Faire campagne

Ca y est ! c’est parti, à Agen comme un peu partout dans nos bonnes villes de France, les candidats aux Municipales présentent leurs listes ….et jurent de « faire campagne » jusqu'à bout de leurs forces!

Faire campagne ! voilà une bien jolie expression française qui m’a intrigué. La campagne est. Elle s’impose à nous comme une réalité aimée ou détestée, mais comme une réalité incontournable.

Mais faire campagne, voilà qui est bizarre….J’ai fait travailler mon imagination et j’ai construit une explication dont je ne garantis pas la rigueur étymologique. L’activité démocratique, celle qui consiste pour des citoyens à être candidats à la représentation du peuple souverain, est récente. Dans notre pays, elle date du XIXème siècle. A cette époque, les candidats sont des notables résidant pour la plupart « à la Ville », mais la France est encore, pour quelques dizaines d’années, très majoritairement rurale. L’élection a ses règles : ce sont les électeurs qui commandent. Il fallait donc bien que nos notables urbains se rendent à la rencontre de leurs électeurs ruraux. Il leur fallait donc se rendre à la campagne, loin de leurs familles et douces maisons. Il leur fallait pour de longues journées….. « faire campagne » ! J’ai cherché sur Internet des cautions sérieuses à mon hypothèse sémantique. Je n’en ai pas trouvé…….Prudence, donc.

Il reste que l’activité de faire campagne est pour l’essentiel l’acte d’aller vers les décideurs que sont les citoyens pour les convaincre de voter pour vous. Et bien, petite confidence : j’aime bien cette période de campagne et je l’estime
indispensable.

Encore faut-il s’y engager à fond et de même que nos notables urbains du 19ième siècle n’hésitaient pas à aller salir leur souliers vernis dans les cours boueuses de leurs électeurs ruraux, à nous de sortir de nos bureaux, de notre cycle infernal, répétitif et ennuyeux de réunions pour aller vers les citoyens là où ils se trouvent et pour illustrer mon propos, je prendrai les deux bouts de la campagne : La visite à domicile et les réseaux sociaux.

Al, l’irremplaçable porte à porte ! Belle leçon d’humilité tellement on mesure à cette occasion la distance abyssale entre les préoccupations des électeurs et celle des candidats. Je sonne. Pas de réponse pendant plusieurs secondes, un rideau qui s’écarte prudemment, un visage dont je vois qu’il me reconnait. Une porte qui s’ouvre enfin et cette question inquiète : « Bonjour Monsieur le Maire, y a un problème ? ». Je m’empresse de rassurer : « Non, non, je viens pour ma campagne électorale » Soulagement manifeste : « Ah alors, rentrez, Monsieur le Maire…. » Je pose, alors, toujours la même question : « Si vous aviez une priorité pour Agen de 2014-2020, quelle serait-elle ? » Et pratiquement toujours la même réponse : « oh, vous savez, Monsieur le Maire, le quartier, ça va bien et la ville vous l’avez bien fait bouger !!! » Et puis en insistant : « Ah, si Monsieur la Maire, l’accès aux quais de la Gare, impossible pour des personnes handicapées….. » …Bien sûr, vous connaissez le problème, mais tout d’un coup vous en mesurez l’importance pour vos concitoyens.

A l’autre bout du spectre, les réseaux sociaux où sont nos jeunes à raison de plus d’une heure par jour en moyenne. Là, il faut faire court (-de 140 caractères pour Twitter), nos jeunes glissent et surfent vite sur le Net. Là, il faut des informations « fraîches » avec un zeste de castagne, Sud-Ouest oblige !!!!!!La tradition familiale chez les Dionis était épistolaire. Nous nous sommes donc très vite adaptés aux chroniques et maintenant aux Blogs. Les réseaux sociaux, ce fut au début exactement comme nos notables perdus dans les cours de nos fermes…. et puis, on s’adapte, on met les bottes et enfin, on se parle entre générations ….

J’aurai pu vous parler des marchés où tout commence par un sympathique et – mérité – commentaire de nos commerçants : « C’est la saison des élections, voilà, messieurs et mesdames les candidats ! », mais où , là aussi, on est bien obligé d’aller vers les gens et de les écouter…

Faire campagne, c’est se faire violence pour aller vers l’autre là où il vit, même si d’habitude je n’y vais jamais. Sacrée discipline, sacrée formation. Imaginez un instant que nous ne soyons plus en démocratie et que les responsables politiques n’aient plus intérêt à aller vers les citoyens. Très vite, la distance entre les citoyens et leurs dirigeants deviendrait insupportable.

Churchill, souvent indépassable en lucidité sur la nature humaine, qualifiait la démocratie « de pire des systèmes politiques, à l’exception de tous les autres !!!! ». C’est vrai. Notamment à cause de cette régulation qu’est l’élection. Car, elle impose cette formidable hygiène humaine qu’est une campagne électorale. Après une vraie campagne, difficile d’ignorer les problèmes, difficile de mépriser celles et ceux qui en souffrent…..

Allez, bonne campagne à tous les candidats !