Les Conseils Généraux à la croisée des chemins

Je ne suis pas conseiller général. J’ai essayé de l’être…..en vain (quelques voix m’ont manqué en 1998) au début de mon parcours politique, il ya 15 ans. Mais les différents mandats politiques que j’ai assumés pendant ce parcours (Maire, Président de Communauté d’agglomération, conseiller régional, député) m’ont permis d’observer de très près cette institution clé de notre vie locale, que ce soit, chez nous en Lot-et-Garonne ou dans d’autres départements de France et je perçois très clairement la croisée des chemins à laquelle se trouve maintenant cette institution.

A droite du carrefour, le Conseil Général restera le chef de file de tous les territoires qui le composent. Il jouera notamment clairement un rôle de coordination des communautés d’agglomération et des communautés de communes qui le structurent. Gérard Gouzes, mon collègue Maire de Marmande, a une belle image pour baptiser ce chemin : « Le département, Sénat des Intercommunalités ….. ». Reste à organiser intelligemment l’effacement progressif du canton, aujourd’hui réduit au rôle étroit de simple circonscription électorale au profit des différentes intercommunalités qui devront, elles, être les futures circonscriptions électorales départementales.

A gauche du Carrefour, le Conseil général deviendra un simple satellite sectoriel du Conseil régional, auquel la Région déléguera un ensemble de compétences médico-sociales(personnes âgées, handicap, insertion par l’économie…..) ainsi que scolaires (les collèges….jusqu’à quand ?) et routières. Il se spécialisera très vite sur ce bloc de compétences et abandonnera de fait toute ambition de stratégie et d’animation quant au développement économique, social et environnemental du territoire départemental.

La loi du 16 décembre 2010 – avec l’accélération du maillage intercommunal et la création du conseiller territorial, qui rapproche Conseil général et régional – porte en elle les deux logiques, les deux chemins décrits ci-dessus. Mais ces chemins sont exclusifs, car les conseils généraux n’auront jamais l’argent pour tout faire. Bref, il va falloir choisir.

Notre Conseil général de Lot-et-Garonne, son Président Pierre Camani et sa majorité, sans le dire, peut-être même sans le vouloir clairement, s’engagent dans la deuxième voie, celle de l’abandon du pilotage stratégique départemental et celle de la spécialisation restreinte sur le bloc de compétences obligatoires départementales.

Au-delà des discours, les actes ne trompent pas : proposition de réduction de l’aide aux communes en investissement de 7 M€ annuels à 4,3 M€ (avec baisse des plafonds de chaque régime pour pouvoir continuer à saupoudrer sur le même nombre de communes….. logique sénatoriale, quand tu nous tiens !!!!!), refus de s’engager sur des projets économiques structurants comme la technopole de Sainte-Colombe en Bruilhois, aucun projet de développement cohérent unissant le département et ses principales villes et notamment sa capitale départementale, Agen.

A ce rythme, je ne donne pas longtemps au Conseil général de Lot-et-Garonne pour se recroqueviller dans un rôle bien mince d’Agence départementale du Conseil Régional dans les domaines médico-sociaux, scolaires et routiers.

Ce Chemin, je ne l’aime pas et je n’en veux pas. J’aime Bordeaux, ma capitale régionale pour son rayonnement et sa force d’entraînement. Mais je n’ai pas de honte à dire qu’en ce qui concerne le développement du Lot-et-Garonne, nous ne serons jamais mieux servis que par nous-mêmes. Bref, je suis départementaliste et fier de l’être. Encore faut-il l’être de manière moderne…..

J’ai eu la chance de faire mon apprentissage de ma vie politique sous la dure férule de Jean François-Poncet. Nos relations, c’est un secret de polichinelle, ne furent pas un long fleuve tranquille (lire ma chronique à ce sujet, http://www.jeandionis.com/blog.asp?id=15288 ). Mais JFP a fait du Conseil Général un véritable outil de développement socio-économique. La création de l’antenne universitaire d’Agen (à parité à la Ville d’Agen), l’installation de l’ENAP (en accompagnement de la Ville d’Agen), l’Agropôle (avec la CCI47), le Parc d’attractions Walibi, la navigation fluviale, l’irrigation collinaire pour nos agriculteurs (avec la Chambre d’Agriculture) sont parmi les initiatives d’un Conseil Général, véritable aménageur de son territoire, véritable chef d’orchestre des collectivités territoriales lot-et-garonnaises, avec notamment un véritable projet pour sa capitale Agenaise……

Depuis 4 ans et demi, quelqu’un est-il capable de me citer une initiative de ce niveau-là prise par la majorité actuelle du Conseil Général ? Quelqu’un est-il capable de me dire quel est le projet du Conseil général pour sa capitale Agenaise, si ce n’est de mettre au pain sec budgétaire la Ville d’Agen sans doute coupable……de mauvaise sensibilité politique !

Alors, c’est vrai…. les temps changent et la nostalgie n’est pas bonne conseillère. Il faut que le Conseil général ose faire du neuf et ne se contente pas de mettre des rustines sur des régimes d'aide à bout de souffle.

Je propose qu’il passe un contrat de territoire avec chacune des intercommunalités du département, qu’il se concentre avec elles sur les projets structurants de chacun de ces territoires, qu’il confie aux intercommunalités le soutien aux projets communaux par le biais de fonds de solidarité intercommunaux financés par le Conseil général et négociés avec lui, sur le modèle innovant du Fonds de Solidarité territorial, mis en place par la communauté d’agglomération d’Agen.

Certes, la nouvelle loi de décentralisation annoncée pour 2013 par le nouveau gouvernement fixera un cadre qui s’imposera à tous. Mais encore faut-il que les conseils généraux fassent pour eux et leurs administrés le choix du développement et de l’autonomie.
Alors ???? Au Conseil général, aussi, le changement, c’est pour quand ?

@+

Jean Dionis