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Hadopi 2 : nouveaux icebergs à l'horizon...

Publication : 21/07/2009  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Intervention de Jean Dionis – loi « HADOPI 2 »

Madame le Ministre d'Etat,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,


« Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :
" La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi " ;

qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services »

Mes chers collègues, vous aurez tous reconnu la décision du Conseil Constitutionnel du 10 juin 2009.
Elle est clairement fondatrice de notre droit de l'internet et « Hadopi 2 », tout comme devront le faire les lois qui suivront, « Hadopi 2 » s'efforce donc d'en respecter la lettre.

Mais Hadopi 2 n'est pas seulement la fille de la décision du Conseil Constitutionnel.
Elle est clairement celle de la volonté présidentielle, exprimée, à Versailles le lundi 22 juin, et je me réjouis d'avoir les mêmes références que mon collègue Franck Riester :

« En défendant le droit d’auteur je ne défends pas seulement la création artistique, je défends aussi l’idée que je me fais d’une société de liberté, où la liberté de chacun est fondée sur le respect du droit des autres. C’est aussi l’avenir de notre culture que je défends. C’est l’avenir de la création. Voilà pourquoi, j’irai jusqu’au bout. »


Mes chers collègues, tout le débat sur Hadopi 2 est contraint entre ces deux citations.

Pourtant, après la décision du Conseil Constitutionnel, qui « sanctuarise » l'accès à internet, il y avait une réelle opportunité pour le gouvernement de refonder la loi Hadopi, en laissant tomber une fois pour toute l'impasse de la coupure de l'accès à internet.

C'est un autre choix qui a été fait. C'est celui de l'entêtement.

Vouloir à tout prix cette sanction dont nous avons pendant des heures et des heures, et avec tant d'autres, démontré les inconvénients techniques, financiers, juridiques et symboliques conduit à une nouvelle impasse.

Et aujourd'hui, au bout de ce parcours législatif chaotique, je me pose une question simple.
POURQUOI ?

Pourquoi cette obstination à mettre au coeur de ce dispositif qui a profondément divisé le pays et condamnera inévitablement la loi HADOPI à l'inefficacité.

Confier au juge le traitement de ce petit délit de masse vous conduit à nouveau dans une impasse.

Madame le garde des sceaux, vous en êtes pleinement consciente, une justice sereine exige du temps.

Et du temps vous n'en aurez pas pour juger les 50 000 dossiers que l'étude d'impact gouvernementale prévoit.

Hadopi 2 tente donc de résoudre cette contradiction originelle et aboutit finalement à :

Confier la pré-enquête aux agents assermentés de la Commission de la protection des droits en privant ainsi le juge de son pouvoir d'instruction.

Utiliser la procédure du juge unique, alors que la collégialité des juges est une composante majeure de la sécurité juridique. Le vieil adage ne dit-il pas « juge unique – juge inique »

Utiliser les ordonnances pénales, c'est à dire un jugement rendu sans débat préalable et en l'absence de débats contradictoires.

Bref, ce dernier avatar de la loi Hadopi tente de résoudre une équation impossible :

Gérer la contradiction sous-jacente entre la décision constitutionnelle et la volonté présidentielle.

Il est à craindre que vous n'y arriverez pas,

Et pourtant, j'ai envie de dire, ici, depuis la tribune de l'Assemblée nationale, à notre Président de la République :

« CHICHE, AVEC VOUS, NOUS IRONS JUSQU'AU BOUT! »


Mais, de quoi s'agit-il?

Jusqu'où devons nous aller?

Devons-nous aller jusqu'au bout de l'impasse qu'est la coupure de l'accès à internet?

Non, mes chers collègues, car ce n'est pas l'enjeu.

L'enjeu, c'est la régulation sur internet.
L'enjeu, c'est le développement d'une offre légale.
L'enjeu c'est un nouvel équilibre à trouver entre propriété intellectuelle et les nouveaux modes d'accès à la culture.

Alors, une dernière fois, à cette tribune, j'affirme qu'il y a de la place pour une loi Hadopi efficace à court terme qui fasse d'un système d'amendes proportionnées aux infractions commises la sanction finale de ce dispositif.

Et j'oserai dire que c'est le rôle des députés libres de la majorité présidentielle de dire au gouvernement et au Président :
OUI, il est possible d'aller jusqu'au bout
OUI, il est possible de réguler internet sans un geste, entre guillemets, « castrateur », si vous me le permettez.
OUI, il est possible de réconcilier les artistes et les internautes en construisant un modèle pérenne.

Madame le Ministre, Monsieur le Ministre, vous arrivez dans vos Ministères respectifs avec une incontestable crédibilité.

C'est un capital précieux, qui doit être mobilisé pour des chantiers d'avenir.

Or, on vous demande aujourd'hui d'achever un travail contestable et contestée.

D'autres que vous ont choisi de rester sur cette « loi-Titanic », sur la voie de l'atlantique nord.
Ici l'orchestre ne joue plus depuis longtemps, et les partisans de cette loi se font bien rares aujourd'hui.

Alors, pour conclure, je voudrais vous dire :

« Si la loi HADOPI devient le catalyseur d'un nouvel équilibre plus respectueux des droits d'auteurs, j'en serai heureux et je reconnaîtrai sans aucune difficulté que je me suis trompé.

Mais si, comme je le crois, en conscience, cette loi se révèle être un échec, j'aurai comme seule satisfaction celle du devoir accompli, à savoir, d'avoir porté une parole libre pour vous prévenir des difficultés que vous allez rencontrer »
Ce furent les deux dernières phrases de mon intervention sur « Hadopi 1 » en discussion générale.

Les choix du Gouvernement font qu'elle reste malheureusement d'actualité pour Hadopi 2.

Alors, sauf modification substantielle au cours de nos débats, je voterai donc contre ce projet de loi.

Le Conseil Constitutionnel, le Parlement européen, les tribunaux, les associations de consommateurs et finalement les internautes marginaliseront sans doute cette loi comme sa soeur ainée la DADVSI.

La déception des artistes et des ayants-droits sera grande, et vous aurez M. Le Ministre de la Culture a bâtir sur un terrain rendu extrêmement difficile par les péripéties de ces législations stériles.

Vous vous y êtes engagé non sans courage et sans panache et sur ce sujet nous pourrons nous retrouver.

Car nous devons nous projeter dès aujourd'hui dans "l'après-Hadopi" et travailler à une solution d'avenir. Nous pouvons déjà en tracer les fondations :

a) La volonté des artistes et des ayants droit devra être respectée quant aux choix de commercialisation de leurs oeuvres.

b) Avec leur accord, la commercialisation des oeuvres sera forfaitaire, c'est-à-dire par abonnement ou dans le cadre de licences collectives. Car dans un monde d'échanges numériques permanents, les biens immatériels ne peuvent être commercialisés selon les paradigmes traditionnels. Ils sont en effet duplicables à l'infini sans perte de qualité pour un coût quasi nul.

c) Le financement par la publicité, la protection par le contrat, un marché dynamisé par des prix compétitifs sont les pistes pour une solution pérenne.

d) Enfin, les systèmes de mesure d'audience sur le Net seront développés et la rémunération des artistes se fera alors en fonction du succès réel de leurs oeuvres.

Pour ce chantier là, Monsieur le Ministre, vous pourrez alors compter sur nous.

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