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Discours de Jean Dionis dans l'hémicycle au cours de la discussion générale sur le Grenelle de l'environnement

Publication : 09/10/2008  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

La loi dite de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement peut et doit devenir un texte fondateur d'une nouvelle société française.
La France en a besoin.
C’est pourquoi, compte tenu des enjeux, nous ne vous négocierons ni ne vous mégoterons notre soutien. Au nom du groupe Nouveau centre, je veux affirmer dès le début de mon intervention que les députés centristes voterons cette loi.

Autant être clair d’entrée, nous vous soutenons, Monsieur le Ministre, parce que nous soutenons l'objectif stratégique de ce texte, qui est de se désengager le plus rapidement possible de la dépendance aux hydrocarbures.

Nous vous soutenons aussi, monsieur le Ministre, parce que pour atteindre ce but, le grenelle de l'environnement ouvre des chantiers majeurs comme l'amélioration de l'efficacité énergétique de nos bâtiments et la transition de nos modes de transport du « tout automobile » à une approche faisant une place première au transport collectif urbain et au ferroviaire.

Nous soutenons l'objectif stratégique pour notre pays, nous soutenons la dynamique et les chantiers majeurs impulsés par cette loi, voilà le coeur des raisons de notre approbation.

Car ce projet de loi fixe enfin, par et dans la loi, la volonté nationale de désengager notre économie du « tout pétrole » et cela est justifié :

.Pour des raisons d'indépendance nationale et de géopolitique, le pétrole pas cher étant concentré, on le sait, dans les zones les plus dangereuses du monde (Irak, Arabie Saoudite)

. Pour des raisons écologiques : notre pays doit participer au défi mondial qu'est la réduction des gaz à effet de serre.


. et enfin pour des raisons économiques, le déséquilibre entre la demande et l'offre de pétrole amenant le pétrole à des prix toujours plus élevés menaçant directement nos équilibres commerciaux et notre compétitivité économique.

Cette volonté de désengagement des hydrocarbures n'est d'ailleurs pas nouvelle pour notre pays, elle a plus de 30 ans, depuis exactement le premier choc pétrolier de 1973.
Et notre pays a su trouvé, notamment avec le développement de son parc électro-nucléaire des réponses à la hauteur des défis qu'il devait relever.

Et bien nous avons le devoir impérieux de continuer dans les traces de nos ainés pour se désintoxiquer du pétrole même si nos réponses doivent être différentes.

La société des hydrocarbures abondants et à bas prix telle que nous l’avons connu est donc en voie de disparition accélérée.

Certains, et je pense ici à notre collègue Yves Cochet, affirment que nous avons déjà atteint le pic pétrolier et que la production mondiale de pétrole aurait déjà commencé à baisser. Ce qui est sûr, c’est que sous le double effet d'une croissance forte dans les pays émergents et d'une gestion a minima de l'offre du coté des pays producteurs, nous sommes déjà rentrés dans l'ère du pétrole rare et cher.

Le Grenelle de l'environnement, c'est d'abord l'histoire de la transition, et j'ose le dire à nouveau, de la désintoxication de notre pays de sa dépendance aux hydrocarbures.
Ceux-ci sont tellement omniprésents dans notre vie quotidienne (transports, chauffage, vêtements, etc) qu'il sera dur de « faire mourir en nous le vieil homme ».
J'ai pu de manière incidente le mesurer lorsque j'ai proposé dans un amendement que l'Assemblée nationale fasse un geste dans ce sens en renonçant à son parc de voitures et de chauffeurs à la demande.

Nous savons bien que pour réussir cette transition à la fois douloureuse et passionnante à vivre, il est clair que l'on ne peut pas compter uniquement sur les effets de l’augmentation du prix des hydrocarbures car son évolution est trop aléatoire, irrégulière et heurtée (ce sont les fameux chocs pétroliers extrêmement difficile à digérer pour nos sociétés).

Alors, oui, l’ensemble des leviers dont dispose l'État – réglementaires, budgétaires, fiscaux, etc. - ces leviers doivent être mobilisés au service de cette mutation d'intérêt général et c'est la justification profonde du Grenelle.


Or, cette révolution de nos comportements de producteurs et de consommateurs à laquelle nous appelle le Grenelle peut être une opportunité si nous prenons le problème à temps et avec intelligence.
C’est une chance en effet de pouvoir envisager un système économique plus sobre, plus durable, plus respectueux de notre environnement. Car, sur ce sujet, nous sommes en retard et nous avons une belle marge de progression.
Le réchauffement climatique est aujourd’hui une réalité. L’environnement qui se dégrade, nous pouvons tous le constater chaque jour.
J'entends souvent dire « Il est trop tard pour être pessimiste ».
Ça me paraît une évidence, il faut agir maintenant. Des études récentes ont montré que le trou constaté dans la couche d’ozone il y a quelques années est en passe de se résorber, grâce en partie à l’action menée à un niveau international de bannir les aérosols responsables. Preuve s'il en fallait, que nous avons les moyens d’inverser des tendances lourdes qui nous semblaient irrésistibles.


***


Au nom de mes collègues du groupe Nouveau centre, je tiens à revenir aussi sur le processus de concertation qui a abouti à ce projet de loi.

Monsieur le Ministre, vous avez été avec vos collègues Nathalie Kosiuscko-Morizet et Dominique Bussereau, les artisans – pour reprendre votre belle expression – de cette « conférence des parties prenantes de l'environnement».

Collectivités territoriales, syndicats, entreprises, associations, tous se sont réunis au sein de plusieurs groupes de travail. Beaucoup de choses ont été dites, beaucoup de problèmes ont été soulevés, bon nombre de propositions ont émergé.

Et nous tenons à saluer le caractère innovant de votre démarche. Elle aboutit notamment à donner la place qu’elles méritent aux grandes associations mobilisées pour la défense de l’environnement.
Enfin ! la société française reconnaît par le grenelle le capital d'engagement pour la cause environnementale et d'expertise que constituent les adhérents de ces associations que je salue ici.

Il y a là une percée majeure en terme de démocratie dans notre pays et celle-ci doit être pérennisée avec pour vocation le suivi de l'exécution du grenelle et en conséquence les corrections nécessaire de trajectoire, ce sera l'objet de l'un de nos amendements principaux.

De manière plus générale, ce Grenelle a déclenché au sein de toute la société française (entreprises privées, associations, élus) un effort d’imagination et de propositions sans précédent, que le Nouveau Centre tient à féliciter.

Cette démarche est un modèle en termes de concertation, de confrontation des points de vue et des intérêts divergents et de construction de consensus ou de convergence. Des gens qui ne se parlaient jamais si ce n'est dans le registre de l'insulte, militants écologistes et agriculteurs ou chasseurs, se sont rencontrés et se sont écoutés et se sont parlés.
Cette confrontation a été longue, elle a parfois été difficile mais elle a été féconde. Après quelques mois, il en est ressorti une liste de 273 engagements faisant l’objet d’un consensus entre toutes les parties prenantes. Ces engagements sont largement repris dans votre projet de loi et c'est ce qui lui donne une force politique rare que les centristes saluent, nous qui avons toujours tenu a développé une culture du consensus.

Au nom de mes collègues centristes, je fais le voeux que cet esprit du grenelle anime nos débats et nous permettent notamment de changer nos regards respectifs les uns sur les autres.

Les députés centristes tiennent ainsi à saluer l'apport du mouvement écologiste, de ses très nombreuses associations et de ses adhérents.
Ils ont été l'avant garde de ce mouvement de fond qui est aujourd'hui devenu la défense de notre environnement, que ce soit sur l'eau, pensons à René Dumont et à son verre d'eau de la campagne de 1974, que ce soit sur les déchets, sur le réchauffement climatique, ils ont eu souvent raison avant les autres, gardons en mémoire, au moment de démarrer nos discussions, cet apport incontestable.

Au mouvement écologiste lui même d'être à son tour dans les mêmes dispositions d'écoute, de rigueur, et d'humilité intellectuelle, notamment pour ce qui fait encore débat entre nous, je veux parler du débat sur le nucléaire et du débat sur la croissance.

A ce moment de mon intervention, Je voudrais aussi dire un mot sur les sujets qui ne sont pas abordés dans ce texte, certainement car ils ne faisaient pas l’objet d’un consensus à l’issue des tables rondes du Grenelle mais qui devront à un moment ou à un autre, être soulevés.

Le premier sujet est bien évidemment le nucléaire. C’est un thème sur lequel nous devons être sérieux. Or aujourd’hui aucun texte ne précise comment on remplace le parc actuel de nos 58 centrales qui sont appelées à s'arrêter entre 2010 et 2030.
Nous devons connaître le calendrier et le rythme. Aujourd’hui seul l’EPR de Flamandville est annoncé. Quid du reste ?

La deuxième question, bien plus philosophique, concerne le type de croissance que nous souhaitons pour notre pays. Je l’ai mentionné tout à l’heure, les écologistes ont une réflexion poussée sur ce sujet. Décroissance positive, sobriété… Ce sont des idées assez révolutionnaires que nous devons pas à balayer d’un revers de main même si très clairement nous y sommes aujourd'hui pas favorables.
Nous préférons mettre en avant la possibilité d'une nouvelle croissance, une croissance en termes de biens et de services rendus à nos concitoyens découplée d'une croissance de la consommation d'énergie. C’est un terrain neuf, à défricher auquel nous devons réfléchir ensemble, animé de l'esprit du Grenelle.

Aujourd'hui, c'est le temps du Parlement, seul dépositaire de la légitimité démocratique pour légiférer.

A vous, Monsieur le Ministre de respecter cette légitimité en ne sacralisant pas trop vos 273 propositions et votre texte initial et acceptant qu'il soit modifié et amélioré par les apports des représentants du peuple.


***


Les centristes prendront toute leur part dans ces travaux et au nom de notre groupe, je voudrais maintenant vous présenter les deux lignes forces de nos amendements.

D'abord, doter le Grenelle de l'environnement d'une gouvernance à moyen et long terme. Il s'agit là d'un chantier prioritaire pour assurer la réussite du grenelle.


Alors certes, il y a un titre consacré à ce sujet et qui ambitionne d’inclure activement les collectivités locales, les entreprises, les consommateurs à ce mouvement impulsé. Certes, il y a un article qui prévoit que la stratégie nationale de développement durable est élaborée par l’Etat en association avec ces mêmes collectivités, les associations, les représentants de la société civile et des milieux économiques. Certes, il est prévu que le Gouvernement rend compte chaque année de la mise en œuvre de cette stratégie devant le Parlement.


Mais tout cela est beaucoup trop faible par rapport à l'enjeu qu'est pour le grenelle le suivi de son exécution et la modification permanente des objectifs fixés, en fonction des évènements géopolitiques et des percées technologiques à venir qui bouleverseront nécessairement ce projet de loi.

Que restera-t-il des objectifs du grenelle si nous vivons à nouveau une crise géopolitique profonde comme par exemple un basculement politique en Arabie Saoudite ?

Que restera-il des objectifs du Grenelle comme par exemple la fin de la construction des autoroutes si les projets actuellement en cours sur les voitures à moteur électrique venaient à déboucher sur une véritable révolution à la fois technique et économique.

L’art d’éclairer le moyen terme et le long terme est un art difficile, surtout pour l'Etat, structuré autour de son suivi annualisé des ses lois de finances.

Nos cimetières sont remplis de gens illustres qui ont prévu l’inverse de ce qui s’est finalement passé. Nous devons avoir un travail pertinent et incessant sur la mise à jour des objectifs du grenelle et évidemment sur son exécution.

Car si ce texte, de cinquante articles, est une suite de mesures ambitieuses, elles sont également hétérogènes, que ce soit en termes d’objectifs, de délais ou de moyens. Ici, nous avons 2020, là 2012 ou 2015. Ici nous avons réduction par 4, là nous avons augmentation de 20% et ici encore, atteindre 25%. Ici nous avons des prêts à taux zéro, là des crédits d’impôts, et là encore une étude sur les conditions de financement.

Un tel catalogue, si on ne le fait pas vivre, flétrira bien vite et perdra en force et en compréhension. Grenelle n'aura été qu'un beau bouquet de roses et ne durera que ce que durent les roses « l'espace d'un matin » pour reprendre le poème de Malherbe.
A nous de faire du grenelle un bel arbre qui s'enracinera profondément et poussera droit et haut.
C'est loin d'être évident, et permettez moi de prendre un exemple un peu cruel, regardez aujourd'hui le cas des biocarburants de première génération. Ils ont fait l’objet d’un soutien actif et volontaire de l’Etat pendant plus de 4 ans, de 2003 à 2007. Loi d'orientation d'énergie en 2005, loi d'orientation agricole en 2006, rien n'était trop beau pour les bio-carburants!
la France se donnait systématiquement des objectifs supérieurs à ceux de l'Union Européenne en matière d'incorporation des bio-carburants à nos hydrocarbures traduisant dans ses décisions un puissant mouvement d'opinion publique en leur faveur.
Un système de défiscalisation a été mis en place pour permettre aux industriels de se lancer dans la construction d'unité de production nécessitant des millions d’euros d’investissements. Or ces usines sont aujourd'hui des usines morts-nées.

En effet, sous l'influence d'un mouvement d'opinion publique aussi fort mais d'orientation inverse, c'est ce qui s’annonce avec la baisse progressive de la défiscalisation jusqu’à disparition complète en 2012, sans aucune contrepartie. Pourtant, un rapport récent de l’ADEME reconnaît bien les vertus environnementales et énergétiques des bio-carburants de première génération.

Voilà un exemple où il a manqué de gouvernance à moyen terme et où nous paierons cher cette facture.

Un autre exemple, celui de la stratégie nationale de développement durable élaborée en 2003 et qui fixait 9 objectifs chiffrés pour faire un Etat exemplaire, à partir de 2004 et jusqu’en 2008. Qu’en est-il aujourd’hui ?... Je parierais que nous sommes loin du compte et que tout le monde a déjà oublié ces objectifs…

Je vous en supplie, ne réitérons pas les mêmes erreurs de fond.

A cet instant un peu solennel où nous démarrons les travaux du Grenelle, en conscience, une question doit nous obséder : pour reprendre une chanson d'un de mes compatriotes lot-et-garonnais, Francis Cabrel, Est-ce que ce monde est sérieux ? Avons-nous décidé d'être sérieux avec le grenelle de l'environnement ? Avons-nous décidé d'être sérieux en matière énergétique et environnementale ?

Si oui, alors donnons-nous les moyens de suivre pas à pas, très précisément, très sérieusement et très régulièrement, l’avancée de la mise en œuvre de cette loi et de l’atteinte de ces objectifs.

Pour répondre à ce besoin de gouvernance à moyen et long terme, le groupe Nouveau centre fait 3 propositions :


1. L'instauration de la conférence des parties prenantes du grenelle de l'environnement comme comité de suivi permanent de son exécution.

2. L'installation pour chaque enjeu prioritaire du grenelle (réchauffement climatique, performance énergétique, etc) d'une haute autorité scientifique, chargée de suivre et d’authentifier les mesures des phénomènes qui fondent le Grenelle mais également de certifier les performances des nouvelles technologies à venir susceptibles de modifier en profondeur les objectifs initiaux du texte.

3. Une loi triennale de suivi d'exécution et d'actualisation du suivi des objectifs du grenelle. en effet, le Parlement doit rester le lieu des arbitrages nécessaires en termes législatifs. Nous avons le devoir de nous pencher régulièrement sur la progression, les résultats obtenus et les retards en s’appuyant sur les avis rendus par la conférence des parties prenantes et ceux des autorités scientifiques pour enraciner cette loi et le mouvement de la société qu'elle entend déclenché.

La deuxième ligne force des propositions du Nouveau centre sera de soigner la cohérence entre les objectifs et les propositions de ce projet de loi et les moyens budgétaires et fiscaux dans nos lois de finances annuelles ou à 3 ans.

Vous le savez, les centristes sont viscéralement attachés à l'idée de ne pas transmettre aux générations futures nos déficits actuels.

Le groupe Nouveau Centre est depuis très longtemps attaché à l’idée de ne pas vivre sur le dos de nos enfants. Nous aurons la même vigilance pour la dette écologique que pour la dette financière.

Nous sommes très réservés sur la cohérence entre l’ensemble des objectifs avancés et notre capacité à les mettre en œuvre financièrement et sur ce sujet, ce projet de loi, sans étude d'impact financière, ne nous donne pas les moyens de vérifier cette cohérence. Nous avons espéré avoir en main le Grenelle 2 au moment ou nous légiférerions sur le Grenelle 1, malheureusement cela n'a pas été possible et force est de constater que nous manquons aujourd'hui de visibilité.

Enfin, les centristes vont également vous proposer d'autres amendements importants, j'en citerai 4 certains à titre d'exemple :

1.Le recours à la verticalité dans les programmes de reconquête des centres-villes pour lutter contre l’étalement urbain.

2.L’encouragement à l’énergie hydroélectrique par le renouvellement automatique des obligations d’achat pour les petits barrages.

3.Concernant les déchets, une plus grande ambition en matière de réduction des déchets et la mise en œuvre de la « taxe au poids »

4.Enfin, un développement fort des systèmes des nouvelles technologies et notamment des dispositifs de vidéo-conférence dans les administrations publiques afin de réduire les déplacements des agents.



Monsieur le Ministre, au nom des députés centristes, j'ai commencé à vous apporter notre soutien plein et entier, les centristes n'ont qu'un objectif au travers de nos propositions et de nos amendements :

Enraciner le Grenelle dans le temps pour garantir son succès, c'est cet état d'esprit nous animera pendant toute la durée de nos travaux.




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