La décision de suppression de la publicité, le 8 janvier 2008 par Nicolas Sarkozy sur la télévision publique est une décision majeure et une décision d’avenir. Je la soutiens donc vivement. Elle oblige à trouver de nouvelles sources de financement pour la télévision publique et, par là, coupe certains liens forts entre financement, audience et programmation et permet ainsi la conception d'une télévision publique véritablement différente de la télévision privée.
Le choix de mettre en place une commission composée de parlementaires et de professionnels est un choix judicieux. C’est une excellente méthode que de faire travailler ensemble des professionnels de ce secteur d'activité avec des parlementaires de toute sensibilité politique. Ces derniers sont donc associés bien en amont des travaux strictement parlementaires et, ainsi, leur intérêt et leur connaissance du sujet n’en seront que plus profonds lors des débats au Parlement. Je salue donc la méthode et regrette vivement le choix du PS de quitter cette commission au milieu de ses travaux, alors que celle-ci devait fait preuve de sa neutralité et de son indépendance par rapport à son commanditaire, le Président de la république. En conclusion, le travail réalisé a été de qualité, les quatre ateliers sont allés loin dans la réflexion et les propositions ; enfin, la Présidence exercée par Jean-François Copé a été à la hauteur des enjeux.
Concernant les propositions faites par la Commission et contenues dans le rapport final remis au Président de la République, j'en approuve un certain nombre, parmi les plus importantes. Je soutiens avec force la mutation de France Télévision vers une entreprise de type « global media » qui prenne davantage en compte le développement d’internet et la télévision sur les téléphones mobiles par exemple. J'encourage également la structuration de France Télévision en une entreprise unique où la priorité est donnée aux contenus par rapport aux supports que sont les chaînes. Je souscris enfin à l’orientation donnée dans ce rapport à chacune de ces chaînes.
Pour autant, je souhaite marquer ma différence de points de vue sur un certain nombre de préconisations importantes de ce rapport.
1 – La mise en oeuvre de la régionalisation de France 3 :
La vocation de cette chaîne est, effectivement, de devenir la chaîne des territoires et des pays de France. Il faut le réaffirmer et l’organiser en conséquence. Et si nous reconnaissons, l’utilité en termes d’économies de gestion, de passer de treize à sept pôles régionaux de gestion, nous insistons sur le fait que l'information territoriale n’intéressera les Français que si elle est produite au plus près de leur bassin de vie. Cette production d'information territoriale doit être organisée de manière plus décentralisée qu’à partir de bureaux régionaux d'information superposés de manière parfaite sur les vingt-deux régions administratives de la France. Il y a là un défi pour produire de l’information locale à forte audience dans un pays qui comprend vingt-deux régions, quatre-vingt seize départements, quatre cents pays et trente six mille communes. France 3 doit relever ce défi. Et ce serait une erreur, à mon avis, de concevoir des rédactions dans chaque grande capitale de régions : les équipes doivent être réorganisées pour être plus petites, voire individuelles, plus nombreuses, plus mobiles et plus polyvalentes et se rapprocher le plus possible des bassins de vie, et au minimum du maillage départemental.
2- Un avis très réservé sur la constitution de chaînes thématiques publiques
Ensuite, concernant les chaînes thématiques numériques, le rapport final prévoit la création de ce type de chaînes, selon le système « on demand », sur des thèmes divers et variés tels que la science, la santé, la mémoire… J'émets de profondes réserves quant au succès de ce type de chaînes. Le paysage médiatique est déjà bien encombré par la multiplication des chaînes. Et, de toutes façons, leur multiplication est déjà inscrite du fait des initiatives audiovisuelles du monde associatif, des collectivités régionales et locales. Plus généralement, on peut s’interroger sur ce que vont devenir ces chaînes lorsque les comportements des utilisateurs évoluera durablement vers une prise en main de sa propre programmation personnelle à l’aide de moteurs de recherche toujours plus puissants (télévision non linéaire).
3 – Des propositions à améliorer en matière de gouvernance :
Nous devons nous fixer deux objectifs et nous y tenir : le premier étant l’indépendance des médias par rapport au pouvoir politique et le second étant la qualité de la gouvernance de l’entreprise. Avec les propositions contenues actuellement dans le rapport de la Commission, aucun des deux objectifs n'est vraiment atteint.
Je plaide pour que l'État assume pleinement son rôle et sa responsabilité d’actionnaire unique et de principal financeur du groupe France Télévision. Le pouvoir, à ce titre, doit revenir au gouvernement. Le Parlement n’est pas légitime pour assumer une partie de l'exécutif . En conséquence, à mon avis, l'État, seul, doit prendre ses responsabilités dans la nomination des membres du Conseil d’administration. Puis, dans une seconde étape, le Conseil d’administration, d’une part, élit, en son sein, le Président et, d’autre part, nomme son Directeur général.
Je plaide pour une vraie différenciation, au sein de France télévision, des fonctions de Président de Conseil d'administration et de Directeur général, selon un modèle de gouvernance qui a fait ses preuves , notamment à la caisse des Dépôts et Consignations.
Le Conseil d’administration est en charge du contrôle et du respect du contrat de mandature entre l'État et le groupe France Télévisions. Le Directeur général a, quant à lui, les responsabilités et les moyens du chef d’entreprise unique, que va devenir France Télévisions. On doit remettre France Télévisions sous le régime du droit commun d’entreprise. Le CSA n’a pas non plus à intervenir dans la gouvernance d’une entreprise publique de télévision. Il a simplement à la contrôler, comme il le fait pour toutes les autres chaînes, en ce qui concerne les obligations de neutralité, de pluralité et de production.
4 – Assurer à France Télévisions un financement pérenne et légitime.
Enfin, reste la question cruciale du financement de l’audiovisuel public en l’absence de ressources publicitaires. Je pense qu’en termes de légitimité fiscale, c’est au téléspectateur de financer la télévision publique. A force d'être obsédés par le fait de ne pas pénaliser fiscalement directement le consommateur concerné , à savoir ici le téléspectateur, la commission et le gouvernement s'acheminent vers des solutions compliquées, des montages parfois sans réel fondement, et à de vraies aberrations (en quoi, le chiffre d'affaires sur le téléphone fixe est-il une assiette fiscale pertinent pour financer la télévision publique ? ) , tout en multipliant les prélèvements obligatoires qui d'une manière d'une autre, freinent notre croissance et sont répercutés sur les consommateurs .
Je défends donc avec courage et avec conviction un financement de l’arrêt de la publicité par l'augmentation de la redevance. Ce changement majeur, qu'est l'arrêt de la publicité est une occasion historique pour redonner à la redevance sa légitimité perdue. Aujourd’hui, le défaut de qualité des programmes est, entre autres, à l’origine du rejet des Français de cette redevance. Mais en leur expliquant et en leur prouvant son utilité pour un service public de l’audiovisuel de qualité, ils seraient prêts, j’en suis convaincu, à voir son niveau augmenter.
Concernant l’indexation de la redevance sur l’inflation et l'élargissement de son assiette à tous les types d'écran supports de télévision, ces deux axes semblent plus ou moins acquis et je m'en réjouis. Ils vont parfaitement dans mon sens.
En revanche, il reste deux problèmes.
a) Celui, tout d’abord, du rattrapage du niveau de cette redevance par rapport à celui de nos voisins européens. Les Anglais acquittent 180 €/an pour regarder leur télévision publique et 210 €/an pour les Allemands. Notre redevance française, avec ses 117 €/an est donc bien loin de ces montants et il ne semble vraiment pas scandaleux d’envisager son augmentation à l'occasion d'ubn changement structurel aussi fort que celui de la suppression de la publicité.
b) Celui, ensuite, de la taxation des nouveaux acteurs de la télévision et plus précisément des opérateurs de télécommunication. Une taxation de ces entreprises ne nous semble pas du tout justifiée dans le cadre du financement de l’arrêt de la publicité, leur rôle dans la télévision actuelle étant aujourd'hui bien marginal et un tel prélèvement devrait être pensé avec d'autres enjeux beaucoup plus lourds (notamment celui de la rémunération de la propriété artistique et culturelle dans notre société de l'information).
En revanche, s'il fallait trouver une solution alternative à l'augmentation de la redevance qui a notre préférence, nous ne nous opposerions pas à une taxation des produits électroniques « grand public » mais uniquement, puisque la Commission a établi cette distinction, pour financer les nouvelles ambitions du service public.
Conclusion : Voilà les lignes forces des positions que je défendrais lors des travaux parlementaires, en essayant de mettre à profit les vacances pour convaincre ma famille politique, le Nouveau Centre, de les adopter comme position commune de notre groupe.
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Contributions de Jean Dionis, membre de la Commission Nouvelle Télévision Publique (Commission Copé)
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