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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Le mystère d'un Prix Nobel

Publication : 31/01/2023  |  09:48  |  Auteur : Webmaster

 

Le 4 octobre à 12h13, une notification d’apparence banale afficha sur mon Smartphone : « L’Agenais Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022 ». Stupeur, incrédulité, un agenais, que je connais, Prix Nobel de Physique ?!

Bonheur puéril, je ne saurai vous décrire le mélange absolument extraordinaire de sentiments qui m’a submergé à ce moment là. Pourtant, un maire, doit porter une vision pour son territoire, c’est du moins mon exigence personnelle par rapport à la fonction municipale.

Et donc, je rêve souvent, portant ce que j’appelle une juste ambition pour Agen. Il m’arrive de rêver à ce que notre club de rugby remonte en Top 14, que notre troisième Pont sur la Garonne, le célébrissime Pont de Camélat, soit déjà ouvert à la circulation, qu’Agen soit exemplaire dans ses transitions climatiques, numériques… bref, je rêve beaucoup (et j’essaye d’agir ensuite). Mais rêver d’un Agenais Prix Nobel de Physique ? Ça, Non ! Y compris dans mes rêves les plus fous, je n’avais jamais osé…

Quelques jours après, à peine remis de mes émotions, j’appelle Alain Aspect que je connaissais depuis qu’il m’avait secoué les plumes pour mon incapacité à honorer correctement un autre Agenais, inventeur de classe mondiale, à qui l’on doit la photographie couleur : Louis Ducos du Hauron. Et j’ai le bonheur de l’avoir eu au téléphone en direct, je le félicite avec emphase et je l’invite à venir à Agen pour que nous, citoyens de sa petite patrie de naissance et d’enfance, puissions lui rendre un juste hommage. Et, alors que son agenda a littéralement été submergé à l’instant même de sa nomination, il accepte avec gentillesse et simplicité.

Astaffort, le village de son enfance, le lycée Bernard Palissy d’Agen, son lycée de 1957 à 1964, et la Ville d’Agen, la ville de sa naissance et son adolescence, ont donc eu le bonheur et l’honneur de recevoir Alain Aspect, le Jeudi 26 Janvier 2023.

Ce fut une magnifique journée de rencontres avec ses anciens amis de l’Ecole primaire d’Astaffort, avec les enfants fréquentant aujourd’hui cette même école, avec les lycéens du Lycée Bernard Palissy et les Agenais qui ont osé venir l’écouter nous initier à la physique quantique au Théâtre Ducourneau d’Agen.

A la fois organisateur, acteur et spectateur de cette journée, j’ai accompagné Alain Aspect tout le long de ce parcours de combattant mémoriel. Et une question m’a taraudée tout au long de cette journée exceptionnelle :  « Comment est-il devenu Prix Nobel de Physique ? »  et tout au long de cette journée, Alain Aspect a laissé quelques petits cailloux blancs qui tracent un chemin vers la réponse à cette question vertigineuse. Suivez-moi bien.

Tout commence avec ses parents et avec Astaffort, village décidemment béni des Dieux puisque c’est, entre autres, le village d’un certain Francis Cabrel. Alain est fils d’un père et d’une mère instituteurs. L’école est une institution vénérée chez les Aspect et Alain Aspect pointe dans cette école primaire les racines de sa curiosité et notamment de sa curiosité expérimentale. Il cite, pour cela son institutrice à Astaffort.

Puis, notre fils de professeurs, déjà curieux, arrive en 6ème au Lycée Bernard Palissy à Agen. Elève brillant, bien-sûr, notamment en mathématiques, il y mène une scolarité presque normale jusqu’à sa rencontre avec Maurice Hirsch, professeur agrégé de physique, qu’il rencontre en classe de première à la rentrée 1962. Maurice Hirsch n’est pas seulement un très bon professeur. C’est un passionné de sa discipline, spécialement de la dimension expérimentale de celle-ci. Sa passion fut contagieuse et transmise à Alain Aspect qui a rendu un vibrant hommage à son professeur, me demandant pour seule faveur qu’une rue d’Agen porte le nom du professeur, transmetteur de sa passion et de sa quête expérimentale. Ce qui fut fait au cours de cette journée mémorable.

Alain Aspect sort donc de son lycée, appelé par la Physique et commence alors son parcours universitaire et de chercheur. Nouveau petit caillou blanc laissé par Alain Aspect lors de l’échange avec les lycées :

  • Question des Lycéens de Palissy : Comment avez-vous choisi votre chemin d’études ?
  • Réponse d’Alain Aspect : J’ai choisi la discipline pour laquelle j’avais le plus d’envie et de passion et je vous conseille d’en faire autant. C’est comme cela qu’on donne le meilleur de soi-même…

Et Alain Aspect va donner le meilleur de lui-même : Ecole Normale Supérieure de Cachan en 1965, professeur agrégé de sciences physiques en 1969, sa carrière l’amène à devenir maître-assistant à l'ENS Cachan. Il lui est alors proposé de préparer une thèse pour le doctorat d'État, portant sur la démonstration expérimentale du paradoxe Einstein-Podolsky-Rosen, au sein de son laboratoire d'expériences fondamentales à l'Institut d'Optique.

Il publie en 1975 et 1976 deux articles dans lesquels il propose les expériences qu’il réalisera quelques années plus tard. Il obtient le doctorat d'État en 1983 en tranchant (par l’Expérience dite d'Aspect) un vieux débat entre Albert Einstein et Niels Bohr sur les fondements de la mécanique quantique et en amenant à l'obligation de choisir entre les principes de causalité et de localité, les deux ne pouvant être conservés à la fois…

C’est au cours de ces années décisives pour l’obtention du prix Nobel qu’Alain Aspect va mener avec succès sa carrière de chercheur en physique fondamentale. A l’issue du colloque sur Louis Ducos du Hauron, j’avais échangé avec Alain Aspect sur les conditions à remplir pour mener à leur terme des recherches scientifiques. J’en avais fait alors une chronique que je vous suggère de relire (cliquez ici). Alain Aspect identifia « quatre cases » à cocher impérativement :

1) La maîtrise d’une culture générale scientifique et notamment mathématique indispensable à sa discipline ;

2) L’obsession de vouloir résoudre un problème sur lequel bute la science ;

3) Etre un expérimentateur pour pouvoir éprouver ses hypothèses intellectuelles sur la mesure du réel ;

4) Enfin, se soumettre à l’épreuve de la publication devant la communauté scientifique pour obtenir sa validation.

 

Et il est clair que pendant ces années décisives 1980-1985, Alain Aspect va cocher ces fameuses quatre cases !

Aussi, permettez-moi deux dernières remarques.

La première, c’est qu’il faut une sacrée dose de confiance en soi pour choisir comme thème de recherche d’arbitrer le débat entre ces deux géants de la science que sont Niels Bohr et Albert Einstein.

Enfin, en me quittant vendredi soir, Alain Aspect me dit : « Jean tu as bien compris que l’on m’a donné le prix Nobel pour des expériences faites il y a 40 ans ? ». « J’ai bien compris, lui répondis-je, mais pourquoi un délai si long entre l’expérience et sa reconnaissance ? ». Alain Aspect, avec son beau sourire, me répondit : « il faut le temps que les planètes s’alignent et que les ingénieurs montrent par des applications concrètes l’intérêt de ta découverte qui, au début, n’intéresse personne ». Bref, derniers petits cailloux blancs : un peu de patience et d’humilité sont appréciées dans la quête du graal.

Voilà tous les petits cailloux blancs dont Alain Aspect a bien voulu baliser le chemin vers … le Prix Nobel !

Je trouve l’ensemble magnifique. Monsieur le Professeur, Agen est fier de vous !

@+

  Jean Dionis  

Maire d’Agen 

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