Impossible ce dimanche de ne pas revenir sur l’enchaînement qui a lié, au moins en Lot-et-Garonne, les affrontements de Sainte-Soline et la venue contrariée, par la Coordination rurale 47 dans notre département, de Marine TONDELIER, la secrétaire nationale des Verts (EELV).
La rigueur intellectuelle nous impose en effet de lier ces deux évènements et de respecter leur chronologie.
Tout commence donc le samedi 25 mars à Sainte-Soline dans les Deux Sèvres, lors du rassemblement « anti-bassines ». Sur le fond de cette affaire, j’ai essayé de donner calmement mon point de vue, favorable aux bassines, lors de ma dernière chronique (à lire juste ici).
Mais ce n’est pas le débat qui m’intéresse aujourd’hui. Le débat contradictoire que je veux mettre sur la table et partager dans cette chronique est celui du niveau de violence atteint à Sainte Soline et des questions politiques qu'il soulève.
J’avoue avoir été personnellement choqué par le niveau de violence atteint à Sainte-Soline . Le bilan publié par les organisateurs de la manifestation est effrayant : on dénombre 200 blessés chez les manifestants dont 40 grièvement touchés (principalement par des éclats de grenades de désencerclement et des tirs de lanceurs de balles de défense) et 2 blessés qui étaient toujours mardi soir dans le coma ainsi que 47 gendarmes atteints par divers projectiles (boules de pétanque, mortiers d’artifice, cocktails molotov, etc. (source : lemonde.fr)).
Et, bien sûr, les manifestants et le Ministère de l’intérieur se renvoient la responsabilité de cette violence. J’ai lu, sur les réseaux sociaux, Cécile DUFLOT nous expliquer que s’il n’y avait pas eu de déploiement de forces de l’ordre à Sainte-Soline, rien ne serait passé mis à part « quelques dégradations ». Eh bien, je n’y crois pas une seconde. Je suis convaincu que, sans les forces de l’ordre, les casseurs auraient tout cassé (vannes, canalisations, etc.) et qu’ils auraient installé là une énième nouvelle ZAD ("zone à défendre").
Dès lors, la gauche version NUPES, et plus spécialement, le mouvement écologique sont placés devant une décision lourde de conséquences pour la suite de la vie politique française : décident-ils, une fois pour toutes, de prendre leurs distances par rapport à l’ultragauche violente et antidémocratique, qu’elle soit d’ailleurs ou non écologique ?
Le sujet est d’abord politique . Après Sivens, après Notre-Dame-des-Landes, il est clair que l’ultragauche (black blocs, etc.) s’invitera à toutes les manifestations écologiques significatives. La gauche NUPES et, plus spécialement, les verts acceptent-t-ils de manifester aux côtés de cette ultragauche-là ? Le mouvement écologique, que je considère comme indispensable à notre vie politique, n’échappera pas à cette clarification qui va conditionner pour longtemps sa crédibilité comme parti de gouvernement.
Mais, le problème est aussi idéologique . Il y a, dans l’archipel écologique, un courant que j’appelle "apocalyptique" (la mouvance Soulèvements de la terre en est un bon exemple) et dont la synthèse du discours est à peu près cela : « Nous allons droit dans le mur écologique. Il y a urgence à agir. Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de la démocratie. Il faut d’abord des actions de résistances, puis une gestion autoritaire pour se mobiliser fortement et en urgence ». Eh bien, je dis que ce discours qui fait l’économie de la démocratie est un discours dangereux, voir mortel.
L’écologie politique en est là, exactement à la croisée des chemins : soit elle accepte les dures règles de la démocratie et elle a une chance, un jour, d’être majoritaire dans notre pays, soit elle s’isole dans l’action violente et elle se marginalisera durablement et, avec elle, la cause écologique perdra force et influence dans notre pays.
Vient ensuite la visite de Marine TONDELIER dans mon département le Lot-et-Garonne… deux jours après Sainte-Soline .
Le Lot-et-Garonne, mon département, mérite de ma part quelques mots de présentation à toutes les bonnes consciences qui en ont mal parlé ces derniers jours. Le Lot-et-Garonne est une terre d’excellence agricole dans des dizaines de filières. Nous sommes une terre où le syndicalisme agricole est dur, sans concession. Nous sommes une terre où il n’y a pas d’opposition entre ruraux et urbains, entre ruraux et bobos, une terre où, par exemple, la quasi-totalité des 317 maires de notre département ont soutenu la réalisation par nos agriculteurs – certes illégale, mais après quelle histoire, quel naufrage de l’Etat ! – du barrage de Caussade. Voilà ce que nous sommes et il est clair que chez nous, les évènements de Sainte-Soline ont eu un intense et amer retentissement, comme une nouvelle humiliation infligée à nos agriculteurs.
Alors oui, c’est clair. Venir chez nous, deux jours après avoir manifesté à côté (je suis prudent) des black blocs et autres « Soulèvements de la Terre », chère Madame TONDELIER, c’était au mieux une maladresse, au pire une provocation…
Après avoir affirmé cela en préalable, comme c’était nécessaire, je peux dire, sans aucun problème, que je ne partage en aucune façon le choix fait par la Coordination Rurale 47 et par le Président de la Chambre d’agriculture de contrarier et, de fait, d’empêcher la tenue de réunion publique de la secrétaire générale des Verts. D’abord parce que notre loi, c’est la liberté de circulation et d’expression pour chaque citoyen. Après, parce qu’au fond de moi-même, je ne crois qu’au débat contradictoire et parce que j’aurai préféré que nos responsables agricoles portent la contradiction à Marine TONDELIER, notamment là où le discours écologique est faible, par exemple, sur le stockage hivernal de l’eau.
Enfin, j’espère que toutes les bonnes consciences qui ont tapé sur notre département ces derniers jours auront, au moins, l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’en Lot-et-Garonne, chez nous, la violence a été contenue et c’est d’ailleurs notre tradition. Observateur du syndicalisme agricole dans mon département depuis plus de trente ans, je l’ai vu souvent verser du purin à droite et à gauche. Jamais, je ne l’ai vu incendier des véhicules de gendarmerie comme cela été fait à Sainte-Soline samedi dernier.
Pour conclure, la ligne rouge à ne pas franchir en démocratie, c’est clairement celle de la violence physique. Cette ligne rouge, elle a été franchie à Sainte-Soline, pas en Lot-et-Garonne, ces derniers jours. Elle a été franchie par l’ultragauche.
A tous les démocrates de ce pays, merci de l’isoler et de la marginaliser pour la mettre hors d’état de nuire.
@+
Jean Dionis
Maire d’Agen