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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Notes de lecture : Le Royaume d’Emmanuel Carrère

Publication : 20/08/2018  |  18:06  |  Auteur : Webmaster

C’est Paul, mon fils aîné qui me mit sur la piste de ce livre : « Lis ce livre, Papa. Il te parlera, à toi » me dit-il en me tendant son exemplaire du « Royaume » d’Emmanuel Carrère, un pavé de 400 pages (Edition P.O.L).

Je pris le livre et mécaniquement parcourus le résumé de la page de verso :

« Au moment de ma vie, j’ai été chrétien. Cela a duré trois ans. C’est passé. Affaire classée alors ? il faut qu’elle ne le soit pas tout à fait pour que vingt ans plus tard, j’ai éprouvé le besoin d’y revenir. Ces chemins du Nouveau testament que j’ai autrefois parcourus en croyant, je les parcours aujourd’hui, en romancier ? en historien ? Disons en enquêteur »

Mon fils me connait bien. Il sait que, bon an, mal an, j’ai construit mon parcours de vie avec pour boussole, la confiance dans le Dieu des Chrétiens et que donc qu’il y avait chez moi, dans ce défi d’investigation que se lançait Emmanuel Carrère,  un écho très fort qui murmurait « attention, cette démarche peut être, pour toi, existentielle et  donc dangereuse ».

En me lançant dans « le Royaume » et en y suivant Emmanuel Carrère, J’ai décidé de prendre le risque de l’investigation des sources de ma foi, comme je ne l’avais pas fait depuis longtemps. Honnêtement, Emmanuel Carrère commence par nous situer la genèse de cette investigation dans son parcours personnel : la panne dans son parcours prometteur d’écrivain, la Crise majeure qu’il traverse, les dialogues exceptionnellement profonds qu’il entretient, alors, avec sa marraine, mystique un peu perchée, avec son ami de toujours, le bonheur d’être croyant, la fécondité qui accompagne ce bonheur, puis le délitement progressif de cet élan, la foi qui s’use et s’efface… et au bout de ce parcours existentiel, de cette crise personnelle, la volonté, la soif de faire la vérité ou au moins sa vérité sur cette histoire si extraordinaire qu’est le christianisme à laquelle se rattache de plus ou moins loin le quart de l’humanité.

L’enquête pouvait commencer.

Une bonne enquête commence par la vérification des sources. En bon enquêteur, Emmanuel Carrère va nous amener sur les traces de deux des personnages sources du Christianisme : Paul d’abord, Luc enfin. Les actes des Apôtres, les lettres de Saint Paul, dans les années 50-60 vont être, avant les quatre Evangiles, les premières sources incontestables concernant des évènements, la vie, la prédication et la mort de Jésus-Christ, ayant eu lieu 20 à 30 ans plus tôt.

Emmanuel Carrère, avec talent, va apporter à l’investigation son érudition d’exégète et d’historien et…(c’est à la fois la puissance et la limite de son approche) toute l’imagination du romancier.

Finalement, l’enquête doit répondre à une première question simple, officielle celle-là : « Pourquoi le feu a pris ? Ou comment le christianisme est passé en moins de 300 ans de la réalité d’une petite secte juive ésotérique à celle d’une religion à dimension universelle ? »

Mais ce qu’Emmanuel Carrère ne dit pas, ce que l’enquête porte sur une deuxième question beaucoup plus vitale pour notre monde d’aujourd’hui :« Pourquoi, 2000 ans après, y a-t-il encore tant de chrétiens ? Pourquoi le Feu couve-t-il encore ? Et peut-il redémarrer ? »

Sur la première question, le livre est passionnant. Emmanuel Carrère contextualise avec talent l’arrivée du christianisme : Un polythéisme officiel à bout de souffle auquel personne ne croit plus dans un empire Romain d’ailleurs très tolérant avec les Dieux étrangers et qui fait bien la différence entre la RELiGIO (ce qui doit relier faire lien social, le culte à l’Empereur) et la SUPERSTITIO (les convictions intimes), un judaïsme qui intrigue et intéresse, au-delà  de ses frontières traditionnelles,bien des esprits mûrs pour le monothéisme.

Il pointe trois dates clés :

  • 64 après JC, la première persécution de masse des chrétiens condamnés pour « haine du genre humain » qui soude et mobilise les premiers chrétiens.
  • 70 après JC, la destruction du Temple de Jérusalem au terme de l’écrasement de la révolte juive par l’empire Romain qui facilite la dissociation entre judaïsme et christianisme
  • 313 après JC, Edit de Milan promulgué par l’empereur CONSTANTIN qui  permet aux chrétiens de ne plus devoir vénérer l’empereur comme un dieu et qui va lui permettre de devenir la religion officielle de l’Empire.

Il trace en bon enquêteur les débats fondateurs du christianisme :

  • Une bonne Nouvelle pour les Juifs ? Universelle ?
  • Et donc quelle place pour la Loi Juive ?
  • Et surtout , que retenir de Jésus ? sa résurrection ? sa vie terrestre ? son enseignement : l’amour du prochain, le pardon,……

Il met en scène, dans ces débats, Paul soupçonné d’être «  le faiseur de mythes » par sa puissance théologique et Luc, partagé entre Paul et les universalistes et Jacques et les judaïsants… et la tentation bien humaine de romancer cette histoire extraordinaire.

Passionnant.

Mais toute bonne enquête doit produire ses conclusions, consignées dans un rapport d’enquête, remis au commanditaire de l’enquête.

J’imagine la conclusion qu’aurait pu écrire notre Enquêteur :

« Monsieur mon commanditaire, vous trouverez ci-joint le rapport d’enquête que vous m’avez demandé. En ce qui concerne les raisons et les circonstances de l’incroyable propagation du christianisme lors de ses débuts, les faits –eux au moins – sont à peu près établis. Chacun pourra ensuite en disposer, en les respectant, pour forger ses convictions profondes sur cet incendie intellectuel et religieux rarissime, mais pas unique (Pensons à l’Islam desVIIièmes au Xièmes siècles )

Reste la deuxième question. Difficile de nier que deux mille ans après, le feu couve encore quand un homme sur quatre se dit chrétien (certes, plus ou moins, mais quand même).

Dans l’état de nos connaissances actuelles, dont nous savons maintenant qu’elles sont infimes, il n’est pas surprenant que la foi en un Dieu Créateur s’enracine. Elle est aujourd’hui redevenue légitime. Plaider l’absence de ce Dieu créateur est à la fois difficile et désespérant.

Reste le mystère Jésus, dont on ne peut que constater la permanence du pouvoir d’attraction. Au terme de l’enquête que je viens de conduire, je me dois de reconnaître que je n’ai pas beaucoup avancé. Je n’ai pas caché mes convictions : je ne crois pas à la résurrection du Christ.Mais pourquoi tant de femmes et d’hommes y croient encore ? Franchement, je ne sais pas et cela me remplit d’un effroi respectueux.

Est–ce que le feu peut redémarrer ? Tout se jouera autour d’une question posée par Jésus à chacun d’entre nous ? « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Le feu redémarrera si un nombre croissant d’entre nous, répond, comme Pierre : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »

Quant à moi, et je me dois de reprendre, içi, la dernière phrase de mon rapport,

Je ne sais pas.

En espérant,Monsieur le Commanditaire, ne pas vous décevoir ainsi, …… »

Ps : lisez ce bouquin. C’est un grand livre.

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Les réactions

Avec tout le respect qui lui est dû, je ne reconnais pas à l’auteur le titre d’exégète car il faut être expert des langues anciennes (ebreu, araméen, grec ancien...) pour expurger le sens de ces textes ce qui n’est pas son cas ayant fait appel à un exégète pour l’étude de l’evangile de Marc.

Le Royaume est une construction très intéressante mais qui repose partiellement sur du sable pour ce qui est de Saint Jean. Je m’explique: l’Evangile de Jean est bien celui du disciple que Jesus aimait, mais ce n’était pas Jean fils de  Zebedee qui était illettré et qui serait mort à peu près à la même époque que l’apôtre Jacques. Il faut se référer au travail d’exégèse publié dans « l’Evangile du treizième apôtre » de  Michel  Benoîts pour qui des quatre évangélistes, ce disciple (et non apôtre)qui se prénommait aussi Jean est le seul à avoir connu et côtoyé Jesus. 

Je n’aI aucune prétention, mais la couleuvre est trop grosse à avaler: un pêcheur parlant araméen, de plus illettré et mort prématurément ne peut avoir écrit quoique ce soit 

Cordialement

Pierre GLOWACKI 

 

 

 

 

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