlées par la Russie, les fameux gazoducs Nord Stream I et Nord Stream II.
Et mon ami allemand m’a fait comprendre à quel point la Russie avait un moyen de chantage sur l’Allemagne, sans comparaison avec ceux exercés sur la France et, à quel point le choix de se libérer de cette servitude avait été douloureux pour les Allemands. Mais ce choix a été fait avec détermination et avec la puissance logistique et industrielle allemande qui s’est tournée sans états d’âme vers le gaz liquéfié venu du Moyen-Orient et des Etats-Unis.
Enfin, j’ai compris dans ces échanges à quel point la décision de livrer du matériel militaire offensif, comme les chars Léopard 1 à l’Ukraine ainsi que la décision de réarmer l’armée Allemande à hauteur de 100 milliards d’euros par le Chancelier Olaf SCHOLZ, avaient été des décisions de rupture par rapport à l’Allemagne d’après Seconde Guerre Mondiale.
Et bien entendu, ces paroles, on une résonnance particulière chez nous, français, avec l’histoire douloureuse franco-allemande qu’est la nôtre. J’ai compris au cours de ces conversations à quel point la Guerre en Ukraine était un moment historique qui terminait la période ouverte par la victoire des alliés et la défaite de l’Allemagne et que se dessinait maintenant, avec cet évènement d’envergure mondiale, en Ukraine, le nouveau visage de l’Europe.
Peut-être aurais-je pu arriver aux mêmes conclusions en lisant des revues géopolitiques ? Il reste que c’est en Allemagne, par des amis allemands, à l’occasion d’un anniversaire de notre Ville jumelle, que j’ai pris conscience de l’importance géopolitique des évènements en cours.
Les jumelages ont vraiment été une idée géniale de nos parents et grands-parents à la recherche du meilleur vaccin contre les folies meurtrières.
Je suis revenu de Dinslaken plus convaincu que jamais de l’intérêt de ces mille et un petits liens. Au revoir et Merci Dinslaken ! Danke und auf Wiedersehen !
A très bientôt à Agen !
Jean Dionis
Maire d’Agen