Pardon d’entrée pour cette allégorie sportive. Mais je suis Agenais et notre culture est, aussi, celle du rugby. Et spontanément, ce sont les images, les mots de ce sport qui me viennent à l’esprit lorsque je pense au combat que livre notre pays contre l’épidémie de coronavirus.
Nous le sentons tous : la première mi-temps, le premier acte, celle qui a vu s’enchaîner le choc épidémiologique, son explosion dans l’Est et l’île de France, les décisions publiques successives de confinement, ces sept semaines de confinement…et à la fin la stabilisation, puis le reflux à la fois dans le nombre de nouveaux cas détectés, mais aussi dans celui des lits de réanimation mobilisés pour cette maladie, cette première mi-temps se termine.
KO évité. De justesse.
…Oui, nous sommes passés près, très près du KO. Mais ensemble, le pays a tenu bon. Merci d’abord à celles et ceux qui étaient au front, à nos soignants. Merci aussi à l’Arrière et à toutes les femmes et les hommes qui ont rendu notre vie de confinés possible et supportable.
Et maintenant ? J’ai écouté le Premier ministre dire, avec gravité, dans son discours de présentation de la stratégie nationale de déconfinement mardi dernier : « Mesdames et Messieurs les députés, la France est face à un de ces moments où ceux qui l’aiment et la servent doivent être à la hauteur. Nous devons protéger les Français sans immobiliser la France au point qu’elle s’effondrerait. C’est une ligne de crête délicate qu’il faut suivre. Un peu trop d’insouciance et c’est l’épidémie qui repart. Un peu trop de prudence et c’est l’ensemble du Pays qui s’enfonce. ».
Avancer prudemment sur une ligne de crête…
Cette phrase décrit exactement la situation que nous allons devoir affronter.
D’abord de la prudence, à tous les niveaux, dans la réouverture de nos écoles, de nos commerces, de nos bus…
Cette exigence de prudence passera d’abord par le respect des gestes barrière et le port fréquent du masque dans l’espace public, et soyons clairs, tout cela, très étranger à notre culture occidentale, nous demandera un gros effort d’adaptation de nos comportements quotidiens, surtout avec l’arrivée des premières chaleurs estivales.
La prudence sera aussi dans le fameux duo « tester-isoler ». Avec, enfin, la montée en puissance de nos capacités de test (le Premier ministre nous parle d’une capacité de 700 000 tests par semaine), nous allons enfin pouvoir mener une stratégie de prévention active autour des nouveaux cas détectés. Là encore le Premier ministre a été clair : « Dès lors qu’une personne aura été testée positive, nous engagerons un travail d’identification et le test de tous ceux, symptomatiques ou non, qui auront eu un contact rapproché avec elle. Tous ces cas contacts seront testés et seront invités à s’isoler, compte tenu des incertitudes sur la durée d’incubation. »
Perspective claire,… mise en œuvre très lourde sur les épaules des tâcherons de la lutte contre l’épidémie que sont les Maires et les Préfets.
Constituer les brigades de détection, identifier les contacts des personnes testées positives et trouver pour chacune d’entre elles des solutions humaines de quarantaine, d’isolement…Cela risque d’être le pain noir du quotidien des Maires pendant les semaines à venir.
La prudence, enfin, sera dans une attitude obsessionnelle d’observation des faits et non pas de projections de ces désirs quant à l’évolution de l’épidémie : Un 2ème pic épidémiologique est possible. A nous d’en détecter le plus vite possible, les premiers signes avant-coureurs pour prendre (ou reprendre) les mesures, sans doute sévères, pour en limiter l’impact.
Mais avancer et dire avec Paul Valéry, « le vent se lève ! Il faut tenter de vivre ».
Avancer, c’est rouvrir nos écoles et Dieu sait que cela sera forcément compliqué.
Avancer, c’est accompagner la réouverture, elle aussi compliquée, de nos commerces.
Avancer, c’est vivre à la fois le bonheur de nos services publics qui redémarrent un à un : nos parcs, nos jardins, la bibliothèque, le musée, …et l’angoisse d’une rechute.
Oui, Avancer prudemment sur un chemin de crête avec en tête les deux romans, celui d’Albert Camus « la Peste » qui nous retrempe dans les exigences de la lutte contre l’épidémie invisible, mais aussi « les raisins de la colère » de John Steinbeck qui nous rappelle les risques et les souffrances d’un effondrement économique.
Le Maire d’Agen que je suis s’apprête à vivre cette deuxième mi-temps avec optimisme, avec détermination, mais les yeux grands ouverts.
L’Histoire et la Géographie de cette épidémie, mais aussi tous les efforts faits par les Agenais ont fait que pour le moment notre ville a été relativement épargnée par cette épreuve.
A chacun de nous de prendre en main cette deuxième mi-temps risquée de sortie du confinement.
Ensemble, avançons prudemment sur le chemin de crête qui nous emmène …à nouveau vers les jours heureux.