Le Docteur Chollet nous a quittés mardi 13 décembre 2022. Vendredi, avec l'accord de ses enfants, j'ai prononcé, lors de ces obsèques, un discours centré sur le maire emblématique d'Agen qu'il a été de 1989 à 2001. Acteur engagé à ses côtés pendant ces douze années, j'ai été un témoin privilégié de son action municipale si originale et si féconde. Par ce discours, je me suis efforcé de rassembler ce que je considère être le coeur de l'héritage politique que nous laisse le Dr Chollet.
Je suis heureux et ému de le partager avec vous par le chemin de ce discours et de ce blog.
Bonne lecture !
Cher François, cher Jean-Baptiste, cher Pierre,
chère Véronique, chère Emmanuelle,
Chers membres de la famille du Docteur Chollet,
Chers amis du Docteur Chollet,
Avec l’accord de ses enfants, j’ai le privilège d’exprimer à la fois le Merci et l’Adieu d’Agen à l’un de ses Maires les plus aimés et l’un de ses plus illustres serviteurs. Je le fais en mon nom personnel mais aussi en tant que Maire, au nom du Conseil Municipal de la Ville d’Agen et, au travers de son Conseil Municipal, au nom de tous les Agenais.
Permettez au Maire d’Agen de concentrer son regard et son propos sur la relation passionnée qu’entretenait le Docteur Chollet avec sa ville d’adoption et sur l’empreinte qu’il laissera sur sa ville et dans le cœur des agenaises et des agenais.
En écrivant ses lignes, je me suis interrogé. Pourquoi en 1989, Agen choisit le Docteur Chollet comme Maire ? Pourquoi Agen, à cette date, s’est reconnue dans le Docteur Chollet et a fait de lui son Maire et son chef du village, comme le disent les enfants.
Les raisons vous les connaissez : le Docteur Chollet à Agen, ce fut d’abord un rayonnement exceptionnel de médecin, un citoyen pleinement engagé dans la vie associative, un couple avec sa femme Monique et une famille avec ses 5 enfants porteurs d’une joie et d’une énergie de vivre véritablement extraordinaire, et enfin, une grande finesse et une grande culture générale et politique.
Le premier rendez-vous électoral du Docteur Chollet avec les citoyens agenais date de 1981 lors de son élection comme conseiller général d’Agen-Centre. Déjà, alors que la France est en pleine vague rose, il est élu à contre-courant de la tradition politique agenaise qui, en général, suit les grands vents électoraux nationaux.
De manière plus prévisible, il devient député en 1986 lorsque la loi instaure la proportionnelle départementale. La force de sa personnalité lui permet d’être réélu en 1988, encore à contre-courant, lorsque François Mitterrand dissout l’Assemblée Nationale dans la foulée de sa réélection… démontrant, une nouvelle fois, la force du lien très personnel qu’il entretenait avec les citoyens et notamment les agenais.
C’est donc naturellement que sa famille politique au sens large, le Centre et la Droite républicaine, lui confient la tête de liste aux élections municipales à Agen en 1989. Agen choisit le Docteur Chollet comme Maire en 1989 et le réélit en 1995. Deux mandats, 12 années. Sur ces douze ans, 8 années de Député-Maire et 4 ans uniquement concentrés sur le mandat de Maire. Sans oublier le mandat de Président de l’Agglomération d’Agen qu’il va tenir pendant 6 ans lors de son premier mandat municipal.
J’ai été un spectateur privilégié de ces 12 ans et je tenais à partager avec vous ce que j’ai appris du Docteur Chollet.
Premièrement : le travail.
C’est souvent un angle mort dans les témoignages apportés par ses proches, le Docteur Chollet était un travailleur acharné. Il l’était comme médecin, il l’a été comme Maire. Que ce soit dans l’étude des dossiers municipaux ou dans les relations humaines sur le terrain, le Docteur Chollet mettait une énergie rare à comprendre d’abord les situations, à essayer ensuite d’apporter des solutions.
Très humain, avec ses concitoyens, très dur avec lui-même, le Docteur Chollet apportait à chacune et à chacun des agenais : considération, écoute, temps… malgré un emploi du temps de député-maire épuisant. Oui, le Docteur Chollet nous a appris et rappelé que les élus de la République devaient d’abord, dans le cadre de leur mandat, travailler.
Deuxièmement, le refus du sectarisme, ce qui était novateur à l’époque. Remettons-nous en situation. En 1989, la vie politique nationale et locale était plus clivée, plus manichéenne, plus sectaire qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Guidé par une volonté et une pratique permanente de dépassement de ces clivages surfaits et anesthésiants, le Docteur Chollet était un passionné du rassemblement de toutes les forces de sa ville, à la seule condition qu’elles soient bienveillantes…
Ce refus du sectarisme l’amena à poser des gestes audacieux et novateurs, que ce soit dans la constitution de son équipe municipale avec l’ouverture de celle-ci aux écologistes et aux radicaux de gauche ou dans la qualité du dialogue qu’il menait avec son opposition municipale.
Oui, nous avons appris du Docteur Chollet, le refus du sectarisme.
Troisièmement : l’obsession de l’influence agenaise.
Le Docteur Chollet fut, pour Agen, un formidable député-maire. Il avait d’emblée compris l’importance de la synergie entre ses deux principaux mandats pour construire ce qu’il estimait être la nécessaire influence nationale de la Ville d’Agen. Et lorsque l’histoire de la France moderne a pu offrir certaines opportunités majeures à notre Ville : Agen, grâce à son député-maire, était prête.
Prête à saisir l’opportunité de la déconcentration des écoles supérieures nationales et à gagner la compétition territoriale de l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire avec l’appui de Pierre Mehaignerie, alors Garde des Sceaux, et avec qui il avait tissé une relation particulière au sein du groupe CDS de l’Assemblée Nationale. J’ai eu Pierre ce matin au téléphone, il m’a chargé de vous dire qu’il était avec nous par la pensée et le cœur cet après-midi.
Prête, lorsque l’armée française se restructurait autour de son plan « Armée 2000 », à gagner la compétition, car cela en été une, de la constitution du 48ème Régiment de Transmissions et de son implantation à Agen ;
Prête aussi, en tandem avec le président du Conseil Général de l’époque Jean FRANÇOIS-PONCET, à se saisir du plan « Université 2000 », pour faire d’Agen la ville universitaire qu’elle est aujourd’hui, fière de ses 3 000 étudiants.
Oui, nous avons appris et de manière plus personnelle, j’ai appris auprès du Docteur Chollet, comment construire patiemment avec obstination la nécessaire influence de notre ville là où elle doit être entendue.
Quand, en 1997, les électeurs d’Agen-Nérac, ne lui ont pas renouvelé leur confiance, comme a su très bien en témoigner Bernard Lusset, il a quitté son mandat de député avec tristesse mais sans amertume et avec gratitude envers la démocratie et les électeurs.
Il a consacré les quatre dernières années de son mandat de Maire à se réinventer comme celui de toutes les proximités.
Et c’est la phrase de Saint-Paul qui me vient à l’esprit lorsque je pense au Docteur Chollet de cette période de 1997 à 2001 : « je me suis fait tout à tous ».
Quelle leçon pour moi, adjoint à ses côtés, de voir le Docteur Chollet à l’aise et heureux au centre-ville, dans nos beaux quartiers de la Préfecture et des boulevards, et de le voir en même temps, au travail mais heureux et adulé dans nos cités, à Montanou, à Rodrigues, à Tapie.
De le voir chrétien parmi les siens dans cette Cathédrale et, engagé dès le premier jour, pour que nos concitoyens musulmans aient aussi, à Agen, un lieu de culte décent.
De le voir pédiatre toujours avec les jeunes d’Agen, et en même temps, profondément humain avec nos anciens.
La voilà, la leçon de sciences politiques du Docteur Chollet appliquée à Agen : du travail, toujours ! du sectarisme, jamais ! de la ténacité pour construire au niveau départemental, régional, national la reconnaissance nécessaire à sa ville et enfin être le Maire de toutes et de tous.
Chaque jour, la municipalité d’Agen, le Maire que je suis, faisons mémoire de cet héritage.
Aujourd’hui, François, Jean-Baptiste, Pierre, Véronique et Emmanuelle, je vous en fais serment. Nous ferons mémoire de votre père.
La Ville d’Agen exprimera sa gratitude pour tout le bien que le Docteur Chollet a fait à sa ville et à ses habitants.
Nous choisirons avec vous, sa famille, ses enfants, les chemins que prendra ce travail de mémoire pour qu’il reste, pendant longtemps pour nous, pour cette jeunesse qu’il aimait tant et pour des générations d’agenaises et d’agenais, une source d’inspiration et d’humanité.
Au nom du Conseil Municipal de la Ville d’Agen et de tout le peuple agenais, je vous présente, François, Jean-Baptiste, Pierre, Véronique et Emmanuelle, ainsi qu’à toute votre famille, nos plus sincères condoléances et l’expression de toute notre sympathie.
François Bayrou, présent lors des obsèques, a apporté son témoignage personnel et nous vous joignons son discours :
À vous, les cinq enfants de Paul et de Monique, les quinze petits enfants et les seize arrière-petits enfants, je voudrais dire quelque chose de simple et d’important : cet homme, qui est votre père, votre grand-père, votre arrière-grand père, cet homme nous l’aimions, et je l’aimais.
Nous avions été élu députés le même jour, en avril 1986, dans le mouvement de changement qui avait alors saisi le pays, et aussi notre Aquitaine, les Pyrénées-Atlantiques pour moi, le Lot-et-Garonne pour lui à la suite de Jean-François Poncet. Dès ce premier jour nous avons été assis l’un à côté de l’autre et ce voisinage de tous les jours a été pour moi un bonheur.
Quand je pense à Paul, la première chose qui me revient c’est son regard, un bleu délicat dont tous ici nous nous souvenons.
Un regard de charme et d’élégance, mais pas une élégance affectée, par une élégance apprêtée, tout simplement l’élégance du cœur et l’élégance de l’âme.
Alors je n’oublie pas bien sûr l’ascendance vendéenne des Chollet. Mais la terre aussi modèle les hommes. Et ce que je revois, c’est un regard gascon. Le regard gascon, Cyrano l’a immortalisé, les Trois Mousquetaires (qui étaient béarnais rappelons le au passage) aussi ; toujours un nuage d’ironie et parfois un soupçon de mélancolie.
L’ironie et l’humour de ceux qui ne prennent au sérieux ni les galons ni les chapeaux à plume, ni les importants et qui se croient tels, les gens réputés pas plus que puissants.
Ce regard là, on ne le bluffait pas facilement, et on ne l’impressionnait pas facilement.
Le deuxième trait qui remonte à ma mémoire, c’est le plus connu et celui qui a fait une part déterminante de sa vie, c’est le médecin.
Tout-à-l’heure, Jean Dionis demandait comment Paul avait pu être élu maire d’Agen, malgré la couleur politique qui était alors celle de la ville et les circonstances défavorables. La réponse était simple : comment ne l’aurait-il pas été alors qu’il était le docteur Chollet, médecin et pédiatre de toute la ville. Le médecin novateur, celui dont Agen se souvient encore qu’il révolutionna la pédiatrie de la région, par exemple en imposant les perfusions des nourrissons dans une veine du crâne, sauvant ainsi tant de jeunes vies, et beaucoup dans cette cathédrale savent que sans lui ils ne seraient pas là.
Le médecin des enfants, et je veux en témoigner aussi l’attention portée à leurs mamans, cette attention à la maternité, et aux difficultés qu’elle traverse.
Tel il était à Agen, tel il était dans notre combat politique à l’Assemblée nationale.
Je me souviens d’un jour qui m’a particulièrement ému. C’était –déjà- à cette période un débat politique qui promettait d’être agité autour de la PMA, procréation médicalement assisté, l’insémination artificielle comme on disait encore à l’époque. Et il y avait beaucoup d’émotion, particulièrement dans les rangs de la droite, autour de cette perspective. Et je me souviens alors de Paul, se tournant vers moi, et je n’ai jamais oublié ses paroles : « tu sais, me dit-il, le désir d’enfant est inarrêtable, pas un barrage n’y résistera !... » Il était de ces médecins qui connaissaient l’âme humaine.
Proche, attentif, je me souviens de ses avis médicaux dans une aventure où je me trouvais pris, alors qu’une sommité médicale, un très grand chirurgien (Paul ne savait pas encore qu’il aurait de très grands chirurgiens, au féminin et au masculin, dans sa descendance), une sommité mondiale, devant un accident aux cervicales, m’avertissait qu’il devait m’opérer dans les quarante-huit heures et que c’était la seule solution pour me sauver de la tétraplégie. Paul, peu impressionné, m’avertissant irrévérencieusement : « méfie-toi, prends un autre avis, les chirurgiens, ils ne veulent qu’une chose : opérer ». Et il m’adressa alors à vous, François : l’opération n’eut pas lieu, le médecin qu’il était avait raison, et tout rentra dans l’ordre, sans cette opération risquée.
Tout cela, pour moi, pour sa sensibilité politique, et pour ses compagnons de combat, pour les Agenais, pour vous ses enfants, tout cela est inoubliable.
Mais à tout cela, à tant de richesse humaine, il y a bien entendu un secret. Au cœur nucléaire de cette existence, il est un moteur qui porte bien des noms, mais qui est unique, et vous l’avez évoqué, Monseigneur : bonté, générosité, bienveillance, tous ces noms que nous donnons à l’unique amour.
Rien de mesquin, rien de naïf, dupe de rien, mais donné aux autres.
Humaniste, mais pas d’un humanisme bêlant, comme trop souvent, pas un humanisme à la gomme, l’humanisme des solides, l’humanisme des enracinés. L’humanisme des pays de rugby, virilité sans machisme, protection sans paternalisme et sans condescendance.
Devant les tiens, mon cher Paul, devant tes enfants, devant les Agenais, devant tous ceux qui ont mené avec toi ce combat central qui te résume tant, tolérance et bienveillance, volonté inébranlable, je veux te dire ceci : nous avons eu, sache le, beaucoup de chance de te croiser et de pouvoir dire aujourd’hui combien il nous a été précieux de te connaître, et de t’aimer.
Jean Dionis
Maire d'Agen
Cher Jean,
je sais combien tu étais attaché au Docteur Chollet, et m'associe à ton immense tristesse.
Continues à être son digne successeur au service de tous les agenais !
Bien à toi
Luc
Très beaux témoignages de Jean Dionis et de François Bayrou à l'attention de Paul Chollet
Les Agenais peuvent être fiers de leurs représentants qui placent l'humanité avant toute chose, preuves à l'appui sur l'évocation de ces années passées à leur service