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24/06/09 - Tribune de Jean Dionis dans Le Monde - Que faire de la loi Hadopi?

Publication : 24/06/2009  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

LE MONDE - édition du 25.06.09

Point de vue - Décryptages - Débats
Et maintenant, que faire de la loi Hadopi ?, par Jean Dionis du Séjour, cosigné par Christian Vanneste et Alain Suguenot


Mercredi 10 juin, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision concernant la loi Hadopi. Il l'a validée partiellement, elle est aujourd'hui promulguée par le président de la République. Mais il a censuré le coeur de ce projet en considérant que l'accès à Internet était une des conditions indispensables de l'exercice de la liberté énoncée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon laquelle "tout citoyen peut parler, écrire et imprimer librement". En conséquence, seul un juge peut décider d'une coupure de l'accès à Internet.

Ensuite, le Conseil constitutionnel a également rappelé que le principe de la présomption d'innocence interdit au législateur de renverser la charge de la preuve en obligeant l'abonné à prouver qu'il n'est pas coupable. Cette décision est fondatrice. Elle va orienter durablement notre droit et c'est en s'appuyant sur elle que nous devons élaborer une nouvelle solution pour établir un équilibre entre la liberté des internautes et la légitime protection des droits d'auteur.

Car cette exigence est effectivement nécessaire et urgente. Parlementaires appartenant à la majorité présidentielle, nous avons participé activement aux débats sur cette loi et nous nous sommes forgés quelques convictions simples et fortes dans ce domaine législatif :

1. Le gouvernement a raison d'affirmer qu'il faut à notre pays une volonté renouvelée de défendre l'exception culturelle et nos industries de la musique et du cinéma. Or, aujourd'hui, le concept pédagogique de réponse graduée - avertissements, puis sanction - est sans doute le seul permettant de relever ce défi.

C'est une de nos différences principales avec certains de nos collègues de l'opposition qui semblent oublier cet impératif de court terme.

2. Pour garantir une sortie par le haut de la loi Hadopi, nous avons l'obligation de respecter la philosophie de la décision du Conseil constitutionnel. Choisir la coupure de l'accès à Internet comme sanction finale de la réponse graduée est une impasse dont la conséquence malheureuse - la double peine, le paiement de l'abonnement pendant le temps de la coupure - sera légitimement vécue comme une provocation par nos concitoyens.

CHANGEMENT DE CAP

S'entêter à sanctionner cette pratique, très répandue, par des tribunaux spécialisés condamne inévitablement la loi Hadopi à un nouvel échec programmé. Sauf dans certains cas exceptionnels, il nous faut donc enterrer cette fausse bonne idée de la coupure de l'accès Internet, que ce soit par une autorité administrative indépendante ou devant un juge, avec d'un côté une atteinte aux droits et de l'autre une lenteur mortifère pour l'efficacité.

3. Un changement de cap s'impose. Il passe par une mesure de bon sens prise à titre transitoire : l'adoption d'un système d'amende comme sanction finale de la réponse graduée. Une telle approche pédagogique sera opérationnelle immédiatement, modulable en fonction de la gravité des faits et elle sera efficace, à l'instar des amendes pour le stationnement illicite.

En outre, les amendes sont socialement tolérées, car elles participent de notre culture nationale pour sanctionner les petites infractions ordinaires. Enfin, cela permet de répondre positivement aux exigences de la censure du Conseil constitutionnel, tant sur l'accès à Internet que sur la présomption de culpabilité. Ainsi refondée, la loi Hadopi pourrait devenir une bonne loi de court terme pour les trois ou quatre années à venir.

4. Cela dit, nous devons nous projeter dès aujourd'hui dans "l'après-Hadopi" et travailler à une solution d'avenir. Nous pouvons déjà en tracer les fondations :

a) La volonté des artistes et des ayants droit devra être respectée quant aux choix de commercialisation de leurs oeuvres.

b) Avec leur accord, la commercialisation des oeuvres sera forfaitaire, c'est-à-dire par abonnement ou dans le cadre de licences collectives. Car dans un monde d'échanges numériques permanents, les biens immatériels ne peuvent être commercialisés selon les paradigmes traditionnels. Ils sont en effet duplicables à l'infini sans perte de qualité pour un coût quasi nul, et leur consommation est "non rivale".

c) Le financement par la publicité, la protection par le contrat, un marché dynamisé par des prix compétitifs sont les pistes pour une solution pérenne.

d) Enfin, les systèmes de mesure d'audience sur le Net seront développés et la rémunération des artistes se fera alors en fonction du succès réel de leurs oeuvres.

Ainsi, notre Parlement et sa majorité s'honoreraient de se prévaloir du caractère fondateur de la décision des sages pour réorienter efficacement la loi Hadopi et travailler à la conception de modèles économiques novateurs, où artistes et internautes joueront enfin, de concert, la même partition "gagnant-gagnant".

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