29/11/2011 - COPIA PRIVA DELENDA EST
Explication de vote Rémunération pour copie privée –
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Au nom du groupe Nouveau centre, je tiens à dire que nous sommes ici aujourd'hui pour prendre date.
En effet, le projet de loi « rémunération pour copie privée » sur lequel nous sommes appelés à voter a pour objectif principal de garantir une compensation équitable des ayants droit au titre de l’exception de copie privée et ainsi de pérenniser les financements en faveur de la création, du spectacle vivant et de la formation des artistes.
Le concept de rémunération pour copie privée, dont nous sentons déjà dans le titre un parfum d'archaïsme, ne pourra jamais s’adapter à la révolution numérique.
Ce système se trouve aujourd’hui menacé, à la suite de l'arrêt dit « Padawan » rendu le 21 octobre 2010 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), et d’une décision du Conseil d’État dite « canal plus » du 17 juin dernier.
Dans notre droit comme dans le droit européen, les textes sont clairs, les supports acquis pour un usage professionnel doivent être exemptés du paiement de la rémunération pour copie privée.
Le Conseil d’État a donc légitimement condamné le système mis en place par la commission de la copie privée qui se bornait à appliquer la rémunération correspondante aux supports (CD, DVD, disques durs, clefs usb) susceptibles de servir à la fois pour un usage professionnel et pour un usage privé.
La décision du Conseil d’État prive donc de fondement juridique, à compter du 22 décembre prochain, les barèmes de perception de la copie privée, ce qui prive les SPRD et les ayants droits de la perception de 189 millions d’euros.
D’où l’urgence de l’examen du présent projet de loi.
La réponse du gouvernement est une réponse dont nous avons apprécié la modestie, le ministre, reconnaissant la nécessité d'une reforme globale, a parlé d'une réponse de court terme, d'une "loi rustine".
Et de fait, il existe un quasi-consensus pour assurer ce court terme, ces 189 millions d'euros représentant 10 % du montant des ayants droits.
Tout en reconnaissant l'importance du court terme, nous ne pouvons pas nous limiter à ce consensus, et nous nous devons de le préciser à nouveau, les centristes tiennent à prendre date à l'occasion de ce projet de loi.
Nous voulons prendre date pour dire a quel point le système de la copie privée est a bout de souffle, et je reprendrai le mot de Caton l'ancien, « COPIA PRIVA DELENDA EST » .
Parce que ce système rencontre donc au moins trois limites
1. Conceptuellement
Ce système date de 1985, de la copie sur des bandes magnétiques, des bonnes vielles cassettes audio et VHS.
En 1985, la copie étant en pratique assez limitée, elle fut autorisée au cercle familial et amical et une compensation équitable fut donc instaurée pour les ayants droits.
Mais aujourd'hui, à l'heure de nos 5000 amis Facebook, à l'heure de la reproduction quasi infinie des fichiers pour un coût quasi nul, nous percevons tous clairement que ce type de législation est archaïque.
Et plus fondamentalement encore, l'acte de copier recule et la diffusion en flux se généralise, pensons aux succès et aux taux de croissance de Deezer, Spotify, de la télévision de rattrapage, de la VOD, de Youtube, de Dailymotion.
Sans aucun doute, « COPIA PRIVA DELENDA EST »
2. Juridiquement ensuite,
Les 25% de cette taxe affecté aux initiatives culturelles, alors que le droit le dit clairement, la compensation équitable doit uniquement réparer un manque de rémunération pour copie, ce système n'est pas durable.
Encore une fois, « COPIA PRIVA DELENDA EST »
3. Enfin, nous voulons prendre date pour moderniser le rendement de la pompe de cette taxe.
Selon les estimations les plus justes sur les 189 millions collectés, seulement 100 millions sont redistribués et encore de manière opaque et contestable.
Définitivement, « COPIA PRIVA DELENDA EST »
Toutes ces raisons appellent une reforme urgente d'ensemble, une réforme qui ne pourra pas être bâtie sans les autres volets du financement de la culture à l'ère du numérique.
Nous sommes ici pour prendre date, parce que nous ne pourrons pas éviter les autres volets de la propriété intellectuelle, sans vouloir aborder le sujet hadopi.
Entendons nous bien, nous avons devant nous, et ce sera sans doute une des responsabilité des parlementaires de la prochaine législature, nous avons devant nous le chantier de la législation sur la protection de la propriété intellectuelle à l'ère du numérique, pour asseoir un nouveau financement pour les ayants droits.
« COPIA PRIVA DELENDA EST », le concept de copie privée est mort, mais ce qui ne l'est pas, c'est la participation des industriels du numérique au financement de la culture, et encore faudra-t-il le baser sur les pratiques courantes plus que sur un acte de copie qui deviendra éphémère voire fictif.
Monsieur le Ministre, le groupe Nouveau centre votera dans sa majorité pour ce projet de loi, mais à titre personnel je m'abstiendrai parce ce que je suis sceptique sur l'efficacité a court terme de cette loi rustine.
Citation
Le web permet de citer ses sources, tout le monde n'a pas lu Astérix.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Delenda_Carthago
J'avoue avoir du mal à filer la métaphore jusqu'au bout.
La taxe pour la copie privée est une aberration, sur la forme.