Réforme territoriale : Et si on redevenait sérieux ?

La cause de la plupart des malheurs de la France est maintenant diagnostiquée, Alléluia !, le mal est identifié et grâce à notre gouvernement que le monde entier nous envie, ce mal sera bien tôt éradiqué. Ce mal , ç’est le …..mille-feuilles territorial français ! déficit du budget et des comptes sociaux, compétitivité industrielle faible, commerce extérieur en déficit structurel , tout cela aurait quelque chose à voir avec le fameux mille-feuille.

Passons sur le fait qu’il assez difficile de diaboliser ce qui porte le nom d’une pâtisserie sympathique et par contre, essayons d’être sobre et sérieux sur cette affaire d’administration territoriale de la France. Cela changera d’un gouvernement qui a littéralement enfumé tout le monde des élus locaux et au-delà, depuis le discours de politique générale de Manuel Valls et l’interview du Président de la République relayé en bouquet final par le secrétaire d’Etat à la réforme territoriale, André Vallini, qui n’a pas molli en annonçant qu’une telle réforme permettrait d’économiser –soyons fous – une somme «annuelle de 12 à 25 milliards d’euros » sur un budget total de 250 milliards d’euros. Cela permettra de « supprimer les doublons, raccourcir les circuits de décision, simplifier les démarches, rationaliser la présence et la qualité des services sur les territoires » a expliqué avec passion M.Vallini.

Et si, maintenant, nous étions sérieux ?

Commençons par les faits et reprenons les annonces de M.Valls faites le 8 Avril devant l’Assemblée nationale. Elles sont triples :
- Diminuer le nombre des régions de 22 actuellement à 11.Nouvelle carte établie au 1er Janvier 2017
- Des intercommunalités plus grandes fondées sur les bassins de vie avec une nouvelle carte en vigueur pour le 1 er janvier 2018
- Suppression des départements à l’horizon 2021

Celles-ci ont été complétées et corrigées par le Président de la république dans son entretien radio du 6 Mai 2014. Celui-ci demande à son premier Ministre d’accélérer le calendrier de la réforme territoriale rappelé ci-dessus et envisage le report des élections cantonales et régionales prévues en 2015 d’une année, c’est à dire pour 2016.

Essayons-nous maintenant à une analyse d’opportunité de ces trois annonces et de ce calendrier :

1- La diminution de moitié du nombre de régions :

Les régions françaises sont – en population moyenne – à la moyenne européenne. Mais, elles sont de taille très différente entre l’Ile de France (12 millions d’habitants) et le Limousin (700 000 ha). Le rapport Raffarin-Krattinger cité par le premier ministre envisage donc une telle réforme. Il y a donc là un vrai progrès possible tant en matière d’économie de l’argent public et de la capacité d’initiative. Je pense donc qu’il faut être à priori favorable à cette initiative. Mais comme l’affirme Karl Popper le grand épistémologue viennois « Toute résolution de problème entraine l’émergence de problèmes nouveaux », l’augmentation de la taille des régions entrainera mécaniquement l’éloignement de la capitale régionale par rapport à ses administrés ainsi que des problèmes sensibles de choix de capitales régionales.
Car nos 22 régions actuelles ne sont pas tombées du ciel. Elles viennent directement du maillage urbain français. Je crains par exemple que le refus de choisir entre Bordeaux et Toulouse nous condamne à l’ineptie d’une région Aquitaine élargie à Charentes-Poitou et Limousin et à une région Languedoc fusion de Midi-pyrénées et du Languedoc actuel au détriment de la réalité culturelle et industrielle du Sud-Ouest qui doit rassembler Midi-Pyrénées et Aquitaine. Donc pour cette inititative, un a priori favorable mais une grande vigilance.

2 -Des intercommunalités plus grandes fondées sur les bassins de vie :

Là, rien de nouveau sous le soleil. La loi de Décembre 2010 du gouvernement Sarkozy est basée sur les mêmes principes. C’est une bonne loi qui a bouleversé en douceur et dans le bon sens le paysage administratif intercommunal . On nous annonce un relèvement des seuils en dessous desquels il ne pourrait y avoir d’intercommunalité. Ce seuil plancher serait relevé à 10 000 habitants. Là encore, mon à priori est favorable. Je dis donc : « Chiche ! » même si on déstabilise la carte toute fraîche du 1er janvier 2013 et que beaucoup d’élus ruraux sont perturbés par cette annonce.

3-Suppression des départements à l’horizon 2021 (ou plutôt):

C’est l’annonce majeure du plan gouvernemental….et j’y suis complètement opposé. D’abord parce qu’il y a une contradiction majeure à augmenter la taille des régions et en même temps à supprimer les départements qui permettent une gestion de proximité de ces grandes régions. Supprimons les conseils départementaux . Soit. Qui va faire le travail de gestion et de répartition fait par les élus départementaux ? les élus régionaux ? on ne gérera pas une région Aquitaine élargie à 6 millions d’Habitants à partir de Bordeaux ? donc des fonctionnaires supplémentaires au conseil régional ou dans les intercommunalités ? Où sont alors les économies bien incertaines, bien aléatoires que nous promet imprudemment M.Vallini.
Enfin et surtout, j’y suis opposé car je ne fais pas confiance aux élus des métropoles régionales – centrés, et c’est légitime, sur leurs problèmes métropolitains pour s’intéresser à la ruralité française. A Agen, nous sommes sans illusion sur ce point central. Bordeaux regarde souvent vers le large et la Mer, parfois vers Paris, le Sud et la côte basco-landaise, si rarement vers l’Aquitaine de l’Intérieur. Donc pour la suppression du Lot-et-Garonne, ç’est un non catégorique, M.Valls et les pseudo-sondages qui pour l’instant montrent une majorité de français favorables ne me perturbent pas le moins du monde. Je suis sûr de leur vote négatif lorsqu’ils seront vraiment consultés.

4- Le report des élections de 2015 à 2016 :
Remarquons tout d’abord que M.Valls envisageait de respecter le calendrier normal. C’est donc une initiative ultérieure de F.Hollande. Disons-le clairement. Une réforme globale comprenant les 3 points détaillés ci-dessus exigerait une modification de la constitution. Celle-ci passe par soit une approbation par les 3/5 du congrès, soit par référendum…Vue la popularité du gouvernement actuel, la voie est bien étroite. Bref, cela ne se fera pas ou au moins pas entièrement.

En conclusion, tout n’est pas à jeter dans les propositions de M.VALLS. Mais il est grand temps de revenir à une démarche réformatrice sérieuse : quels sont nos objectifs politiques ? les économies ?, certes, mais quid de la progression de la démocratie locale ? (par exemple, les quartiers dans les grandes villes) quels dispositifs d’évaluation ? (sérieux, solides pas 12 à 25 milliards d’économies au doigt mouillé). Mais, MM.Valls et Hollande sont beaucoup trop intéressés à éviter un deuxième naufrage socialiste en 2015 pour construire calmement, sereinement la grande réforme territoriale dont la France a besoin.

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