C’était prévisible.
Le gouvernement de Michel Barnier est tombé par le vote d’une motion de censure adoptée par une alliance honteuse de la gauche et du Rassemblement National, le mercredi 4 décembre.
J’ai vécu ce vote avec tristesse, car Michel Barnier avait eu le courage de s’attaquer à l’essentiel concernant la France de 2024 : amorcer le redressement de l’État et de ses finances lourdement dégradées. Il l’a fait alors que sa situation politique était fragile. Je tiens à saluer le sens de l’intérêt général, de l’honneur, ainsi que le courage dont Michel Barnier et ses ministres ont fait preuve pendant leur court ministère.
Mais la chute du gouvernement Barnier plonge la France dans l’incertitude et la confusion, et nous risquons collectivement de payer très cher cette crise politique (lire ma dernière chronique en cliquant ici). Cette crise est clairement un luxe que la France affaiblie de 2024 ne peut pas se permettre. Il y a donc urgence à en sortir.
Et pour cela, se poser une question simple : Et maintenant (après la censure du gouvernement de Michel Barnier), que faire ?
D’abord, revenir à la dernière expression démocratique de la volonté populaire, celle du deuxième tour des législatives de juillet 2024 : revenir à un gouvernement de « Front Républicain ».
Ces élections ont produit l’Assemblée nationale actuelle, avec ses trois grands blocs, ses groupes parlementaires, dans un contexte politique structuré autour d’une question simple : voulez-vous confier le pouvoir au Rassemblement National ? … et ce fut la constitution du Front Républicain, avec des désistements très fréquents aboutissant, dans la plupart des circonscriptions, à des duels autour de la question claire de l’accession du Rassemblement National au pouvoir.
J’appelle donc de mes vœux, depuis juillet 2024, ce gouvernement de Front Républicain (lire ma chronique de juillet 2024).
Tout le Front Républicain ? Oui, de LR à droite, au PS et aux écologistes à gauche, en passant bien sûr par le bloc central (Ensemble pour la République : Renaissance, Modem et Horizons). Il faut clairement acter que cette alliance doit exclure La France Insoumise, qui, d’ailleurs, s’est mise d’elle-même hors-jeu de cette démarche, en s’en tenant à une stratégie de censure systématique, de refus de compromis avec les autres forces démocratiques, et dans la recherche à tout prix de la démission du Président de la République.
Vœu pieux que ce gouvernement de Front Républicain ? Non, car enfin, les lignes bougent à gauche, et le PS a, la semaine dernière, enfin envoyé quelques signaux d’autonomie par rapport à l’alliance mortifère dans laquelle il s’est enfermé avec La France Insoumise.
Ensuite, et enfin, choisir un Premier ministre capable d’incarner ce gouvernement de Front Républicain.
Vous me ferez remarquer, avec justesse et une pincée d’humour, que c’est la responsabilité exclusive du Président de la République. Mais c’est aussi un débat citoyen. Pour que ce gouvernement ait une chance d’être utile au pays, il faut à la fois qu’il ait le soutien des 15 millions d’électeurs qui ont refusé l’accession du RN au pouvoir et qu’en même temps, il sache respecter les 11 millions d’électeurs et leurs représentants qui ont précisément voulu confier ce pouvoir au RN.
J’espère donc un Premier ministre capable de construire une équipe rassemblant toutes les sensibilités du Front Républicain tel que décrit ci-dessus.
Et je vous mentirais par omission si je vous cachais que j’espère qu’Emmanuel Macron choisira François Bayrou comme Premier ministre. Je sais que la longue amitié que j’entretiens précieusement avec lui me rend suspect de partialité dans cette appréciation.
Mais même en faisant un effort de froide lucidité, je crois sincèrement que l’intérêt général du pays commande d’appeler François Bayrou à ces responsabilités.
Tout son parcours politique a été construit autour de deux idées-forces : l’indépendance du Centre par rapport à la gauche et à la droite, et la conviction de la nécessité du dépassement du clivage droite/gauche, ainsi que son corollaire : la conviction que l’on pouvait faire travailler ensemble des femmes et des hommes de droite, de gauche et du centre. Ces convictions le qualifient directement pour incarner le Front Républicain tel que défini ci-dessus.
J’ajoute qu’il a toujours respecté le Rassemblement National, comme un adversaire politique légitime. En témoigne le parrainage donné par François Bayrou à Marine Le Pen pour la présidentielle 2022. Car, pour François Bayrou, un adversaire politique se combat dans les urnes et non par des manœuvres d’empêchement.
Enfin, François Bayrou a été un des soutiens décisifs du Président de la République dès le début de son ascension politique en 2017. Et, quoi qu’on en dise, tant que nous serons en Cinquième République, il est indispensable que le tandem Président de la République/Premier ministre fonctionne.
Nous n’avons plus longtemps à attendre. Le Président de la République va choisir en début de semaine. Il n’a plus le droit à l’erreur.
Puisqu’il s’agit d’un gouvernement de « personnalités » allant de la droite à la gauche… le centre me paraît être une option… raisonnable.
@+,
Jean Dionis, Maire d’Agen