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15/12/06 - Intervention de Jean DIONIS lors du colloque "Défense et développement territorial" à Toulouse

Publication : 15/12/2006  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Mesdames et Messieurs les Officiers généraux,


En tant que Député de la 1ère circonscription de Lot-et-Garonne, et ancien adjoint du député-maire, Paul CHOLLET au moment de l’implantation, je suis honoré aujourd’hui d’intervenir aux côtés du Colonel Yves LEPOIX, chef de corps de ce régiment pour aborder avec lui le sujet que les organisateurs de cette journée nous ont demandé de traiter en tandem. Je pense en particulier à celui qui est devenu un ami (c’est aussi cela le lien armée-nation) , le Colonel Philippe PONTIES, ancien chef de corps lui-même.

En quelques mots, je souhaite vous livrer le témoignage d’un élu agenais qui a vécu l’implantation de ce régiment qui fait à la fois la fierté et le bonheur de notre ville, sa montée en puissance et aujourd’hui son ancrage au cœur de la vie agenaise.

Enfin, je me permettrai de dessiner quelques axes de réflexion susceptibles d’optimiser ce partenariat privilégié et, au-delà, de suggérer des pistes pour de meilleures relations entre l’armée française et la société civile.



I – 1990 à 1995, de l’ESOAT au 48ème RT : le résultat d’une mobilisation partagée


A l’époque, et chacun de vous le sait, l’armée française connaît une mutation profonde (professionnalisation, plan armée 2000 et la conséquence directe pour la ville d’Agen est la suppression pure et simple de l’ESOAT (Ecole des Sous-Officiers d’Active et de Transmission) ce qui, du jour au lendemain, va modifier profondément le visage de la ville et de son agglomération.

Pour ceux qui n’ont pas la chance de connaître notre belle région, je me permets de préciser que la ville d’Agen compte un peu plus de 30 000 habitants pour une agglomération d’environ 80 000 habitants, le Lot-et-Garonne, notre département, en comptant lui 300 000 personnes.

La prospérité d’Agen, c’est traditionnellement son commerce et son administration à vocation départementale voire interdépartementale. Agen, dans cette fin du 20ème siècle (1980-2000) a connu une belle dynamique économique notamment avec l’essor d’un pôle industriel de bon niveau : pharmacie (BMS UPSA) agroalimentaire (AGROPOLE) et phytosanitaire.

Dans ce cadre, l’armée a toujours eu un rôle moteur essentiel dans notre histoire agenaise et a grandement contribué à son développement.

Je tiens aujourd’hui à vous faire partager en quelque sort les coulisses de cette décision essentielle pour notre agglomération et pour le 48ème.
Petit retour en arrière…

Nous sommes en 1990, M. Pierre JOXE, alors Ministre de la Défense convoque Paul CHOLLET, Député-maire d’Agen pour lui annoncer la fin de l’ESOAT autrement dit la fin de la présence militaire en agenais. A l’époque, deux pôles de transmission militaires existaient, Montargis et Agen, et tout fut donc regroupé à MONTARGIS.

Beaucoup, dont certains élus majeurs d’opposition (l’ancien député Christian LAURISSERGUES) prônent alors un changement radical, l’abandon de la présence militaire sur la ville d’Agen, et souhaitent implanter les premiers cycles universitaires en lieu et place de la caserne TOUSSAINT.

L’idée paraît séduisante d’autant que nous sommes tous convaincus à l’époque que le développement universitaire d’Agen, qui est devenu une réalité à partir de 1988, sera une carte essentielle pour l’avenir de notre agglomération.

L’année 1993 sera une année charnière, un choix crucial se posant pour les décideurs locaux sur l’avenir du quartier Toussaint.

Ainsi, je veux vous faire comprendre l’arbitrage qu’a du rendre à ce moment précis de l’histoire de notre ville, le docteur Chollet.

Le problème posé était simple : Agen devait-il s’orienter vers une activité autre que l’armée (université, entreprise, pôle de recherches, etc…) ou alors mettre à profit la fin de l’ESOAT et la période de mutations que connaissait l’armée pour se lancer dans un nouveau projet d’implantation et ainsi perpétuer une histoire commune avec l’armée française ?

Le Docteur Chollet mesure très vite l’enjeu de cet arbitrage et tranche en faveur d’une présence militaire renforcée en agenais, convaincu qu’il était que se résigner à voir disparaître cette présence était un choix tout simplement impossible.

Dès sa réélection en tant que Député de Lot-et-Garonne en 1993, Paul CHOLLET décide de devenir Commissaire de la Défense à l’Assemblée Nationale, décision stratégique qui se révèlera déterminante par la suite.

En effet, au moment où l’armée connaît de profondes mutations, la commission, au contact du Ministère de la Défense et des états-majors pèse de tout son poids sur les orientations militaires de la Nation.

Petit à petit, Paul CHOLLET démontre combien la disparition de l’ESOAT à Agen et la désertification militaire de la moyenne Garonne ainsi créée est une profonde erreur.

Or, les réflexions au haut niveau de la défense porte justement sur une répartition plus homogène de la présence militaire sur le territoire national.

Fort de ce constat, Paul CHOLLET mit tout en ouevre pour sensibiliser à la fois François LEOTARD, nouveau Ministre de la Défense et la plupart des états-majors à Paris ou à Bordeaux.

Ce qui fut décisif pour emporter cette décision, fut la qualité des relations entre le député-maire et les chefs de corps du 48ème et au-delà d’eux les responsables hiérarchiques militaires de la Région Terre sud ouest.

On peut s’interroger sur ce qui a fondé cette qualité de relations.
L’essentiel de la réponse est sans doute à chercher dans la personnalité de acteurs de l’époque, le docteur CHOLLET a toujours porté respect et affection pour l’institution militaire sans doute en souvenir de ses années de médecin-militaire au grade de lieutenant pendant la guerre d’Algérie. Mais probablement que notre art de vivre gascon a également contribué à faire passer les responsables de l’époque dans le camp de l’équipe d’Agen.

J’en veux pour preuve le nombre d’officiers généraux en retraite (Messieurs CHALMEL, MAURY, LE CHARLES), tous issus de votre grande maison,qui décidèrent de mettre leurs compétences acquises au sein de l’armée au service de la société civile et de la vie publique en devenant d’excellent maires de communes importantes de notre département.


Aussi, en 1995, après de multiples et interminables négociations, le Ministre de la Défense, M. Charles MILLON annonçait à Paul CHOLLET et aux agenais la création du 48ème Régiment de Transmissions et son installation au quartier TOUSSAINT.



II – De 1999 à 2002 : la montée en puissance du régiment et l’impact sur le territoire agenais

Comme vous l’a précisé le Colonel LEPOIX, le 48ème RT s'est agrandi progressivement en incorporant successivement cinq compagnies supplémentaires en parrallèle d’un recrutement massif de près de 300 EVAT (engagés volontaire de l’armée de terre).

Pour les décideurs locaux, cette arrivée de sang neuf à Agen est une chance historique à l’échelle d’une ville, même si cela se traduit directement par une montée en charge importante des problématiques accueil-logement mais aussi d’autres tout aussi essentielles que la recherche d’emploi pour les conjoints.

Et ceci d’autant plus que l’année 1999 correspond également à l’arrivée de l’ENAP sur Agen fruit là aussi d’une longue et âpre compétition territoriale parmi les plus serrées. En cette année 1999, le Dr CHOLLET et son équipe municipale doivent relever un double défi, la montée en puissance du 48ème RT et celle de l’ENAP, qui correspondent tous les deux à des communautés de vie de plus d’un millier de personnes.

Pour relever ce défi, une cellule « action économique » avait été mise en place sous la responsabilité d’un chargé de mission, André DEGEMBE, ancien cadre de l’industrie et à cette époque, jeune retraité et qui sera le chef d’orchestre des efforts municipaux pour réussir ce double accueil.

Les missions confiées à cette cellule 48ème RT-ENAP furent celles classiques, que vous connaissez bien, de toute implantation d’un régiment dans un territoire donné.



- D’abord l’aide aux conjoints dans leurs recherches d’emplois.

La mobilisation de tous, responsables militaires, élus et cellule économique, ANPE et AFPA, CCI de Lot-et-Garonne joua à plein.

Et c’est là qu’intervient de façon très forte la qualité des relations entretenues jusque alors. C’est une des leçons principales de cette période transitoire : quand armée et société civile jouent main dans la main, on tient les clés d’une implantation et d’une vie en commun réussie.

- L’aide aux logements ensuite et le développement de la construction privée – une des missions prioritaires était de combler toute « dent creuse » en ville pour offrir la meilleure solution de logement possible au personnel militaire.
Même si en final, chaque famille de militaire restait bien entendu libre de son implantation et que l’analyse des lieux de résidence des officiers et des soldats du régiment aujourd’hui montre une répartition sur l’ensemble de l’agglomération agenaise. On touche là une des lacunes de la réponse apportée à l’époque. Elle était pour l’essentiel portée par l’Etat et la ville-centre sans que la Communauté d’agglomération et le département ne s’y sentent très motivés.

L’enjeu était pourtant considérable puisque, durant cette période de montée en puissance de 3 ans, ce sont au total plus de 1200 foyers qui s’installent sur l’agenais sur un total d’environ 50 000 soit 2,4 % en plus.

D’ailleurs, si je peux vous citer un chiffre qui m’est resté en mémoire : en 95, la municipalité signait 550 permis de construire par an. En 2000, elle en délivre plus de 2045.


III – La stabilisation et les nouveaux enjeux du partenariat


Dès l’année 2001, le 48ème RT se stabilise autour de 850 éléments.

Je voudrai bien insister sur ce point : l’accompagnement des collectivités locales est sensiblement différent pendant la phase de montée en puissance (1 à 2 ans) et la phase de stabilisation.
Aujourd’hui, nous pouvons considérer que l’intégration du régiment dans la ville et sa montée en puissance sont terminées. La ville d’Agen, son agglomération, les agenais et les membres du 48ème RT ont appris à se connaître et vivent en harmonie.


Plusieurs preuves viennent étayer mon propos :
Le 48ème RT est un acteur économique majeur d’abord comme employeur avec un effectif d’environ 800 membres.

Il est le 2ème ou le 3ème employeur de la ville, distancé seulement par BMS UPSA (avec 1200 emplois).

C’est aussi un acteur majeur au niveau budgétaire : sur les 1,5 millions d’euros de budget de fonctionnement annuels (et 18M€ investis dans l’infrastructure depuis 1995), une grande partie a des répercussions directes sur l’économie locale.

Mais, le régiment est également en train de devenir un véritable acteur-clé de notre vie socioculturelle. En effet, de nombreux partenariats sont en place : Charte entre la ville d’Agen et le régiment, convention renouvelée avec le SUA Rugby (où on me dit que les relations sont de plus chaleureuses…), SUA Foot, etc…

Mais tout partenariat doit être en permanence amélioré et je souhaite conclure par un regard à la fois lucide et constructif en suggérant quelques pistes d’amélioration.

1) Le recrutement et le retour à la vie active des engagés volontaires à la fin de leur période militaire

Les flux sont maintenant stabilisés, le régiment recrute environ 60 personnes par an. Ce recrutement se passe bien selon des proportions de 2/3 de personnes de l’agenais au sens large pour 1/3 venant de l’ensemble de la France.

En revanche, bien des choses sont à améliorer en ce qui concerne la fin de contrat et la rentrée dans la vie civile des engagés volontaires à la fin de leur contrat.

Il y a là, reconnaissons-le quelque chose de difficile à faire, l’armée ayant ses propres programmes de reconversion (plutôt organisés sur du moyen terme 1 à 2 ans) et le tissu économique recrutant à très court terme, au mieux quelques semaines.
Il y a là la place pour une innovation forte regroupant militaires et acteurs du marché de l’emploi local de manière à optimiser le suivi personnalisé des EVAT en fin de contrat et ainsi améliorer sensiblement les conditions de leur retour à la vie active civile.





2) Le taux d’emploi des conjoints


Selon les chiffres du 48ème RT, environ 40 % des conjoints des militaires du régiment travaillent actuellement dans la région agenaise alors que la moyenne nationale des couples biactifs est proche de 75 %.

Il s’agit là s’il est confirmé d’un écart considérable ; la priorité est d’abord à la compréhension de cet écart. Quelles sont les raisons qui font aujourd’hui que ces conjoints travaillent beaucoup moins que la moyenne nationale des conjoints au niveau français (déménagement fréquent, etc…). Il y a là en tout cas un axe de travail majeur pour un partenariat entre l’armée et les collectivités locales. Il est potentiellement la source d’une augmentation significative du pouvoir d’achat des familles des militaires et parce que les collectivités locales sont des interfaces efficaces quand elles veulent s’en donner la peine au niveau du marché du travail, principalement auprès des grands employeurs (BMS, DE SANGOSSE, le centre hospitalier…)

3) Les partenariats avec les pôles universitaires

Il existe déjà un début de partenariat avec des universitaires de Toulouse mais tout reste à inventer au niveau agenais (droits des conflits armés, exercice de l’autorité). Le 48ème RT pourrait notamment avoir un rôle prépondérant de témoins, d’éclairage sur les pratiques militaire et diplomatique, française et internationale…

Mais d’autres compétences qui font le cœur de votre métier pourraient servir de bases à un enseignement approfondi. Je pense notamment à votre connaissance et à votre pratique éprouvée des systèmes d’information.

Nous n’avons ébauché ici que l’aspect économique des liens entre l’armée et la Nation à travers le prisme agenais. Bien évidemment, ces liens sont d’une richesse bien plus grande. Pensons tout simplement à la présence militaire lors de chacune des fêtes nationales dans notre ville mais pensons aux liens que chaque agenais a pu tisser avec la communauté militaire.

J’ai déjà fait état de mon amitié avec le colonel PONTIES. Meilleur exemple encore, notre secrétaire de l’équipe parlementaire est elle-même femme et sœur de militaires du régiment. Et mon dernier fils joue tous les mercredi avec des fils de militaires du 48ème.



L’analyse rétrospective de la montée en puissance du 48ème RT sur notre territoire agenais nous montre qu’il faut des dispositifs complètement différents entre les phases d’implantation ou de retrait d’une unité militaire dans un département et la phase de régime stabilisé. Ainsi, même dans ces phases de régime permanents il nous reste beaucoup à faire pour optimiser le partenariat entre défense et territoires.

Finalement le Colonel LEPOIX et moi-même n’avons fait que défricher un sujet passionnant. Merci au Colonel PONTIES et aux organisateurs de ce colloque de nous avoir stimuler dans ce sens.

Personnellement, je me rappellerai de l'importance de ces enjeux et de ce partenariat dans l’exercice de mes mandats qui sont ou seront les miens dans les années à venir.

Je vous remercie.

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