Vendredi dernier, je suis allé à l’excellent cinéma d’art et d’essais d’Agen, les Montreurs d’Images, http://www.lesmontreursdimages.com, voir le film « Alice et le Maire » de Nicolas Pariser, avec Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier (voir la bande annonce https://www.youtube.com/watch?v=SO3qCKFupFE ).
Je me permets de reprendre la présentation du film tel que vous la trouverez sur le Net :
« Le maire de Lyon, Paul Theraneau, va mal. Il n'a plus une seule idée. Après trente ans de vie politique, il se sent complètement vide. Pour remédier à ce problème, on décide de lui adjoindre une jeune et brillante philosophe, Alice Heimann. Un dialogue se noue, qui rapproche Alice et le maire et ébranle leurs certitudes. »
Forcément, ce sujet résonnait en moi. Comme Paul Theraneau, je fais de la politique depuis trente ans et je suis Maire depuis onze ans…je rassure mes amis. A la différence de Paul Théraneau, je continue à avoir 25 idées par jour (pas toutes bonnes…) et je suis toujours candidat aux Municipales d’Agen en mars 2020 (ouf…).
Mais, le sujet qui me passionne dans ce film, c’est bien celui de l’épuisement de l’élan initial qui animait le maire lorsqu’il rentre en politique et des chemins de son ressourcement, en l’occurrence la jeune normalienne et la philosophie qu’elle incarne.
Car ce sujet est effectivement un enjeu majeur dans la « vraie vie politique ». Pourquoi un homme, une femme politique s’épuiserait-il intellectuellement ? J’émets quatre raisons possibles :
Tout d’abord, le rythme de l’activité politique, qui est effectivement épuisant par sa charge, par son émiettement et par son extrême diversité. J’ai été cadre dans l’industrie privée et j’y ai vu travailler nos dirigeants. Ceux-ci, quelles que soient les difficultés très réelles de leur fonction, dirigeaient leurs entreprises dans un environnement plus direct, plus simple et plus centré sur un nombre limité de services et de biens à produire que ce qu’il y a à faire dans une mairie.
Ensuite, l’isolement dans lequel peut s’enfermer un Maire, se coupant progressivement de toutes les sources de son inspiration (sa famille, son entreprise, ses amis….mais aussi la lecture ou toute autre activité fondatrice pour la personnalité politique considérée). C’est particulièrement bien mis en scène dans le film où l’on voit un maire seul, malgré toute une foule en permanence autour de lui, développant des phénomènes de cour particulièrement arides.
Troisièmement, l’incompréhension par rapport aux changements en cours dans la société et dans le monde environnant. Là encore, le film est très « parlant » lorsqu’il montre la difficulté du maire à saisir l’importance première, quitte à en devenir obsessionnelle, de l’écologie pour les jeunes générations j’ai pensé avec beaucoup d’émotion à Alain Juppé, Maire d’exception de la ville de Bordeaux, reconnaissant avec une grande honnêteté intellectuelle, « qu’il ne comprenait plus ce monde » à l’occasion de la crise des gilets jaunes.
Enfin, il y a les blessures accumulées lors des conflits politiques qui peuvent tuer toute fraicheur, toute conviction, débouchant ainsi sur un cynisme redoutable si la personnalité politique ne prend pas le soin de se vacciner régulièrement contre celui-ci en refondant régulièrement ses propres convictions profondes.
Le film montre de manière crédible et souvent drôle Paul Théraneau, alias Fabrice Luchini, au carrefour de ces quatre dangers.
Comment choisit-il de se ressourcer, de redémarrer ?
Par un coach, aux recettes d’équilibre de vie en prêt-à-porter ? Non.
Alors par la psychanalyse, qui ira fouiller, dans les profondeurs de sa vie privée, les désordres à réarranger ? Non plus.
Paul Théraneau, dans un bel éclair de lucidité, choisit la philosophie incarnée par Alice, normalienne. Celle-ci, ignorante de la vie politique, se met au travail avec la foi des novices et produit une première note réclamant au maire : « De la Modestie ! ». Bien vu, d’entrée…
Mais Alice va se bruler les ailes au contact de son maire et de la politique dont elle subit de plein fouet la violence et ce d’autant plus qu’elle gagne en influence jalousée auprès de celui-ci.
Au final, Alice et le Maire ne retrouveront équilibre et sérénité qu’ « en sortant de la politique », elle, en allant à l’étranger et en donnant naissance à une petite fille et lui en arrêtant sa carrière politique.
Et on touche là aux limites de ce film.
Le premier reproche que je lui ferai est d’annoncer un maire et de nous montrer un candidat à la Présidence de la République englué dans les manœuvres d’appareil nationales. Jamais le dialogue quotidien du maire «à portée d’enguelade » avec ses concitoyens n’est montré.
Mais c’est surtout la vision manichéenne de la politique comme le lieu du Pouvoir, et donc du Mal, qui est critiquable. Tous les défauts décrits dans ce bon film peuvent être rencontrés dans la vie politique. Mais la Politique, c’est aussi le lieu de combats et d’amitiés magnifiques pour de belles valeurs qui ont pour nom Bien commun, Justice et Progrès.
La vraie vie politique est heureusement moins désespérante et beaucoup plus contrastée que le monde d’ « Alice et le Maire ».
Mais pour une fois que le cinéma français s’intéresse à la politique locale, ne boudons pas notre plaisir. Allez voir « Alice et le Maire ».
Aux Montreurs d’Images à Agen, nous avons eu la chance de prolonger la projection de ce film par un débat sur l’impuissance de la politique avec David Djaïz, jeune Agenais, bourré de talent, auteur d’un livre-évènement précisément sur ce sujet, « Slow Démocratie » (chez Allary Editions).
Mais, çà, c’est un autre sujet, et une autre chronique…
Très chouette commentaire.
Ca donne envie!
Monsieur le Maire, mon cher Jean,
Je doute que ce message te parvienne, mais qui sait ? je tente !
Comme toi, j'ai énormément apprécié le film "Alice...", ne serait-ce que pour les performances d'acteur de Luchini. Chaque semaine, je me sens interpelé par divers films (passant aux Montreurs) qui offrent matière à réflexion. Je lis régulièrement ton blog où tu abordes, tu analyses divers sujets d'actualité... et je trouve très rassurant qu'un élu de ta stature trouve le temps de s'intéresser, de réfléchir à toutes ces questions, même si elles ne concernent pas directement très préocupations municipales.
Fini les louanges. J'aurais aimé que tu apportes la même attention au film que je propose à la Ville d'Agen sur DUCOS DU HAURON et que tu me fasses part de tes appréciations, de ton jugement. Les seuls échos que j'en ai eus, c'est un NON catégorique de ton Comité du Centenaire (pour des raisons de longueur ?) et une menace de poursuites judiciaires pour utilisation d'un document appartenant (soi-disant) aux AMIS de DUCOS. Tout ceci est surréaliste et ne correspond absolument pas à la volonté de réhabilitation de notre inventeur que tu as réaffirmée à plusieurs reprises (et même très officiellement). Tes Services culturels refusent de se positionner sur les attaques ignobles que je subis. "Qui ne dit mot consent".
Ceci dit, je ne suis pas prêt à laisser détruire 4 années de travail sur DUCOS. Et il y aura bien un film "LDH: la photo prend des couleurs" pour le Centenaire... avec ou sans la Ville d'Agen. C'est aberrant mais je n'y peux rien.
Avec tout le respect que je te dois... cordiales salutations.
René Dreuil
Sachant que vous avez choisi de vous représenter pour un autre mandat encore, on comprend que vous ne suiviez pas le propos du film »Alice et le maire » jusqu’au bout. On se demande du coup si on cela vous témoigner d’une forme de vertu ou d’une forme d’insensibilité ou de déni. L’animal politique vaut par l’épaisseur du cuir dont il s’enveloppe. Qui lui arrive d’être bouleversé par une idée aussi modeste que l’idée de modestie, seule la grâce–un « coup de grâce »–peut l’expliquer .Or
ce film–je le découvre moi-même en écrivant ces lignes–est un film sur la grâce. Le personnage incarné par Anais Demous est le personnage d’un ange.
Cordialement, Claude Remund.
Sachant que vous avez choisi de vous représenter pour un autre mandat encore, on comprend que vous ne suiviez pas le propos du film »Alice et le maire » jusqu’au bout. On se demande du coup si on cela vous témoigner d’une forme de vertu ou d’une forme d’insensibilité ou de déni. L’animal politique vaut par l’épaisseur du cuir dont il s’enveloppe. Qui lui arrive d’être bouleversé par une idée aussi modeste que l’idée de modestie, seule la grâce–un « coup de grâce »–peut l’expliquer .Or
ce film–je le découvre moi-même en écrivant ces lignes–est un film sur la grâce. Le personnage incarné par Anais Demous est le personnage d’un ange.
Cordialement, Claude Remund.