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Intervention dans l'hémicycle de Jean Dionis au sujet de l'amendement sur le prix du livre

Publication : 13/06/2008  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Mes chers collègues,
Nous voici arrivés à l'article 23, je voudrais m'exprimer sur l'amendement que j'ai déposé concernant la modification de la législation au sujet du prix unique du livre dont notre assemblée aura à débattre après l'article 23.

Étant donné son « succès » médiatique totalement inattendu, il n'est pas inutile de clarifier mes intentions en déposant cet amendement et d'expliquer la démarche que j'ai suivi avant d'arriver à son dépôt.
En continuité avec le travail effectué depuis 6 ans dans le domaine du commerce, j'ai été désigné porte parole de mon groupe le Nouveau Centre sur la Loi de Modernisation de l'Economie

Dans ce cadre, j'ai auditionné de nombreux acteurs de l'économie française concernés par cette loi, du monde de la grande distribution, des PME, des télécom, etc, et parmi ceux-ci, des acteurs de la filière du livre.

A cette occasion, j'ai appris avec etonnement que sur un total vendus d'environ 500 millions d'ouvrages imprimés en 2006 (source SNE), le total des livres invendus se situerait entre 80 et 100 millions.

Ce premier qui situe entre 16 et 20% le taux d'invendus est exceptionnellement élevé par rapport aux secteurs de l'économie montre pour le moins qu'il n'y a pas de régulation efficace en ce qui concerne les invendus dans ce secteur de l'économie.

Mais nos découvertes ne s'arrêtent pas là puisque selon les onformations que nous avons rassemblés, 30% des retours d'invendus sont remis en circuit (exportation, solderies, et stoc)

Cela donne une estimation, car, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il existe un silence pesant sur cette affaire, une estimation d'environ 70 millions de livres neufs détruits chaque année dans notre pays. (pilonnage systématique pour les poches, et plus restreint pour les livres illustrés)

Et bien, mes chers collègues, ce chiffre de 70 millions de livres neufs détruits cahque année dans notre pays, la découverte de cette réalité, m'ont profondément choqué.

Comment peut-on appuyer toute la justification d'une legislation spécifique sur la nature à part du livre et ne pas réagir à ce gaspillage massif.

Oui, le livre est un bien à part, il est un des supports de la culture.
Oui cette identité bien particulière mérite notre respect et jutifie une législation d'exception, mais alors ce respect doit se prolonger tout au long de la vie de ce bien.

Comment par exemple justifer la destruction de ces livres plutôt que leur distribution à titre gratuit à des familles ou à des associations nécessiteuses qui de toute façon n'auraient pas acheté ces livres dans les circuits commerciaux.

Face à cette situation, j'ai eu la volonté de diminuer ce nombre de livres invendus et détruits par une réponse simple appliquée à tous les secteurs de l'économie : les soldes.

Or la loi du 10 aout 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang », interdit dans son article V les rabais supérieurs à 5% pendant 24 mois après leur édition et dont le dernier approvisionnement remonte à moins de 6 mois.

Or, pour l'immense majorité des livres, leur durée de vie est courte puisqu'ils ne restent en moyenne que 3 mois en rayon et sont très souvent détruits par le pilon 12 à 24 mois après leur édition.

Ainsi, compte tenu de ce cycle de vie des livres, il me semble qu'autoriser des rabais supérieurs à 5% sur les livres douze mois après leur parution leur donnerait une seconde vie et baisserait le coût des livres sans pour autant nuire aux libraires.

C'est exactement le contenu de l'amendement que je vais défendre devant vous après l'article 23.

Cet amendement a suscité de très nombreuses réactions, certaines intéressantes et argumentées, notamment celle de Jean-Pierre Delbert, mon ami libraire à Agen mais aussi celle de Serge Eyrolles, président du Syndicat National de l'Edition.

Mais la plupart des réactions sont irrationnelles voire hystèriques et révèlent la crispation du monde du livre par rapport à l'évolution du contexte économique (montée en puissance de la vente neligne) et environnementale ( la sensibilité écologique des français en 2008 n'a rien à voir avec celles des années 80 date de cette loi).

J'ai été traité de député imbécile au cours d'une émission de radio, le pompon de l'hystérie est clairement pour Teresa Cremisi, PDG de Flammarion, qui a jugé mon argument digne d'un "évadé de l'asile de Charenton".

Je ne connais cette dame ni d'Eve ni d'Adam, mais j'imagine qu'elle doit être une écologiste exemplaire et une authentique démocrate!

Et maintenant?

J'ai écouté les arguments raisonnables et sérieux contre mon amendement : j'en retiens 2

1. Tout d'abord la part des livres de plus d'un an dans le CA des libraires n'est pas insignifiante (environ 50%)
Il est clair qu'ouvrir la possibilité de rabais importants sur cette partie de leur chiffre d'affaire présente pour eux un risque de déstabilisation

2. La baisse du prix de vente ne garantit une diminution des invendus que sur des secteurs limités de l'édition (grands livres, livres illustrés), elle n'est pas efficace pour les livres d'actualité et les livres de poche.

Cela dit, le dysfonctionnement dans le circuit de commercialisation du livre qui aboutit à un tel gaspillage inacceptable doit être dénnoncé et mes interlocuteurs n'ont pas proposé au débat de solution pérenne pour y mettre fin ou au moins pour le réduire de manière significative.

On ne peut pas être la génération du Grenelle de l'Environnement et tolérer ce type de gabegie, j'attends du gouvernement et de la filière du livre des actions correctrices.

C'est pour cette raison que dans quelques minutes, je porterai le débat dans l'hémicycle, là où doivent être les débats sur les problèmes de la société française, et suivant les réponses qui me seront faites, je déciderai de la suite à donner à cette affaire.

Et pour finir essayons d'élever un peu le débat. La loi Lang a été et reste une bonne loi, elle a clairement contribué à l'enracinement du réseau des libraires indépendants et cette profession est essentielle pour la diffusion et la promotion de la culture et de la diversité de l'offre éditoriale en France.

Je suis le premier à être heureux chez mes "petits" libraires de ma ville à Agen ou ailleurs, notamment parce qu'il y a des personnes authentiques et passionnées de lecture et qui ont cette compétence précieuse de nous conseiller ; c'est cela la véritable plus value d'un libraire.

Si nous devons garder cette loi Lang dans ses principes fondateurs, ce n'est pas pour autant une vache sacrée. Cette loi a maintenant 27 ans. Il y a 27 ans internet n'existait pas, aujourd'hui loi lang ou pas loi lang, la vente en ligne de livres progresse de 27 % par an sur un marché stable. Il y a 27 ans nous n'avions alors aucune des ambitions écologiques contemporaines, le pilon n'était pas un problème, il l'est aujourd'hui.

La meilleure manière de la faire vivre longtemps, c'est de la moderniser et comme toujours, à vouloir ne jamais rien moderniser, Sur quelle étude d'étude d'impact se fonde la clause des 2 ans d'interdiction de rabais et celle qui a encore plus vieilli des 6 mois de réapprovisionnement?

Comme toujours, les intégristes de la loi Lang sont ceux qui risquent d'en être les fossoyeurs et permettez à quelqu'un qui vient de l'internet une des règles de fer de ce monde, tous les intermédiaires sont appelés à disparaître sauf si leur valeur ajoutée de leur prestation est incontestable.

C'est là que se jouera l'avenir de la profession de libraire et c'est vrai que je crois à ce métier et à ce service.

Alors à quand le site de vente en ligne du réseau de libraire?

A quand le véritable fonds de modernisation des librairies en centre ville?

Comment faire pour développer le coeur de cette plus value qui est le conseil au lecteur?

Voilà les vraies questions, cela ne doit pas nous empêcher de faire vivre la loi lang, si nous ne le faisons pas, elle deviendra vite archaïque et insupportable par certains côtés (pilon)

Prenons garde à ce qu'elle ne deveinnent pas la ligne Maginot d'une profession qui mérite d'avoir un avenir dans la France du XXIe siècle.

Alors, mesdames et messieurs du monde du livre, nous avons le devoir de corriger ce dysfonctionnement du pilonnagede 70 millions de livres neufs car la France de 2008 n'acceptera pas longtemps une telle dérive.

J'attends pour ma part beaucoup de notre débat législatif.

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