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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Ouverture de commerces en centre-ville : pourquoi je ne signerai pas d’arrêté municipal.

Publication : 02/11/2020  |  11:49  |  Auteur : Jean Dionis

Plus de 30 maires de villes d’environ la même taille qu’Agen ont signé des arrêtés municipaux d’ouverture des commerces en centre-ville pendant la période du confinement. Parmi ceux-ci, les maires des villes de Mont-de-Marsan, Montauban, Carcassonne, Narbonne, Brive…

J’ai, parmi ceux-ci, de vrais amis qui, de surcroît, sont de bons maires.

Et pourtant, je ne les suivrai pas sur ce chemin. Je ne signerai pas, à Agen, d’arrêté municipal autorisant l’ouverture des commerces « non essentiels ».

Pourquoi ? Parce que selon toute vraisemblance, les tribunaux administratifs, qui ont été saisis en référé (c'est-à-dire en urgence) par les préfets concernés sur ordre du ministre de l’Intérieur, confirmeront la doctrine établie par le Conseil d’Etat lors de « l’affaire des masques » opposant la ville de Sceaux à la LICRA (lire ma chronique « Les difficiles relations entre l’Etat et les maires »: http://jeandionis.com/blog/covid-difficiles-relations-entre-etat-maires ).

Cette doctrine juridique s’énonce très clairement :

  • en cas d’état d’urgence sanitaire (et nous y sommes depuis le 17 octobre), il n’y a qu’un seul pilote dans l’avion, c’est l’Etat.

Et l’ordonnance du jugement du Conseil d’Etat, en date du 17 avril, enfonce le clou pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté entre le pouvoir de police spéciale donnée exclusivement à l’Etat dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et le pouvoir de police générale du maire. Elle affirme à nouveau : « En revanche, la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat. »

En clair, lors d’une crise sanitaire, le pouvoir de police générale du maire s’efface devant le pouvoir d’exception attribué exclusivement à l’Etat.

Dans ce cadre, la messe est dite. Selon toute vraisemblance, les arrêtés de mes collègues vont être déclarés illégaux.

Les maires ont été prévenus par leurs préfets de ce risque très probable. Vous me direz : « Pas grave, c’est de la bonne communication politique… ». Et bien, si, c’est grave. Et je ne mangerai pas de ce pain bien douteux de la gesticulation politicienne alors que la situation du pays est justement si grave.

Pour le maire, pas de gros risque à signer ces arrêtés, même si formellement, sa responsabilité est engagée. Mais, les villes ont de bonnes assurances et de bons avocats. L’Etat ne voudra pas faire      « des maires frondeurs » des martyrs de l’autonomie locale. Bref, les maires, eux, ne risquent pas grand-chose.

Pour les commerçants qui suivraient leurs maires sur ces chemins de traverse, les risques, par contre, sont élevés : amendes, sanctions pénales en cas de récidive, suppression des aides d’Etat en cas de non-fermeture des magasins…bref, une toute autre histoire. Nos amis commerçants, eux, sont directement exposés aux sanctions prévues par le décret national.

Et pour finir, sur ce point, je ne trouve pas très glorieux de la part de mes collègues signataires d’emmener nos commerçants sur des chemins dangereux pour ceux-ci. C’est du mauvais cinéma politique.

Faut-il pour cela ne rien faire pour la défense de nos commerces de centre-ville en ces temps de COVID ? Bien sûr que non ! Mais avec les commerçants, il faut bâtir un plan d’action offensif et compatible avec l’urgence sanitaire.

Car il nous faut bien partir de là. Aujourd’hui, la situation sanitaire de la France est grave. Le confinement en cours doit être un succès et pour cela, il ne peut être question de desserrer, dès maintenant, le confinement, mais plutôt de le rendre plus équitable entre les différents acteurs de la même filière.

Une première victoire importante a été obtenue par les commerçants et celles et ceux qui les soutiennent depuis la première heure (et je suis fier d’être l’un d’eux) puisque Jean Castex, notre Premier ministre, au journal télévisé du 20 h de dimanche soir, s’est engagé à interdire, dès mardi 3 novembre, la vente de tous les articles non-essentiels (dont les livres) dans toutes les grandes et moyennes surfaces du pays, supprimant ainsi une situation grave d’iniquité concurrentielle.

Tout ce qui ne sera pas dépensé en non alimentaire dans les grandes surfaces sera rattrapé (dépensé plus tard) par les consommateurs dans les grandes surfaces mais aussi dans les commerces de centre ville.

D’autres avancées peuvent être obtenues par l’Association des Maires de France lors des prochaines révisions du confinement à mi-novembre et début décembre. Je souhaite personnellement que le gouvernement autorise la réouverture des librairies de centre-ville, car la culture, le livre, c’est        « essentiel » notamment par temps de confinement et que « l’homme ne vit pas que de pain ».

Localement, enfin, les maires pourront faire œuvre utile en facilitant le commerce dans le centre-ville pendant les fêtes de Noël qui risquent d’être perturbées cette année : renforcement des animations de Noël, accès facilité aux parkings du centre-ville, aide à l’organisation de ventes en ligne par nos commerçants avec les points de collecte qui vont avec…Et, là, nous les maires nous retrouverons  notre  terrain de prédilection où nous sommes imbattables : celui de la vie quotidienne de nos concitoyens.

  • Etre solidaires de la nation rassemblée pour réussir à faire reculer l’épidémie par le succès du confinement,
  • ne pas perdre son âme, son temps, son énergie dans des combats illégaux et très contestables comme le sont ces arrêtés municipaux,
  • rester agiles et imaginatifs sur le terrain pour aider nos artisans et commerçants.

Voilà, la feuille de route des maires républicains pour ce mois, si extraordinaire, de novembre 2020 !

 

Les réactions

Merci Jean pour cette mise au point. Bien sûr que l'on doit être tous motivés et mobilisés contre COVID. Ce qui pose problème c'est la distorsion avec les grandes SURFACES ET NOS COMMERCANTS. ouvert ? Essentiels ? Le flou, le doute, le discrédit s'installe et c'est dommage.

Bravo monsieur le maire de ne pas suivre la facilité.

Comme vous l'expliquez clairement, les maires qui signent cherchent un bénéfice politique, sans risque.

Il faut serrer effectivement les coudes et pourquoi pas faire des propositions d'amélioration (par exemple laisser ouvert 1 semaine les petits puis la semaine suivante les grands magasins.

La situation du pays est plus grave que prévu ! 

 

Macroniste soumis

Cher Jean,

je retrouve dans cette chronique le JDS légitimiste et militant.

Je suis d'accord sur le respect de la loi mais m'insurge sur le côté descendant des décisions. Les maires devaient être au centre après les gilets jaunes et après le 1er confinement. Or, manifestement, ces engagements ont été oubliés.

Je ne le suis pas d'accord non plus sur l'égalité. Comment peut on affirmer qu'il y a une avancée par l'interdiction de la vente de produits non essentiels par les grandes surfaces alors qu'on les autorise sur Amazon ? Les clients ne vont pas attendre que ça rouvre, ils vont commander sur internet. Avez vous entendu en revanche la proposition de CDiscount  pour le petit commerce ?

en toute amitié,

 

david 

CQFD

Oui, mais l' État, c'est nous,  nous sommes à 80% contre la fermeture des petits commerces et non le Président de la République, ni le Premier Ministre, compléterment déconnectés de la réalité du terrain, d'où la fermeture obligatoire de l' E.N.A.

Cordialement,

Bernard Herrou (Ancien Élève du Lycée Bernard Palissy (1944-1957) à Agen.

Bravo Monsieur!

Vous avez raison.

JE VOUS FELICITE MONS LE MAIRE.UNE DECISION GOUVERNEMENTALE NE PEUT ETRE CONTESTEE .IL FAUT RESTER SOLIDAIRE BIENSUR MAIS AVANT TOUT IL FAUT FREINER CETTE EPIDEMIE EN RESPECTANT LE CONFINEMENT

CDT

MME PEYRILLES

Bravo et sincères félicitations pour cette position et ces engagements.

Quelle tristesse de lire ce texte 

-        uniquement destiné à prouver la fidélité à "la voie de son maître", sans doute afin de préserver l'avenir politique de son rédacteur, 

-        totalement dénué de la moindre empathie pour les commerçants dont la mort, à court ou moyen terme, a été décidée sans vergogne, 

-        enfin ce texte dont l’idée maitresse ne relève pour le moins pas du souci de prendre ses responsabilités.

 

Les 2 arguments utilisés pour étayer la thèse soutenue ne tiennent ni l'un ni l'autre : 

-        "les maires savent que les arrêtés sont illégaux" 

-        "pour les commerçants, suivre les maires risquent de les mettre dans la difficulté".

 

Sur le premier point, plutôt que de se coucher devant un pouvoir qui depuis 8 mois, au fil du temps, renie ses propres directives, un pouvoir qui édicte des règles incohérentes et totalement attentatoires au principe de la liberté individuelle, un pouvoir sans aucune vision à long terme si ce n'est celle de nous museler, au propre et au figuré, au point que le mot "dictateur" lui sied de plus en plus, mieux vaut exprimer paisiblement, mais fermement et formellement, son rejet d'une telle politique. En cela, je salue tous ceux qui ont signé ces arrêtés, en pleine connaissance du risque encouru, marquant ainsi leur opposition aux mesures arrêtées et leur soutien à ces professions qui ont déjà payé un lourd tribut lors du premier confinement.

En second lieu, monsieur le Président de l’association des maires de Lot et Garonne, faites confiance à vos adhérents ; ils ne sont pas de ceux qui font prendre des risques à autrui et se désengagent aussitôt qu’apparaît la première difficulté ; ce comportement-là est celui du « monde politique » mais pas celui des maires qui se sont investis et se sont engagés pour protéger et soutenir leurs administrés. Comme l’ont précisé certains, les maires sauront appuyer et défendre leurs commerçants s’ils étaient attaqués pour avoir respecté les arrêtés que vous réprouvez. C’est tout simplement cela prendre ses responsabilités et les assumer ! 

Vous avez su vous battre avec vigueur pour les agriculteurs de Caussade ; alors pourquoi ne pas accorder un même soutien aux commerçants ? seraient-ils insignifiants au plan électoral ?

 

 

 

Bravo, Félicitation Mr Le Maire ( Jean Dionis ) je vous remercie de ne pas faire de compromis . ( en un seul mot ) il est juste de Respecter le Chef de l'état ( E. Macron ) même si les anti-macroniens sont contre, ne nous y Trump-on- pas, ( trompons pas ) Mr Jean Dionis et AVERTISSEZ encore les commerçants, afin de les protéger. Soyons des trumpiste pour être sur la bonne piste .

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