Le site officiel
Actualités

› Voir toutes les actualités

Toute l'actualité de Jean Dionis

Discours dans l'hémicycle sur la réforme du crédit à la consommation

Publication : 24/03/2010  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Jean Dionis porte parole des centristes sur le projet de loi de réforme du crédit à la consommation


Madame la Ministre,
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,

Notre assemblée se saisit aujourd'hui de la réforme du crédit à la consommation.
Le débat sur l'opportunité et la moralité du crédit est aussi vieux que le monde et il a fallu attendre le Moyen-Age pour que les grandes religions dessèrent leurs condamnaion vis-à-vis de celui-ci.
Alors oui, il n'est pas inutile en début de ce débat de dire que lecrédit à la consommation peut être à la fois opportun économiquement et sain aussi bien socialement que moralement.

En effet, dans une économie moderne, il n'est pas souhaitable que les ménages soient obligés de préfinancer à l'avance tous leurs achats de biens durables. Une telle situation, où, selon les économistes, les ménages sont « contraints en liquidité », n'est ni souhaitable, ni optimale. Elle prévaut encore dans certains grands pays émergents, où les systèmes financiers sont peu développés.

On en connaît les conséquences : moindre bien-être, nécessité d'accumuler préalablement les encaisses nécessaires à tout achat important et, en conséquence, excédent structurel de l'épargne.
Il va donc nous falloir faire le tri entre le bon grain et l'ivraie du crédit à la consommation.

L'ivraie, c'est clairement une partie de ce crédit à la consommation, accessible à des conditions à la limite de l'usure pour des personnes dont les ressources sont clairement insuffisantes pour pouvoir se l'offrir.


I.La crise renforce l'importance et l'urgence de ce texte

Madame la Ministre, le surendettement est à l’origine de situations de détresse qui ne peuvent laisser indifférent le législateur. En effet, dans notre travail parlementaire, nous assumons tous plus ou moins un rôle de travailleur social, notamment auprès des plus fragiles de nos concitoyens.
Vous parlez donc, madame la Ministre, à des parlementiares, qui, tous, touchent du doigt quasiment quotidiennement dans leurs permanences le caractère humainement très sensible du surendettement.
Nous sommes bien placés, nous les députés pour voir les ravages de la crise économique dans ce domaine.
Nous sommes bien placés pour savoir que la Cour des Comptes, dans son rapport annuel 2010 a raison lorsqu'elle affirme que « la politique de lutte contre le surendettement est déséquilibrée, le dispositif légal visant davantage à traiter la situation individuelle des surendettés qu'à prévenir le surendettement ».
Nous sommes bien placés pour savoir que la crise que connait notre pays depuis l'hiver 2008 a fait exploser le nombre de dossier de personnes en surendettement.
La crise actuelle, c'est 18% de plus de personnes surendettées.
La crise, madame la Ministre a transformé ce texte. Il n'est plus simplement la transposition incontournable de la directive européenne du 23 avril 2008 concernant les crédits aux consommateurs.
La crise a rendu votre texte urgent et socialement prioritaire.
Et pourtant, la France et le peuple français ont en matière d'épargne une culture séculaire de prévoyance et de prudence.
Cette culture, qui plonge ses racines dans la psychologie paysanne de notre peuple, se traduit par des arbitrages épargne / consommation parmi les plus prudents des pays développés.

La France est clairment un pays où le taux d’épargne des ménages est un des plus élevé par rapport à ses principaux partenaires européens ; il se situe à environ 16 %, comme en Allemagne, soit beaucoup plus qu’en Italie (14 %), en Espagne (10 %) et bien sûr qu’au Royaume-Uni (2,5 %) .

Les économistes caractérisent la situation française par trois éléments : un taux d’épargne élevé, un taux d’endettement à court terme assez bas et des fluctuations relativement limitées des dépenses de consommation.

Cette signature française n'est pas un archaisme, c'est clairment une chance.
Et si la crise jette les plus fragiles de nos concitoyens vers des modes de consommation étrangers à notre culture nationale, nous devons bien sûr en prendre acte, mais en aucun cas nous n'avons à encourager la propension à consommer de manière artificielle.
En effet, si l’État peut encore emprunter dans des conditions très favorables, et vous êtes bien placés, en tant qu'autorité de tutelle de l'Agence France Trésor, malgré la situation dégradée de nos finances publiques, c’est bien parce que les prêteurs institutionnels savent que les ménages français disposent d'une épargne élevée et pourront encore assumer, en cas d'absolue nécessité, des augmentations d’impôts.

Nous vous avons souvent entendu dire, et encore cet après-midi, que 14 millions de français avaient un crédit à la consommation, que pour la plupart d'entre eux, ces crédits ne posaient pas de problème et que la consommation et les outils qui la soutiennent étaient un des moteurs encore actifs d'une croissance française fragile.
Madame La Ministre, vous nous avez expliqué qu'il était hors de question d'interdire ce type de crédit car il est indispensable à la croissance.
Nous comprenons bien que les crédits à la consommation et les crédits renouvelables favorisent la croissance.
Mais n'est-ce pas là une vision de court terme?
Les intérêts d'emprunt sont tellement élevés, qu'à moyen terme ils nuisent à la consommation future des ménages qui les ont contractés. Et donc ces crédits à la consommation peuvent nuire la consommation elle-même et donc à une croissance durable.
Autrement dit, ce type de produits, lorsque la solvabilité n'est pas vérifiée, ne sont bien souvent que des soutiens conjoncturels et « artificiels » à une croissance à court terme.

Voilà l'état d'esprit qui est le notre au moment d'aborder ce débat dans l'hémicycle.

Et si nous revenons au texte, nous avons deux convictions fortes par rapport à celui-ci.

D'abord, nous pensons que votre texte contient des avancées réelles qui changeront concrètement et rapidement la situation des consommateurs français.

C’est en effet un texte normatif, qui va au-delà des déclarations de principes. En cela, les députés du Nouveau Centre soutiennent pleinement la volonté gouvernementale d'être proche de la vie quotidienne des français.
Et nous pensons que les dispositions proposées auront une véritable portée pour les 14 millions de français qui remboursent actuellement un crédit à la consommation.
Nous pensons notamment à l'allongement du délai de rétractation qui va passer de 7 à 14 jours, à l’encadrement strict de la publicité, à la séparation des destinations de la carte de fidélité. Ces mesures, les familles françaises pourront en bénéficier rapidement.

****

Mais, l'enjeu fondamental de cette réforme porte sur l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur. Pour le Nouveau Centre, comme dans le domaine de la santé, « le préventif est préférable au curatif ».
Dans cette perspective, votre texte va-t-il aller assez loin ? la question est légitime. Elle revient, encore et toujours, à poser celle de l’instauration en France d’un « fichier positif » de l’endettement.
Le Nouveau Centre propose de créer un répertoire national du crédit recensant l’ensemble des crédits et pas uniquement les incidents. Sans répertoire du crédit, l’obligation de vérification de la solvabilité serait un voeu pieux.
Dans notre proposition, ce répertoire, détenu par la Banque de France aux organismes prêteurs, serait consultable après autorisation de l’emprunteur pour une période d’un mois, en format papier et non informatique pour éviter toute constitution de dossier pérenne sur les emprunteurs potentiels de ce type de crédit.
Aux détracteurs de ce type de fichier, je soutiens donc que l’utilisation commerciale de ce répertoire est donc a priori écartée.
Par ailleurs, la consultation de ce répertoire se ferait en contrepartie d’un dédommagement financier encore à déterminer qui permettrait l’autofinancement du système. Cette pratique est déjà en cours dans la majeure partie des Etats européens.
L'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie, les Pays Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume Uni, la Suède, ont tous adopté le système du fichier positif.
Pouvons nous poser une question simple, humble, et s'ils avaient raison ? Et si nous avions tort dans notre entêtement à ne pas l'adopter ?
Non seulement, l’ensemble des pays européens basculent peu à peu vers ce système mais même les établissements de crédit tels que Cofinoga, la banque Accord (la banque du groupe Auchan), mais aussi la grande distribution par la voie de son délégué général Jérôme Bédier, sont désormais favorables au fichier positif.
Les temtps changent. Ils changent aussi pour les consommateurs et la plus importante de leurs associations de défense, l'UFC Que – Choisir, au départ farouchement opposé à ce système, émet aujourd’hui de « simples réserves ».
alors oui, les banques doivent aujourd’hui engager leur responsabilité.
Madame la Ministre, vous les avez beaucoup aidé et il fallait le faire. Mais, entre nous, leur résistance est aujourd'hui indécente.
Même si nous reconnaissons bien vonlontiers qu'il ne s'agit que d'une réponse partielle au problème du surendettement, les avantages de ce système sont clairs :
il permettrait de diviser par deux le nombre de famille qui bascule dans le surendettement : En effet, si les ménages confrontés à un accident de la vie et qui se retrouvent en rupture de paiement représentent les 2/3 des emprunteur, il reste tous les emprunteurs de type acheteur compulsif qui représentent entre 35 000 et 40 000 personnes nouvellement surendettées par an. Ils représentent le coeur de cible du dispositif du fichier positif.
il constituerait tout d’abord une alerte préventive du surendettement.
il permettrait à chaque ménage de disposer, sur simple demande, d’un panorama global de son encours d’endettement.

Pour le Nouveau Centre, contracter un crédit est un engagement. Mais cet engagement ne l’est pas seulement de la part de l’emprunteur, il l’est aussi de la part du préteur. Il faut privilégier une co-responsabilisation des deux acteurs du prêt. Car on voit bien trop souvent des organismes peu regardant accorder des crédits à des personnes dont la situation financière n’offre manifestement aucune garantie de remboursement. Et ces mêmes organismes, en cas de défaillance de l’emprunteur, se tournent ensuite vers la société pour obtenir réparation d’une rupture d’un contrat relevant du droit privé.
Dès 2007, le groupe Nouveau Centre avait déposé une proposition de loi visant à lutter contre le surendettement. Conscients que les situations de surendettement sont en augmentation dramatique et constante depuis plusieurs années, nous en avons pris la mesure et choisit d’agir en faveur de la prévention du surendettement : car il s’agit là d’un véritable risque social.

Ainsi, en 2007, date de notre première intervention législatrice donc, c’était près de 183 000 dossiers qui avaient été déposés auprès des commissions de surendettement et près de 155 000 jugés recevables contre respectivement 95 000 et 80 000 dix ans auparavant.

*******


Pour le Nouveau Centre, notre Assemblée ne peut donc plus faire l’économie d’un véritable débat sur l’instauration d’un fichier positif qui recenserait l’ensemble des crédits des particuliers. Le FICP, même amélioré, ne permet pas d’anticiper le surendettement des ménages car il ne donne pas un aperçu préalable de leur état de « mal-endettement ». Or, le traitement du surendettement coûte cher au contribuable. L’instauration d’un répertoire national recensant les crédits souscrits par les particuliers et centralisé par la Banque de France, à l’image du dispositif en vigueur en Belgique, serait de nature à mieux prévenir les risques. Certes, le sujet ne fait pas consensus et nous l’avons observé dans les débats des Commissions. Mais le dispositif qui vous est proposé par les députés du Nouveau Centre se veut pragmatique.

*******

Madame la ministre, vous allez m’opposer la solution de la création d’une commission chargée de rendre un rapport d’évaluation dans 18 mois. Je vous rétorquerai la phrase de Clémenceau : « quand on veut enterrer un problème, on crée une commission ». Encore une fois, c’est le cas dans notre hémicycle. Cela fait 7 ans que je suis député, c'est la 4ième fois que l'on reporte en France la création de ce fichier alors que partou ailleurs on l'installe.


En conclusion, je me félicite que ce sujet qui nous tient à cœur, à nous, députés du Nouveau Centre, soit enfin en discussion dans l’hémicycle. Au nom des députés du nouveau centre, j'ai salué la qualité des propositions concrètes que contient ce texte. Mais, pour nous, la question de l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur domine ce débat. Aussi les députés du Nouveau Centre seront particulièrement attentifs au décision de notre assemblée sur cet enjeu central. Notre vote de ce projet de loi y sera conditionné.

Je vous remercie.

Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.