Demain, lundi 24 février 2025, sera le jour d’un sinistre anniversaire : le troisième anniversaire de l’agression russe contre la nation ukrainienne.
Demain, Agen aura de la mémoire et marquera cette date par une banderole de soutien sur notre Hôtel de Ville et par une réception de l’association des Ukrainiens d’Agen, que nous n’avons jamais cessé de soutenir.
Demain, nous, Français, si loin de l’Ukraine, en apparence si protégés de toute agression, devons faire l’effort de nous informer, de comprendre ce qui se passe là-bas et les enjeux de ce conflit.
Depuis trois ans, les Ukrainiens se battent seuls contre le rouleau compresseur russe. Selon les informations sérieuses dont nous disposons, le peuple ukrainien a payé un tribut atrocement élevé dans ce conflit. Les chiffres sont glaçants :
- 100 000 soldats ukrainiens morts et 200 000 blessés (200 000 soldats russes morts et 400 000 blessés)
- 10 000 civils ukrainiens morts et 28 000 blessés (selon l’ONU)
- 18,2 % du territoire national contrôlé par les Russes (quasiment stable depuis trois ans)
- 6 millions d’Ukrainiens exilés dans toute l’Europe (dont 4 millions bénéficiant d’une protection temporaire, notre pays, la France, n’accueillant qu’une petite partie de ce flux énorme : 58 530 personnes résidant en France)
- Le PIB national de 2023 en chute de 30 % par rapport à celui de 2022.
Quel que soit l’angle de vue ou d’analyse pris, les efforts de nos amis ukrainiens sont énormes et héroïques. Il nous faut ouvrir les yeux sur cet héroïsme.
Trois ans après le 24 février 2022, nos amis ukrainiens nous regardent, meurtris, mais fiers et debout !
Il y a deux ans, j’ai écrit une chronique (la lire ici) dont le titre fut malheureusement prophétique :
« Ukraine An III : pourvu que l’arrière tienne ! », reprenant la boutade de nos poilus de 1914, inquiets eux aussi de la solidité de l’aide que leur apportaient la nation et ses alliés.
La conclusion de ma chronique était elle aussi prémonitoire. J’y affirmais :
« L’Ukraine a besoin d’alliés solides. Ce sera l’honneur de la France de ce début du XXIe siècle d’être de ceux-là. »
Or, l’Ukraine et l’Union européenne sont, ces jours-ci, sous le choc de la trahison du nouveau président des États-Unis, Donald Trump. Celui-ci vient d’abandonner lâchement l’Ukraine en portant des accusations folles contre ce pays et son président, qui aurait, selon lui, démarré la guerre, en entamant des négociations de paix directes avec la Russie sans y associer les Ukrainiens ni même l’Union européenne, et en demandant le remboursement de l’aide américaine à l’Ukraine par le biais d’une proposition d’accord scandaleux spoliant l’Ukraine des ressources de son sous-sol (terres rares).
Disons-le franchement : la trahison de Donald Trump me révulse. Il y a trop de mensonges, trop de félonies, trop d’égoïsme brutal dans cette position pour ne pas la condamner sans ambiguïté.
La trahison du président Trump est un coup très dur pour nos amis ukrainiens, qui avaient certainement anticipé une prise de distance des États-Unis, mais certainement pas ce lâchage en rase campagne et ce soutien affiché à Vladimir Poutine, criminel de guerre poursuivi par la justice internationale.
La cause ukrainienne est-elle devenue une cause perdue pour autant ? Je ne le crois pas, et pour s’en convaincre, il faut d’abord faire un point précis sur cette fameuse aide financière et militaire à l’Ukraine depuis 2022.
Les pays européens, en particulier les anciennes républiques soviétiques, fournissent environ 61,8 % de l’aide totale (247,4 milliards d’euros, sur un total de 399,6 milliards promis). Les États-Unis représentent, à eux seuls, près de 30 % du total.
De la Norvège aux pays baltes, sept pays des flancs est et nord de l’Europe se montrent les plus généreux, avec une part de 1 % à 3 % de leur PIB consacrée à l’aide à l’Ukraine. La Pologne pointe en dixième position, avec 5 milliards – soit 0,8 % de son PIB. À l’Ouest, les principaux donateurs sont les Pays-Bas (10,9 milliards d’euros, soit 1,16 %) et le Royaume-Uni (27,18 milliards, 0,93 %).
La France n’occupe qu’un modeste 24e rang, avec 7,48 milliards (0,27 % de son PIB). Nous pouvons et devons faire mieux. Pas uniquement pour d’évidentes raisons morales, mais parce que l’Ukraine est la première ligne de défense de l’Union européenne.
À la lecture de ces chiffres, nous pouvons remettre à sa juste place l’aide américaine (30 % du total) : importante, mais pas forcément décisive.
Cela dépendra de nous, les Européens. Serons-nous capables, directement par l’Union européenne ou par le biais des contributions nationales des pays membres, de combler le vide laissé par le départ américain ? Je le souhaite ardemment.
Je le crois d’autant plus nécessaire que je suis persuadé que le président américain va voir, dans les mois qui viennent, les limites de son propre pouvoir : réactions internationales, réactions de son propre peuple… Je garde confiance et amitié dans la grande nation américaine. Elle va se réveiller et corriger les excès de son président.
J’entends enfin celles et ceux qui, sincèrement, veulent une paix solide, durable… maintenant. Trop de morts, trop de souffrances, disent-ils, et ils ont raison…
Mais ils doivent comprendre qu’à juste titre, jamais nos amis ukrainiens n’accepteront une paix qui serait construite sans eux et contre eux. Et ils auront raison.
À eux d’avoir le courage et l’héroïsme nécessaires pour tenir sur le front,
À nous d’avoir les nerfs solides et la tête froide pour tenir à l’arrière.
@+,
Jean Dionis, maire d’Agen