Le refus de François BAYROU, Président national du Modem, de rentrer dans le gouvernement de Gabriel ATTAL et l’explication qu’il a donnée de ce refus, à savoir « l’absence d’un accord profond » entre le gouvernement, d’une part et François BAYROU d’autre part, sur des sujets aussi prioritaires que l’éducation nationale ou l’aménagement du territoire ont forcément posé question aux adhérents et aux cadres du MoDem.
La réaction de Jean-Louis BOURLANGES soulignant la potentielle contradiction entre l’absence d’accord profond avec le projet politique du Président de la République et la participation à une majorité parlementaire, ainsi qu’au gouvernement, est symptomatique de nos questionnements internes voir de nos troubles.
J’ai bien vu les efforts méritoires de certains de nos responsables nationaux pour diminuer la portée potentiellement négative de la prise de position du Président de notre famille politique. Mais ils ne m’ont pas convaincu.
J’ai la chance de connaître François BAYROU depuis plus de 30 ans. J’ai partagé avec lui les années et les aventures du CDS et de force démocrate. Nous avons été dans le même groupe parlementaire de 2002 à 2007. Nos chemins ont divergé de 2007 à 2018 où j’ai poursuivi mon parcours politique au Nouveau Centre avec Hervé MORIN. Et enfin je suis heureux d’avoir retrouvé le chemin du MoDem et de la majorité présidentielle depuis 2018.
Ce long compagnonnage me fait penser que le geste de François BAYROU, sa prise de position ont été longuement mûris et qu’ils dépassent les postures de négociation d’ailleurs légitimes pour la représentation du MODEM au sein du gouvernement.
Et après tout, tant mieux ! Je vais peut-être vous surprendre. Mais je pense qu’il faut profiter de l’interrogation et du constat fait par François BAYROU de ses divergences avec le projet gouvernemental pour se reposer la question du projet politique, des convictions profondes du MoDem, de nos convergences, mais aussi de nos divergences avec nos partenaires de la majorité présidentielle.
Et je demande à notre président du MoDem, François BAYROU, de porter ce débat à l’intérieur de notre parti, de l’ensemble de notre parti et de le faire arbitrer comme il se doit par nos adhérents dans le cadre prévu par nos statuts.
Et cela tombe bien. Le MoDem se réunit en congrès statutaire à Blois le samedi 23 mars et dimanche 24 mars.
J’ose espérer que nous n’y afficherons pas une unité de façade, réservant les vrais arbitrages politiques à des cénacles bien éloignés de nos adhérents et de la base de nos fédérations départementales.
Cela tombe bien aussi parce qu’à Blois en 2024, notre famille politique fêtera son centenaire de présence permanente dans la vie politique nationale au service de ses convictions fortes, que ce soit en matière institutionnelle au service de la démocratie, dans le champ social au service de la justice sociale ou enfin en faveur de la construction européenne, en réponse au nationalisme et à la xénophobie.
Cela tombe bien enfin, parce que nous sommes encore à trois ans de la prochaine élection présidentielle, en 2027. Nous savons qu’à cette date, nous attend un combat décisif contre le Rassemblement National et l’extrême droite. Nous connaissons parfaitement la loi électorale présidentielle et ses conséquences. Nous savons que notre responsabilité vis à vis d’une éventuelle victoire de l’extrême-droite imposera à l’actuelle majorité présidentielle de s’y présenter rassemblée au risque de se voire éliminée dès le premier tour.
Mais il n’y aura pas d’union de la majorité présidentielle en 2027 sans un accord profond sur le projet politique à présenter, ensemble, aux Français. Encore faut-il que chaque composante de la majorité présidentielle fasse le travail d’exprimer clairement quel sera son projet politique. Et c’est maintenant que ce travail doit être fait.
J’entends les critiques affirmant que ce travail programmatique pourrait gêner l’action du gouvernement actuel. Commençons d’abord par faire ce travail et oui, François BAYROU a raison de dire que sur certains sujets, nous avons des divergences avec la pratique gouvernementale depuis sept ans.
Lesquels ? Ce sera éventuellement à notre Congrès de le dire publiquement dans le cadre du débat que doivent organiser nos dirigeants.
Je ne m’exprimerai donc, seulement, à titre personnel pour donner quelques exemples de mes divergences.
Je ne suis pas d’accord avec la politique fiscale menée par le gouvernement depuis sept ans, que ce soit sur le recul de l’autonomie des collectivités locales, ou le refus d’imposer plus lourdement les plus riches de nos concitoyens.
Je ne suis pas d’accord sur le report permanent de l’introduction de la démocratie dans notre loi électorale avec la proportionnelle et d’une refonte démocratique de nos institutions avec un rééquilibrage urgent entre les pouvoirs du Président de la République et ceux du Parlement (49.3, dissolution de l’Assemblée Nationale, etc.). Je vous invite à relire les deux chroniques que j’ai écrites à ce sujet (http://jeandionis.com/blog/changer-constitution et http://jeandionis.com/blog/changer-constitution-partie-ii)
Enfin, je suis d’accord avec François Bayrou pour alerter sur la distance croissante entre Paris et la Province. A ce titre, le symbole que représente l’absence de ministres du sud de la Loire parmi les 15 ministres d’Etat est ravageur et j’estime que le MoDem doit être porteur d’une nouvelle réforme de déconcentration et décentralisation des pouvoirs en France.
Y a-t-il un drame à reconnaître nos divergences sur ces sujets certes importants, mais qui, à mon avis, ne l’emporte pas sur le socle de convergences que nous partageons avec nos autres partenaires de la majorité (Europe, économie sociale et libérale, etc.) ?
Je ne le pense pas et je pense même exactement le contraire.
Oui, il y a urgence pour les familles constitutives de la majorité présidentielle (Renaissance, Horizons, Modem, etc.) de se remettre au travail idéologique et programmatique.
Alors au travail ! Vive le débat contradictoire au sein du Modem et au sein de la majorité présidentielle !
Nous ne redeviendrons attractifs qu’au prix de cet effort de refondation de nos convictions profondes dans la modernité de la décennie 2020-2030 !
Tous à Blois, chers collègues, pour décider ensemble du visage du MoDem 2024 !
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Jean Dionis
Maire d’Agen
Président du MoDem 47
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