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06/10/04 - "Fruits et légumes : une crise sans précédent" (Discours de Jean Dionis du Séjour sur la deuxième lecture du projet de loi en faveur du développement des territoires ruraux)

Publication : 07/10/2004  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président Leroy, que je salue pour sa première séance de Présidence,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,

Le Groupe UDF s’était préparé au travail de cette deuxième lecture dans le prolongement de la première que nous avions à l’époque qualifiée de texte législatif utile mais relevant de l'école impressionniste pointilliste.

Seulement voilà : entre la lecture au Parlement et la rentrée parlementaire, une crise majeure a secoué cet été nos campagnes et plus particulièrement l’ensemble de la filière des fruits et légumes.

Légiférer sur la ruralité française sans réagir en face de cette crise qui la secoue brutalement serait proprement surréaliste.

La violence de cette crise - pensez aux producteurs du Sud-Ouest, mais aussi de la Vallée du Rhône, mais aussi de Bretagne, et du Val de Loire payés à peine à hauteur de la moitié du prix de revient de leurs productions ! -
le caractère nouveau et structurel de cette crise dont les racines, nous y reviendrons, se situent dans la compétition intra-européenne et dans le rapport de force particulièrement déséquilibré en France entre le monde de la production et de la distribution nous oblige à saisir la représentation nationale dès maintenant.
Monsieur le Ministre, je vous en supplie, ne nous répondez pas : ce n’est pas le moment, on en reparlera au moment de la loi d’orientation et de modernisation de l’agriculture ! Cette loi au mieux arrivera à l’Assemblée nationale au premier trimestre 2005 et, au mieux encore, comme elle soulève des sujets extrêmement sensibles, elle ne sera pas applicable avant la fin 2006 alors que sur le terrain, la question angoissante que se pose les agriculteurs est tout simplement : est-ce que j’arrête ou est-ce que je replante ?
Moi-même fils d’arboriculteur, je suis bien placé pour savoir ce qu’il y a à prendre et à laisser dans les plaintes de cette profession.
Mais vous à qui chaque jour apporte son lot de crises conjoncturelles ou climatiques, entendez Monsieur le Ministre le message que nous vous portons : cette crise ne ressemble à aucune autre.
Et elle appelle des réponses de fond et urgentes à la fois sur le coût du travail agricole et sur les relations entre la production agricole et la grande distribution.

Les causes de ces crises que l’on ne peut plus qualifier de conjoncturelles sont bien connues de tous. Il y a en France un problème structurel dramatique de manque de compétitivité pour les filières « produits frais » notamment dans la concurrence intra-communautaire. Le coût du travail excessivement élevé dans notre pays pénalise ces filières à forte intensité de main d’œuvre, notamment saisonnière. Il n’y a qu’à comparer le coût de l’heure de travail d’un saisonnier en Allemagne et en France, 6,15 €/h d’un côté contre 8,52 €/h de l’autre, ou d’un salarié en CDI : 10,52 €/h en France, 5,43 €/h en Espagne, pour comprendre que nos produits, bien qu’ils se distinguent par leur qualité, ne sont plus compétitifs sur le marché européen. L’Allemagne ou encore les Pays-Bas et l’Espagne ont su adapter leur législation aux enjeux agricoles modernes. Ils ont également su faire appel à une main d’œuvre saisonnière étrangère abondante en provenance des nouveaux Etats membre de l’Est. Elle représente dans certaines filières 90% des travailleurs saisonniers en Allemagne, 243 000 contre 10 000 en France !

Sur ce sujet, nous vous ferons un certain nombre de propositions que nous avons élaborées en concertation avec les organisations professionnelles concernées. Nos amendements traitent en priorité des problèmes de main d’œuvre saisonnière aussi bien française qu’étrangère mais aussi de la main d’œuvre permanente. Nous proposerons notamment la création « d’emplois francs agricoles » pour lesquels les charges patronales sont réduites à 10% pour une durée de 5 ans quels que soient l’âge et le niveau de qualification du salarié en CDI. Les allègements Fillon ne suffisent pas à compenser les fortes revalorisations du SMIC en 2004 et en 2005, notamment pour les entreprises qui recourent régulièrement aux heures supplémentaires comme c’est le cas dans ces filières. D’autre part, l’allègement Fillon, comme tous les allégements précédents, n’incite pas à mieux payer les salariés. Car plus l’employeur augmente le salaire, plus les exonérations de charges baissent. Les employeurs subissent une augmentation très forte du coût du travail au delà d’un certain seuil, 1,6 SMIC, ce qui nuit au recrutement d’un personnel d’encadrement de qualité. Il faut donc sortir de la dégressivité des aides et mettre en place des réductions massives de manière uniforme.
Sur la question des saisonniers, nous proposerons l’extension du contrat vendanges créé à l’initiative de notre collègue Charles de Courson aux activités de récoltes et nous proposons d’en faire bénéficier à titre exceptionnel les travailleurs étrangers.
A toutes ces propositions, votre administration est programmée pour nous répondre qu’elle n’a pas de marges de manœuvre budgétaires. Mais au nom de l’ensemble des parlementaires du Lot-et-Garonne et tout le Groupe UDF, je saisis le Ministre pour avoir une réponse politique : la France veut-elle jouer à armes égales avec les autres pays européens pour les produits frais en dehors de la PAC ? Si tel est le cas, vous savez bien que la réponse ne viendra pas, ou marginalement, de l’Europe. Il faut donc une réponse dès la loi de finances 2005, il faut donc de l’audace aussi au niveau des recettes. Nous vous proposerons de financer ces réductions de charges que nous avons chiffrer à hauteur de 600 millions d’euros en augmentant le taux de la TACA prélevée sur la grande distribution que nous proposons de rebaptiser : taxe d’aide aux commerçants, artisans et agriculteurs.

Reste à aborder sans tabou la question des relations commerciales entre les producteurs et les agriculteurs. Beaucoup de choses ont été dites sur ce sujet, particulièrement depuis que l’accord Sarkozy sur la baisse des prix à la consommation l’a fortement médiatisé. Je me contenterai donc de ne citer qu’un chiffre : des producteurs du Lot-et-Garonne ont vu leurs pommes payées 0,4 € le kilo et revendues à quelques kilomètres de là 2,4 € au consommateur dans toutes les grandes surfaces d’Agen, quelle que soit l’enseigne. Cela prouve d’une part que l’écart entre le prix d’achat et le prix de vente n’est plus tolérable aussi bien pour les producteurs qui sont privés de marges d’investissement pour rentabiliser ou améliorer leur outil de production que pour les consommateurs qui ne bénéficient pas des efforts de productivité des agriculteurs. Mais d’autre part cela montre clairement que l’entente commerciale entre les oligopoles de la grande distribution est une réalité mais aussi une menace qui pèse en permanence sur les agriculteurs.
Nous vous proposons donc une solution qui commence à faire l’unanimité dans le monde agricole, à savoir l’instauration en période de crises d’un coefficient multiplicateur liant le prix de vente au client final au prix d’achat au producteur.

Monsieur le Ministre, ne laissez pas passer l’opportunité de ce texte et de la discussion du budget pour 2005 pour faire une réponse à la hauteur de la crise. Sinon cette loi ne serait qu’une « boîte à outils » inutile mais aucun instrument pour reconstruire de l’activité économique durable sur ces territoires. Il faut donc agir, dans ce texte, sans attendre la discussion du projet de loi de finances qui fait l’impasse sur le secteur agricole, sans attendre la discussion du budget de l’agriculture qui condamne déjà tous les espoirs et sans attendre encore et toujours la future loi de modernisation et d’orientation agricole qui viendra trop tard pour de nombreux exploitants.

Sur les autres volets du texte, on trouve des dispositions utiles et pragmatiques adoptées à l’initiative du Parlement. Il s’en trouve une qui montre à quel point la sagesse de la Haute Assemblée n’est pas légendaire, c’est l’assouplissement de la loi Evin qui va enfin permettre aux AOC viticoles de promouvoir la qualité de leurs produits. L’UDF sera avec les députés UMP totalement solidaires de cette disposition qui n’est pas un appel immodéré à « la fête, au sexe ou au dépassement de soi » comme l’a déclaré de manière un peu imprudente notre collègue Claude Evin. Au contraire, l’amendement que notre commission a adopté est un amendement sobre qui rappelle les objectifs de modération qui doivent prévaloir dans tout message publicitaire sur un produit alcoolisé.

Il restera aussi à clarifier dans le détail les nouveaux critères intercommunaux des ZRR et à veiller à ne pas priver certaines communes d’aides fiscales indispensables à cause de leur proximité avec un bourg centre en croissance démographique.

Il restera également à consolider le volet chasse considérablement amélioré au Sénat qui a obtenu gain de cause sur de nombreux amendements que Charles de Courson avait déposés sans succès en première lecture ici même. A titre personnel, il y a un point auquel je tiens particulièrement et sur lequel je me battrai jusqu’au bout, c’est le maintien de la définition actuellement en vigueur sur l’autorisation de déplacement, d'un poste de chasse à l'autre, à véhicule. Ce serait une véritable provocation vis-à-vis des chasseurs de tout le Sud de la France s'il était décidé de durcir une mesure qui avait adoptée dans la funeste loi Voynet de 2000 !!! Enfin mon collègue Charles de Courson continuera à prêcher une réforme en profondeur de l’ONCFS, notamment sur la question de la garderie : le gouvernement s’y était engagé mais encore aujourd'hui toujours rien. Nous serons également très soucieux de trouver avec le rapporteur Lemoine un point d’équilibre sur la question de l’indemnisation des dégâts forestiers qui empoisonne depuis des années certaines zones rurales. Un premier pas a été accompli en commission et nous nous en réjouissons. Il conviendra de consolider cet acquis par des précisions rédactionnelles afin d’éviter tout risque de contentieux.

Bref, on le voit bien, les enjeux ruraux sont tels que ce texte ne peut se réduire à « diverses dispositions d’ordre rural ».
Il doit avoir une véritable colonne vertébrale structurée autour des ZRR qui vont enfin quasiment atteindre, sous la pression des élus ruraux, le niveau des efforts de discrimination positive dans les zones franches urbaines.
Mais il lui faut aussi dès maintenant, en urgence, un volet agricole ambitieux qui sera complété, le temps venu par la loi de modernisation agricole, mais qui permettra dès demain de faire face aux crises des filières de produits frais situés en dehors de la PAC.

Le Groupe UDF qui s’était abstenu en première lecture, malgré l’intérêt des dispositions qui sont apportées dans ce texte, attend une réaction politique à la hauteur des événements dramatiques de cet été.

Nous ne pouvons, pour l'instant, que réserver notre vote et le conditionner à la teneur de la réponse politique que vous ferez aux agriculteurs français.

Je vous remercie.

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