10/10/03 - Relance du dossier du nucléaire : "Ne tuons pas le débat citoyen et parlementaire !"

Article paru dans le Figaro du 10 octobre 2003

Dissensions au sein du Parti socialiste et dans la majorité, applaudissements des communistes, levée de boucliers des Verts : la polémique fait rage après les recommandations de Nicole Fontaine en faveur de la construction d'un prototype de réacteur nucléaire de troisième génération, l'EPR.

Le dossier du nucléaire a toujours fissuré l'unité socialiste. Cette fois-ci encore, il met en lumière les divergences qui déchirent le parti. «Les socialistes hésitent entre satisfaire les écologistes et satisfaire les besoins des Français», analyse un observateur. Géraud Guibert, secrétaire national du PS chargé de l'environnement, résume la ligne officielle : «Nous sommes favorables au nucléaire, mais pas au tout-nucléaire. L'EPR est une technologie dépassée, qui date des années 80 et qui ne constitue pas un saut technologique par rapport à ce qui se fait aujourd'hui. Il ne résout en rien les problèmes de déchets. La durée de vie des centrales actuelles peut être prolongée au-delà de quarante ans. On a le temps d'effectuer des recherches afin de développer une quatrième génération de réacteur nettement plus prometteuse que l'EPR.»

Faux, rétorque cependant Christian Bataille, député socialiste du Nord, membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, favorable au lancement de l'EPR. En déplacement en Belgique, hier, dans le cadre d'une mission sur la gestion des déchets nucléaires qu'il doit conclure dans un an, il a confié au Figaro tout le bien qu'il pense de la position du ministre de l'Industrie : «C'est une excellente décision, l'EPR représente une amélioration par rapport à la technologie utilisée actuellement, estime le député, représentant du courant d'Henri Emmanuelli. La France est confrontée au problème du renouvellement de son parc nucléaire. Or, les réacteurs de quatrième génération ne seront industrialisables qu'en 2050, au mieux. L'EPR est indispensable pour nous permettre de conserver notre avance par rapport aux Japonais et aux Allemands.» Pour tenter de mettre tout le monde d'accord, François Hollande vient de charger Géraud Guibert de préparer, pour les prochaines semaines, un texte précisant la position officielle du parti.

Sans surprise, les Verts sont montés au créneau pour dénoncer «une bêtise financière et énergétique», selon Yves Cochet, et «une provocation» pour Noël Mamère, tandis que, place du Colonel-Fabien, au siège du PC, on apporte un soutien inconditionnel à Nicole Fontaine. «Ce réacteur répond à de réels besoins énergétiques, y estime le spécialiste de la question. En France, il y a danger de pénurie d'électricité si l'hiver est particulièrement froid et si la reprise économique est au rendez-vous. On l'a bien vu avec les récentes pannes en Italie. Il faut anticiper et moderniser le parc nucléaire français. Et puis, d'un point de vue strictement écologique, il s'agit d'un réacteur plus sûr, plus économique et qui produit moins de déchets.»

A droite aussi, l'EPR sème la zizanie. Si l'UMP est favorable à la construction du réacteur européen à eau sous pression – «A condition qu'il soit une solution transitoire en attendant ceux de la 4egénération, non producteurs de déchets» –, l'UDF critique vivement la démarche de Nicole Fontaine. «Nous disons au gouvernement : ne tuez pas le débat citoyen et le débat parlementaire, lance Jean Dionis-du-Séjour, député du Lot-et-Garonne, spécialiste des questions d'énergie au parti de François Bayrou. Ne craignez pas la polémique sur un sujet aussi passionnel que le nucléaire, faute de quoi vous risquez d'éveiller la méfiance des Français sur un sujet qui en suscite déjà beaucoup. Il faut revenir au calendrier initial qui prévoyait des discussions avec les citoyens puis un débat parlementaire.»