Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Nous voici réunis pour examiner le premier Budget Supplémentaire de la nouvelle mandature.
C’est l’occasion pour notre groupe de réaffirmer le positionnement que nous avons choisi de tenir : une opposition ferme mais non systématique. Une opposition ferme chaque fois que vous chercherez à donner à nos débats un tour politicien. Mais une opposition non systématique parce que, lorsque l’intérêt des Aquitains est en jeu, il faut savoir se mettre autour d’une table et trouver des solutions de bon sens.
C’est dans cet esprit que nous abordons le budget supplémentaire que vous nous présentez. Ce document, qui contient un certain nombre d’opérations avec lesquelles on ne peut qu’être d’accord et d’autres nettement plus contestables, je le définirai à la fois comme un budget supplémentaire peu lisible et un budget supplémentaire d’affichage
Un budget supplémentaire peu lisible, c’est d’abord – permettez un commentaire de conseiller érgional débutant – un rapport peu clair, difficile à relier au budget primitif, occultant dans sa partie rédigée (des pages 1 à 7) une part considérable – prépondérante même – des crédits de paiement inscrits, et excessivement évasif sur la destination réelle de certaines dépenses. Je pense en particulier aux 5 millions d’euros pour les investissements sur les routes nationales. Pourriez-vous, Monsieur le Président, Monsieur le Premier Vice-Président délégué aux infrastructures, nous faire connaître la ventilation par projets de cette enveloppe ? Nos territoires, dont nous sommes issus, attendent des réponses précises. A titre d’exemple, pour le Lot-et-Garonne, combien sur la RN 21 ? Combien sur la RN 113 ?
Tout cela ne nous paraît pas conforme à la mission des élus locaux que nous sommes et à l’idée que nous nous faisons d’un débat budgétaire ouvert et transparent.
Un budget peu lisible, c’est aussi un rapport qui s’évertue à brouiller les pistes sur les aspects de votre politique que vous souhaitez gommer ou escamoter.
Je veux parler, en l’occurrence de l’opacité des dépenses de communication. Elle nous laisse mal à l’aise. Rien que sur ce BS, on retrouve la communication à trois reprises, pour la bagatelle de 411 000 euros de crédits de paiement éparpillés en 3 chapitres :
- 130 000 euros dans le chapitre 900.1 (en investissement) pour une structure de stand modulable pour les manifestations où la Région est présente, comme si nous ne disposions pas auparavant de ce type d’équipement…
- 256 000 euros dans le chapitre 940.2 pour le fonctionnement de ce même stand ainsi que divers ouvrages et plaquettes
- 25 000 euros dans le chapitre 961.02 pour la signalétique du festival des lycéens
A cela s’ajoute 1, 242 million d’autorisation d’engagement pour le magazine régional, dont nous avons noté dans son dernier numéro l’évolution – comment dire – présidentielle et que vous avez pris l’habitude, contre toute logique et toute clarté, de faire passer chaque année au budget supplémentaire.
Si je me résume, nous avons donc une communication régionale visiblement à la hausse, artificiellement émiettée en plusieurs chapitres, de plus en plus politique et – j’ajouterai – non évaluée.
C’est la raison pour laquelle le groupe UDF vous fait deux demandes à ce sujet.
La première, c’est de pouvoir disposer d’un document de synthèse qui consolide l’ensemble des dépenses de communication de notre collectivité.
La deuxième, c’est un audit global sur l’impact et l’efficacité de ces mêmes dépenses, dans lesquelles nous incluons la coûteuse Maison de l’Aquitaine à Paris. Je note d’ailleurs à ce sujet que votre nouvelle, talentueuse et médiatique collègue de Poitou-Charentes, Ségolène ROYAL, en a récemment décidé la suppression de l’équivalent pour cause – a t-elle dit – d’inutilité et de gabegie financière. Vérité à Poitiers serait-elle aussi vérité à Bordeaux ?…
J’en viens au deuxième aspect saillant de votre BS : son aspect d’affichage.
Par son montant somme toute extrêmement modeste (26, 85 millions d’euros de crédits de paiement soit seulement 3,69 % du budget primitif), il n’est en réalité, en crédits de paiement, qu’une simple opération d’ajustement, très largement dans la continuité de vos orientations précédentes. Il y a donc quelque chose d’artificiel à le transformer, pour les 38 millions d’autorisations de programme, en inventaire à la Prévert de vos promesses électorales et de leur début de réalisation. C’est d’ailleurs l’occasion pour nous de soulever un débat de méthodologie : deux ou trois décisions modificatives ne suffiraient-elles pas à opérer les ajustements marginaux nécessaires plutôt que de sacrifier chaque année, avec le budget supplémentaire, à une sorte de débat budgétaire bis ? Il y a peut-être dans ce qui se pratique dans d’autres collectivités matière à réflexion à ce sujet.
Nous avons l’impression, en lisant dans votre document, d’être souvent davantage dans le domaine de l’intention que dans celui de l’action. Cela rejoint d’ailleurs – et nous le disions lors du débat sur le compte administratif – une tendance générale de votre politique budgétaire qui met de plus en plus de temps pour faire face en crédits de paiement à vos autorisations de programme. De budgets primitifs en budgets supplémentaires, nous notons une dérive depuis maintenant plusieurs années. Vous payez là en grande partie les pots cassés de votre choix d’une sur-contractualisation avec l’Etat, qui fige notre collectivité à la vitesse du plus lent.
Dans le BS que vous nous présentez, nous prenons acte d’opérations qui vont dans le bon sens et que nous soutenons parce qu’elles sont indispensables à notre Région. Je fais notamment allusion au soutien au pôle aéronautique Sud Aquitaine (Bordes-Assat) avec 12 millions d’euros en AP et à l’aide à la reconversion du bassin de Lacq avec le GIP Chemparc avec 800 000 euros à nouveau en AP. Mais nous regrettons simplement que vous vous contentiez de les inscrire en autorisation de programmes alors que leur urgence et leur opportunité nécessiterait des crédits de paiement dès 2004.
Autre dossier sur lequel il y a urgence dès maintenant : le logement étudiant, une de vos promesses de campagne, avec un million d’euros en autorisation de programmes. Pour nous, c’est clair : le compte n’y est pas. Car nous payons sur ce dossier le retard accumulé lors de votre précédente mandature avec – cas presque unique en France – zéro euro pour le logement étudiant dans le contrat de plan Etat/Région. Il vous faut donc désormais aller très vite et d’abord vous constituer une doctrine sur le sujet. Le groupe UDF vous en propose une. Pour nous, le diagnostic est clair : le problème est essentiellement qualitatif et c’est sur cet aspect des choses qu’il faut agir. C’est notamment le cas au niveau l’offre du CROUS et, tout particulièrement, des six « villages » bordelais dont l’état de vétusté, parfois d’insalubrité, et d’inadaptation au mode de vie des étudiants de ce début de XXIe siècle, est un vrai scandale. Nous vous faisons donc une triple proposition : mettez en place un dispositif d’urgence sur ce dossier, inscrivez dès maintenant 150 000 euros en crédits de paiement pour démarrer les études, déléguez si nécessaire la maîtrise d’ouvrage à la DRE. Le logement des étudiants d’Aquitaine mérite mieux que d’être remis aux calendes grecques. Nous attendons de votre part des actes concrets et rapides.
Je passe rapidement sur des opérations certes sympathiques mais dont l’efficacité au niveau régional pose problème. C’est le cas de l’agenda 21 ou de la mission effet de serre, dont je ne vous cache pas que nous avons du mal à percevoir la finalité et l’utilité. Croyez-vous vraiment que l’échelon régional est le cadre pertinent à une telle action qui, d’évidence, relève du cadre national voire européen ? Mais si cela fait plaisir aux élus verts de votre majorité… votre objectif est sans doute atteint !
J’en viens à la mesure phare de ce budget supplémentaire sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir demain : l’extension du dispositif « coup d’pouce » à l’acquisition des manuels scolaires pour les lycéens. Nous avons d’ores et déjà, au stade de ce BS, trois niveaux de critiques à vous faire sur ce dossier :
C’est d’abord un dossier qui ne remplit pas vos engagements électoraux. J’ai relu votre profession de foi : vous parliez noir sur blanc de « gratuité des manuels scolaires au lycée » Avec le choix d’une critérisation sociale – avec laquelle nous sommes d’accord – et celui d’une aide plafonnée sur les trois années à 160 euros pour les familles les plus modestes et 90 pour les autres, à comparer avec le coût moyen d’acquisition des manuels (210 euros), soit entre 76 et 43 % seulement de prise en charge, on est bien loin du compte.
C’est aussi un dossier mal ficelé. On a là un dispositif non fléché et non contrôlé, sans implication forte, qui ne garantit en rien l’utilisation des fonds versés aux familles. S’y ajoute un effet de seuil brutal et injuste, qui sera meurtrier pour des familles aux revenus très moyens qui ne bénéficient plus de l’ARS.
C’est enfin un dossier ruineux sur le plan financier : 1 million d’euros à ce BS qui s’ajoutent aux 1,6 million votés lors du primitif, soit en tout 2,6 millions. Et ce n’est que le début : c’est au minimum 5 millions d’euros en année pleine, soit plus de trois points de fiscalité régionale de plus dès 2005. Voilà la vérité que nous avons le devoir de dire aux Aquitains.
Sans mauvais jeu de mots, Monsieur le Président, Madame la Vice-Présidente, avec le respect que je vous dois : sur les manuels scolaires, il faut revoir la copie !
Plus fondamentalement, vous avez, Monsieur le Président, alerté notre assemblée sur les difficultés financières auxquelles notre collectivité va devoir faire face avec les gels de crédits d’Etat et des fonds européens. Alors une question se pose, faut-il rajouter 5 millions d’euros alors que nous sommes en limité de compétences de la Région. Nous pensons que non.
En bref, pour cet ensemble de raisons, le groupe UDF votera contre votre budget supplémentaire 2004.
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28/06/04 - Conseil régional : Position de Jean Dionis en séance plénière sur le Budget supplémentaire 2004
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