Discours de Jean DIONIS DU SEJOUR, porte-parole du Groupe UDF, sur le projet de loi modifiant l’article 1-1 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications.
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Nous voici face à un projet de loi dont le rapporteur, notre collègue Jean Proriol, disait à juste titre qu’il était minuscule dans sa forme mais gigantesque dans sa portée. Pour réformer en profondeur, nul besoin de texte pléthorique : le principe d’efficacité (le minimum de causes pour le maximum d’effets) inspire l’action pragmatique du gouvernement et la votre, Madame la ministre et je vous en félicite.
Cela étant, puisque les marges d’amélioration du texte par le parlementaire sont considérablement réduites du fait de la nature même du texte, profitons de la discussion générale pour resituer celui-ci dans son cadre plus global, qui est celui de l’avenir de France Télécom et de la politique gouvernementale dans le domaine stratégique pour la nation des télécommunications et des nouvelles technologies. Car, il est clair que ce texte n’est qu’un des moyens d’action, une des étapes retenues pour atteindre les objectifs annoncés tant en ce qui concerne l’avenir de France Télécom que celui de la politique NTIC du gouvernement.
Nous espérons donc que le gouvernement et le management de France Télécom seront attentifs aux propos qui seront tenus dans cette discussion générale.
Où va France Télécom ? Et que veut l’Etat, son actionnaire principal ?ce sont finalement les deux seules questions qui vaillent dans notre discussion de ce soir.
Où va France Télécom, d’abord ? C’est finalement une des deux questions que se posent ses 220 000 salariés, ses 1,6 millions d’actionnaires et …l’ensemble des contribuables français.
Et la question est légitime, tant la situation de l’entreprise est contrastée. Citons juste 4 chiffres :
*D’un côté, 68 Milliards d’Euros de dette et une perte nette de 20, 7 Milliards au 31/12/2002. Parlons franchement, si l’Etat Français n’avait pas été l’actionnaire principal de l’entreprise, celle-ci n’aurait peut-être pas survécu à la crise financière de cet été.
*De l’autre, un chiffre d’affaires consolidé de 46,6 milliards d’euros en hausse de 8,4 % et un résultat d’exploitation de 6,8 Milliards d’euros en hausse de 30, 9 % qui montrent bien que France Télécom est une entreprise d’avenir si elle sait dépasser la crise financière qui l’étouffe.
A la question de l’avenir de France Télécom, Thierry Breton, nouveau PDG de France Télécom, a apporté le 4 Décembre une réponse globale et courageuse, baptisée Ambition FT 2005. Celui-ci s’articule autour de trois axes principaux qu’il est bon de rappeler à ce niveau de la discussion :
Un programme d’amélioration opérationnelle "TOP" permettant de dégager plus de 15 Mds d’euros de disponibilités qui seront affectées à la réduction de la dette ;
- Un renforcement de la structure financière du Groupe avec le plan "15+15+15" :
- 15 Mds d’euros grâce à TOP,
- 15 Mds d’euros de renforcement des fonds propres, l’Etat actionnaire participant à hauteur de sa participation soit environ 9 Mds d’euros,
- 15 Mds d’euros de refinancement de la dette du Groupe ;
- Une stratégie ayant pour priorité la « satisfaction-client » et une gestion opérationnelle intégrée d’un portefeuille d’actifs leaders sur leurs principaux marchés avec des marques fortes comme France Télécom, Orange, Wanadoo et Equant. Les actifs en position stratégique et financière faible, ou ceux pour lesquels un contrôle majoritaire est impossible auront vocation à être cédés.
Le cadre étant posé, il est légitime que la représentation nationale débatte, ce soir, de ce plan puisque nous ne l’avons encore jamais fait, ni dans la discussion budgétaire, ni après.
Pour notre part, le plan d’action consistant au renforcement des fonds propres de FT est indiscutable. Quand on a 68 Milliards d’euros de dettes, le seule moyen de rééquilibrer son compte de bilan et de recréer la confiance des marchés, c’est bien pour les actionnaires actuels, et donc en premier lieu l’Etat, de remettre la main au portefeuille et d’amener des fonds propres. Nous approuvons donc sans réserves ce volet du plan Ambition 2005.
Le montage financier choisi par l’Etat pour remplir ses obligations d’actionnaire principal de France Télécom ne nous pose pas de problèmes. Nous savons tous que le transfert de la participation de l’Etat dans France Télécom à un établissement public à caractère industriel et commercial, en l’occurrence l’ERAP, vise à rendre conforme le renforcement des fonds propres de France Télécom par l’Etat à hauteur de 9 milliards d’euros aux règles européennes instituées par le Traité. La démarche d’ « investisseur avisé » mise en avant pour justifier cette procédure devrait permettre à l’Etat français d’être « euro-compatible » si l’on se réfère à l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes.
Le groupe UDF approuve donc, et le volet du plan Ambition FT 2005 concernant le renforcement des fonds propres de FT et le mode opératoire choisi par le gouvernement. Madame la Ministre, nous voterons donc sans réserve pour ce texte.
Et pour notre part nous trouvons pour le moins déplacées les leçons que nous donne sur ce sujet l’opposition. Il reviendra à la Commission d’enquête parlementaire d’établir les responsabilités dans la constitution de la dette aberrante de France Télécom qui menace de l’étouffer aujourd’hui mais les questions peuvent déjà être posées. Où était donc passé l’Etat actionnaire dirigé par le Gouvernement socialiste dans la période 1999 – février 2001 ? Quel contrôle a-t-il assuré sur le management FT ? La réponse est malheureusement claire : l’Etat actionnaire était le plus souvent aux abonnés absents. Parfois en imposant son idéologie archaïque lorsqu’il impose en mai 2000 les modalités du rachat d’Orange (41,5 Mds d’euros) par emprunt pour ne pas descendre en dessous du seuil sacro-saint de 50 % de participation de l’Etat dans l’entreprise. L’Etat socialiste a failli à sa mission d’actionnaire majoritaire et cette faillite a coûté très cher à la France. Ce soir donc nous ne nous cacherons pas derrière notre petit doigt, nous n’aurons pas peur de l’adverbe « indirectement » et pour être encore plus précis nous ne faisons pas d’une participation majoritaire de l’Etat dans le capital de France Télécom un tabou sacro-saint. Nous sommes prêts à une discussion à ce sujet pourvu qu’elle soit au service d’une politique d’avenir en ce qui concerne le secteur des NTIC au niveau national et en ce qui concerne plus précisément l’entreprise France Télécom.
Cela dit clairement, le reste du plan Ambition 2005 nous pose plus de problèmes et disons le franchement nous n’arrivons pas à croire aux 15 Milliards d’euros du programme d’amélioration opérationnelle, nous le pensons même dangereux et nous trouvons trop timide les 15 Milliards d’euros de refinancement de la dette. La pression mise sur l’opérationnel risque de casser l’élan opérationnel confirmé par les brillants résultats 2002 alors que la crise est d’abord financière et que justement les réponses financières sont très timides. Nous rejoignons en cela l’avis émis par la Commission Supérieure du Service Public des Postes et Télécommunications.
Nous n’allons bien sûr rentrer dans la centaine de chantiers qui composent le plan TOP. Mais ce soir, nous voulons exprimer clairement nos réserves et nos craintes sur le volet social et les volets investissements de ce plan.
En matière sociale, l’Etat doit d’abord exiger que France Télécom parle clairement. Car, force est de constater le flou qui entoure la démarche de l’entreprise en la matière. Trois points seulement ont été affirmés :
• Maintien du programme « congés fin de carrière » qui avec les départs naturels représenteraient la suppression de 20 000 postes.
• Mise en place d’une mission de mobilité par l’Etat pour favoriser le retour dans la fonction publique d’Etat
• Gel des recrutements jusqu’en juin 2003.
Ce plan doit absolument être clarifié et amélioré par la discussion avec les acteurs sociaux. Il y a aujourd’hui une véritable angoisse, qui peut devenir un vrai découragement, chez les femmes et les hommes qui font vivre France Télécom. Il faut y répondre clairement. Ces femmes et ces hommes ont depuis 1996 fait des efforts considérables. 65 000 d’entre elles ont changé de métier depuis 1996. Soit une personne sur 3 ! et elles l’ont fait avec succès, les résultats 2002 sont là pour le prouver.
Alors, il faut arrêter de les déstabiliser avec des discours qui sont des impasses et des contresens en matière de savoir-faire. Penser que les fonctions publiques pourront accueillir un nombre importants d’agents de France Télécom au moment où elles aussi cherchent à faire des économies, penser que les agents de France Télécom qui ont acquis dans la douleur un nouveau savoir-faire vont devenir spontanément des agents territoriaux, tout cela n’est pas réaliste et pour tout dire est un peu insultant à la fois pour les agents de France Télécom et pour ceux de la fonction publique. Il est temps d’abandonner clairement cette fausse bonne idée, sauf dans quelques cas de volontariats marginaux.
Nos réserves portent aussi sur les mesures annoncées dans le cadre du plan Ambitions FT 2005 en matière d’investissements. L’objectif annoncé est de ramener le niveau d’investissements en dessous de 7 Mds € par an soit 13 % du CA de France Télécom avec, pour atteindre cet objectif, la réduction des investissements en matière des réseaux longue distance, le report du lancement de l’UMTS par Orange et le ralentissement du déploiement des équipements nécessaires à ADSL. Sur ce point précis le rapprochement entre le plan RESO 2007 défendu par le Gouvernement et qui a notre soutien et le plan Ambitions FT 2005 est impératif. Que veut l’Etat en matière de politique haut débit ? L’objectif annoncé est d’avoir 10 millions d’abonnés haut débit dans les 5 prochaines années et parallèlement que chacune de 36500 communes de France puisse accéder à l’internet haut débit à l’horizon 2007.
Qui ne voit la contradiction majeure entre les objectifs politiques annoncés par le Gouvernement et la réduction des investissements contenus dans le plan FT 2005 ? Or, il ne faut pas se payer des mots. Le haut débit en France ça restera encore pour un bon nombre d’années majoritairement ADSL. Nous demandons donc au Gouvernement qu’il joue son rôle d’actionnaire majoritaire en obtenant de France Télécom le maintien d’une véritable priorité quant au déploiement progressif de l’ADSL sur l’ensemble du territoire national.
Nos réserves portent aussi sur « le 3ème 15 » du plan FT 2005. Il est étonnant, alors que la crise France Télécom est d’abord une crise financière, que le volet concernant spécifiquement la dette se résume aux seuls réaménagements de 15 Mds d’euros sur une dette de 68 Mds. Nous avons bien pris note et nous soutenons la politique du management de France Télécom qui consiste à conserver l’intégrité du Groupe telle qu’elle a été dessinée par Michel BON autour d’activités et de marques à la fois solides, connues et d’avenir que sont France Télécom, Orange, Wanadoo et Equant. Mais nous avons plus de mal à comprendre pourquoi France Télécom aujourd’hui en très grande difficulté financière se refuse à explorer la piste de la séparation des réseaux et des services. Aucun des arguments donnés à savoir l’intégration des activités des réseaux et des services, le fait que cela n’a été fait dans aucun pays, la spécificité des Télécoms par rapport aux RFF et la SNCF ou EDF et RTE. Aucun de ces éléments ne véritablement convaincant et nous pouvons craindre qu’il ne cache sa vraie motivation qui est de conserver un avantage concurrentiel difficilement compatible avec l’esprit des Directives européennes que nous aurons bientôt à transposer. Le Groupe UDF lors de la discussion du budget Postes et Télécommunications s’était déjà exprimé en faveur de la vente du réseau par France Télécom soit à l’Etat soit mieux encore à un ensemble de SEM régionales dont l’actionnariat pourrait rassembler l’Etat, les Conseils Régionaux et les Conseils généraux. Cette solution présente à notre avis des avantages majeurs. La vente de son réseau pourrait progressivement apporter à France Télécom une recette située entre 15 et 20 Mds d’euros lui permettant de diminuer de manière décisive son endettement. Elle permettrait donc la pratique d’une concurrence plus loyale, plus transparente et donc en finale bénéfique pour l’ensemble des acteurs du secteur des télécoms. Enfin, elle permettrait aux collectivités locales de se mobiliser dans le cadre des nouvelles dispositions adoptées en première lecture de la loi pour la confiance dans l’Economie numérique permettant aux collectivités territoriales d’être opérateur des télécoms pour l’atteinte de l’objectif fixé par le Premier Ministre dans le plan RESO 2007. Nous ne sous estimons pas les difficultés de la solution proposée mais comme le souligner le rapporteur du Conseil Economique et Social Monsieur André MARCON il s’agit là d’une véritable alternative ou plutôt d’une véritable inflexion au plan Ambitions FT 2005 permettant à la fois de ne pas casser la machine opérationnelle de France Télécom et l’atteinte des objectifs gouvernementaux contenu dans le plan RESO 2007. Nous demandons que le Gouvernement et le Parlement en liaison avec l’entreprise l’étudie sérieusement le plus rapidement possible.
Il importe maintenant de manière urgente de remettre de la cohérence entre le plan RESO 2007 d’une part et la Plan Ambitions FT 2005. Ce qui nous est proposé ce soir à savoir à terme l’augmentation des fonds propres de France Télécom de 15 Mds d’euros dont 9 en provenance de l’Etat répond clairement à chacun de deux plans. Il aura donc tout notre soutien. A nous de montrer de l’audace encore de l’audace et toujours de l’audace pour qu’il en soit de même au niveau du volet opérationnel et financier du plan Ambition FT 2005. Le Groupe UDF est prêt à prendre toute sa place au sein de la majorité présidentielle et à vos côtés Mme la Ministre pour accomplir cette tâche.
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