Les jeux de procédure de l'opposition -ô combien subtiles pour le nouveau député que je suis- nous ont amenés à inverser l'ordre de passage des orateurs de l'UDF dans cette discussion générale. Nicolas Perruchot, notre porte-parole, devait présenter le premier la position de notre groupe ; il est retenu à cette heure par un conseil municipal à Blois ; je vous prie de l'en excuser. Il fera une intervention plus complète et plus argumentée en fin de séance.
Après l'avalanche de chiffres plus ou moins rigoureux fournis par Gaëtan Gorce, permettez-moi de vous faire part de quelques propos entendus à l'occasion de la campagne électorale sur la loi socialiste des trente-cinq heures, mais aussi, depuis notre élection, sur le projet de loi Fillon. Que l'on soit député UMP ou UDF, en juin dernier, nous avons tous reçu un mandat commun : transformer les lois Aubry. Elles ont fait peser une charge exorbitante sur les finances publiques - 70 milliards de francs supplémentaires par an ; elles ont perturbé nos services publics - en particulier les hôpitaux ; elles ont créé des inégalités insupportables entre les salariés du service public - dont l'évolution des salaires n'a pas été affectée - et ceux du secteur privé, pour qui l'arrivée de ces lois s'est traduite par le gel voire la baisse des salaires ; elles ont détérioré la compétitivité française - notre pays se situe au douzième rang européen. Tout cela dans un climat social détestable, et pour quels résultats ? À peine 300 000 emplois ont été créés en cinq ans alors que dans la même période, la seule croissance en créait 1 650 000. Convenez-en : c'est très peu, au vu du coût astronomique de cette loi.
Pourquoi une si médiocre efficacité de l'action publique ? Parce que votre approche, shootée à l'étatisme, ne convient plus à un grand pays moderne et démocratique.
À l'inverse, votre proposition, Monsieur le ministre, s'inscrit dans la mise en oeuvre des engagements que nous avons pris devant nos électeurs.
Au-delà, ses principes fondamentaux correspondent à notre projet politique commun : permettre à ceux qui veulent travailler plus de gagner plus, par le passage de 130 à 180 heures du contingent d'heures supplémentaires et la possibilité offerte aux cadres de se faire payer les jours de RTT ; redonner toute sa place au travail en faisant progresser le SMIC horaire de 11,4 % en trois ans et en unifiant par le haut les cinq SMIC légués par la loi Aubry ; reconnaître le rôle des petits entrepreneurs en prorogeant jusqu'à la fin de 2005 le taux de rémunération réduit à 10 % des heures supplémentaires pour les entreprises de moins de vingt salariés. Ces réponses sont conformes au projet politique de la majorité, qui associe le monde du travail - notamment les ouvriers et les employés - et celui de l'entreprise - notamment les petits entrepreneurs.
Pour n'avoir répondu ni à l'attente des premiers, ni à celle des seconds, et pour avoir concentré ses efforts sur les fonctionnaires, la gauche a payé le prix fort électoral : les 35 heures et l'insécurité sont les deux principaux motifs de la désaffection de l'électorat populaire.
Votre effondrement spectaculaire dans le monde ouvrier - moins de 15 % des ouvriers auraient voté pour Lionel Jospin au premier tour, contre 75 % en 1974 - aurait dû vous conduire à une attitude plus constructive sur ce texte. Vous avez choisi la stratégie inverse : refaire une unité de façade - on sent bien dans vos rangs l'appel du « Nouveau monde » - en appelant à la rescousse tous les mânes de votre famille politique : Léon Blum, Léo Lagrange...
Les députés de l'UDF, quant à eux, se retrouvent dans les grandes orientations de ce texte et l'approuveront. Ils souhaitent cependant, comme le détaillera Nicolas Perruchot, l'améliorer sur deux points. D'abord en transférant du domaine réglementaire à la négociation entre partenaires sociaux tout ce qui ne relève pas de l'ordre public social, comme le régime des heures supplémentaires ou leur rémunération. Pourquoi donc confier le taux de rémunération des heures supplémentaires à la négociation sociale, tout en précisant qu'à défaut d'accord ce sera 25 % pour les huit premières heures et 50 % pour les suivantes ? Quel syndicat osera proposer moins que le taux plancher légal ? Pourquoi n'avoir pas donné sa chance à la négociation sociale ? Pourquoi un taux plancher unique qui rappelle la logique archaïque des lois Aubry ? Nous proposerons donc une série d'amendements.
Il faut ensuite maîtriser l'évolution du coût global du travail. La légitime revalorisation des SMIC et le paiement en heures supplémentaires des heures comprises entre la 35ème et la 39ème heure n'a de sens que si le coût global du travail reste stable. Aussi vous proposerons-nous une exonération de charges sociales à hauteur du surcoût des heures supplémentaires - 10, 25 ou 50 %. Nous proposons que la 36ème, la 37ème, la 38ème et la 39ème heure soient neutres, en terme de coût global pour l'entrepreneur.
J'anticipe votre réponse, Monsieur le ministre, sur l'état des finances publiques et des régimes sociaux.
Notre défi commun sera, dans une conjoncture difficile, de faire en sorte que la machine économique France crée plus d'emplois qu'il n'en disparaît. Cette neutralité économique des heures supplémentaires serait un atout important.
Nous savons que le budget 2003 sera notre premier budget, difficile et ne permettant guère encore de voir le résultat des changements que nous impulsons. À vous de dire, comme vous l'avez fait pour le SMIC horaire, ce que vous comptez faire en 2004 et en 2005.
La baisse des charges sociales au service de la création d'emplois avec revalorisation simultanée des salaires modestes doit être notre priorité. Elle l'est depuis longtemps pour notre famille politique.
Certains, qui viennent de nos rangs et vous ont rejoint - je pense à Pierre Méhaignerie, à Jacques Barrot - peuvent en témoigner. Monsieur le ministre, nous voterons votre texte. Permettez-moi cependant de vous dire que dans ma circonscription, j'ai entendu à la fois la satisfaction du monde du travail, et les réserves du monde de l'entreprise, déçu par la prudence de votre projet. Ce texte, le nôtre, celui du rassemblement du monde du travail et de l'entreprise, est celui dont la France a besoin.
Dans sa mise en oeuvre, vous pouvez compter sur notre soutien fidèle, mais exigeant en matière de justice sociale et de modernisation économique".
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).
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