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Examen en séance publique du projet de loi "Economie Numérique"

Publication : 25/02/2003  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
Permettez-moi d'abord une remarque personnelle : je voudrais dire ma satisfaction que la catégorie des cadres du secteur privé, largement sous-représentée à l'Assemblée nationale, ait pu participer au travail parlementaire à travers la nomination de ma modeste personne à la fonction de rapporteur.

Après l'exposé très complet de Mme la ministre, je ne reviendrai pas sur l'équilibre du projet ni sur sa place dans le programme RESO 2007 du Premier ministre. Vouloir légiférer sur l'internet suppose de trouver un juste équilibre entre la liberté d'entreprendre et la protection des intérêts privés. C'est un problème à la résolution duquel le précédent gouvernement s'était déjà attelé avec le premier texte visant à transposer la directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique, à savoir le projet sur la société de l'information. Malheureusement, ce projet n'est jamais venu en discussion.

Le Gouvernement, avec pragmatisme a repris cet ouvrage inachevé, en le découpant en trois volets, dont ce projet constitue le premier.

Il doit être neutre, ce qui signifie que la prise en considération de technologies nouvelles ne doit pas conduire à introduire de nouvelles complexités dans la législation. Mais l'effort consistant à introduire une loi durable constitue un exercice fort délicat alors que l'évolution technique est rapide.

S'il faut tenir compte de la dimension stratégique et internationale des technologies, qui induit un fort risque de délocalisation si la loi française crée un différentiel avec le droit des autres pays, ce risque ne doit cependant pas conduire à renoncer à construire un espace de droit fort pour l'internet en France. En effet, l'internet fonctionne sur la confiance, et des règles françaises plus rigoureuses, loin de faire fuir les commerçants en ligne étrangers, devraient au contraire les amener à s'y conformer, s'ils veulent vendre en France. De plus, on constate un effort équivalent à l'échelle communautaire, dont la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique est l'expression directe, et l'ensemble des pays développés s'attachent à maintenir l'internet dans les règles de droit, comme l'ont illustré les pressions diplomatiques qui ont amené le Japon à proscrire ses sites de pornographie enfantine ou la Chine à fermer un site pirate portant préjudice à l'industrie musicale américaine.

Surtout, la France a un rôle éminent à jouer en tant qu'exemple pour la communauté internationale. Il suffit, à cet égard, de rappeler le retentissement qu'a eu l'affaire Yahoo pour montrer l'impact que peut avoir une décision de justice française pourtant raillée à l'origine : après sa condamnation en France, en novembre 2000, la société Yahoo a décidé, en janvier 2001, d'interdire, pour le monde entier, la vente d'objets nazis sur ses sites d'enchères.

Le souci de pédagogie de la commission l'a amenée à réécrire l'article 6 du projet. J'y reviendrai après avoir traité des articles premier et 2 du texte.

L'article premier propose une définition de la communication publique en ligne insérée dans la loi du 30 septembre 1986. Il a suscité de longs débats en commission. Il s'agit de donner une définition de l'ensemble des activités de communication sur l'internet en mettant l'accent sur le contenu « audiovisuel », et le rattachement à la loi du 30 septembre 1986 institue un pouvoir de régulation du conseil supérieur de l'audiovisuel.
Pour la commission, ce rattachement n'est pas opportun. Un consensus très large s'est dégagé sur ce point parmi les personnes auditionnées : aussi bien les industriels du secteur que les milieux associatifs, dont l'UNAF, ont manifesté leur réticence.

De fait, ce rattachement traduit une conception erronée de l'objectif de neutralité technologique du droit.

Il existe, en effet, entre l'internet et l'audiovisuel, des différences de nature, de contenu et d'échelle qui font qu'internet n'est nullement réductible à une forme de communication audiovisuelle.

Or, le rattachement à la loi de 1986, riche de 110 articles, crée un risque juridique : certaines de ses dispositions pourraient se révéler applicables à la communication publique en ligne hors des cas envisagés lors de la rédaction du projet. Le Conseil d'Etat, dans ses recommandations du 2 juillet 1998 sur « Internet et les réseaux numériques », ne disait pas autre chose. Je le cite : « Il apparaît inopportun (...) de confier à une seule autorité le soin de contrôler tous les contenus mis à la disposition du public. Des services tels les forums de discussion, l'accueil de sites Web, la vente à distance, l'accès à des bases de données, la télé-médecine, la télé-formation, comportent une composante communication au public, mais ne nécessitent pas le même traitement que la radio ou la télévision, qui demeurent des média de masse spécifiques. »

Il apparaît donc nécessaire de définir un domaine juridique propre aux services de l'internet tout en préservant les modes de régulation de la radio et de la télévision. C'est pourquoi la commission a proposé que ce texte, et non la loi de 1986, définisse la communication publique en ligne.

Cette proposition a déclenché de vives réactions des créateurs, qui ont manifesté une crainte légitime de voir contourner sur l'internet les droits des créateurs. Nous souhaitons, nous aussi, qu'un cadre juridique sûr empêche ces contournements par des sanctions plus lourdes et des procès plus systématiques.

Mais je suis convaincu que le rattachement de l'internet au secteur de l'audiovisuel constitue un mauvais moyen pour atteindre cet objectif.

S'il ne s'agit que d'un rattachement temporaire en attendant de trouver, d'ici quelques mois, une solution mieux adaptée, nous sommes ouverts à la discussion. Mais s'il s'agit d'entériner l'erreur d'analyse fondamentale que je viens de dénoncer, alors le Parlement doit se prononcer.

L'article 2 définit un régime de responsabilité pour les hébergeurs. Il s'agit en fait, conformément à la directive 2000/31/CE, de poser le principe de leur irresponsabilité, sauf lorsqu'ayant eu connaissance du caractère illicite d'une information diffusée, ils n'ont rien fait pour en arrêter la diffusion.

Tout en maintenant ce dispositif, nous avons souhaité le préciser.

Tout d'abord, nous avons considéré que pour ce qui relève de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale et de la promotion de la pornographie enfantine, les hébergeurs doivent être tenus à une obligation de surveillance. Par ailleurs, la commission a estimé utile d'établir que les demandes d'arrêt de diffusion de contenu abusives seraient passibles de sanctions.

L'article 6 donne une définition du commerce électronique. La commission l'a réécrit. Quant à l'article 12, il institue un régime de consentement préalable pour la prospection par voie de courrier électronique.

Enfin, le texte permet de repenser la question du financement du service universel des télécommunications, dont la charge est disproportionnée pour les fournisseurs d'accès à internet. L'assiette de contribution devrait être calculée sur la base du chiffre d'affaires.

Je tiens, en conclusion, à saluer le travail accompli par mes collègues de toutes sensibilités, au service de l'intérêt général, et je me félicite de l'excellent climat dans lequel se sont déroulés nos échanges, tant avec Mme la Ministre et son administration qu'au sein de la commission et avec Mme la Rapporteure pour avis.

Je ne doute pas que le texte, enrichi par la commission, le sera encore par l'Assemblée et par le Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).



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