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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Notes de lecture : Les Pensées de Blaise Pascal

Publication : 20/02/2023  |  15:56  |  Auteur : Webmaster

 

 J’ai lu les Pensées, de Pascal ... Bizarre, non ?  Avec tous ces livres passionnants sur l’actualité que j’ai envie de lire, mais que je n’ai pas lus, faute de temps ou de volonté. Quelle mouche m’a donc piqué pour aller vers un auteur plutôt difficile de ce 17ème siècle si lointain ? J’ai toujours été intrigué par ce qui déclenche le désir de lecture : la publicité et ses prix littéraires, les critiques littéraires, véritables prescripteurs, la famille, les amis … Pour faire naître en moi, le désir de lire « les pensées de Pascal », le prescripteur, l’ami ne fut rien moins que Michel Serres.

En effet, celui-ci, dans son dernier ouvrage Relire le relié (Editions le pommier), affirme : « Blaise Pascal est intrinsèquement chrétien. Dieu Existe, il s’est incarné en Jésus-Christ, et à partir de là, tout s’ordonne… ».  Comme la foi chrétienne a clairement été un des points fixes de mon parcours personnel, le constat de Michel Serres me percute et instantanément réveille mon intérêt pour Blaise Pascal. Réveil facilité par l’admiration que j’ai toujours eu pour celui que je regarde comme un authentique génie encyclopédique français, qui a embrassé durant sa courte vie (il meurt à 39 ans), mathématiques, physique, philosophie, théologie, …

J’appelle à la rescousse, et ma mémoire, et Wikipédia. Ce dernier, toujours efficace, répond fidèlement. Plus surprenant, ma mémoire aussi et je revois mon professeur de lettres du Lycée Bernard Palissy, M. Cancès, nous initier aux concepts clef de la pensée Pascalienne : le divertissement, la vanité, les trois ordres… Il ne manquait qu’une pichenette du destin pour faire de moi un lecteur des Pensées pascaliennes et ce fut le hasard qui la donna en faisant tomber mon regard sur une vieille édition des Pensées dans la bibliothèque familiale, vieil héritage de mon grand-père, Pierre Mesnard, professeur de Philosophie dont j’ai déjà parlé dans mes chroniques (regardez sa fiche Wikipédia ici)

 Me voilà donc lecteur des Pensées… Lecture pas facile pour être honnête Le français du XVIIème siècle complique la lecture. Mais, plus encore, c’est le caractère éclaté, fragmenté des Pensées qui m’a – souvent – dérouté. Enfin, les Pensées ne sont pas un sommet désincarné de la philosophie mondiale, elles sont celles d’un homme de son époque, engagé dans les polémiques de cette époque, contre les Jésuites et leur casuistique hypocrite ; pour les Jansénistes, contre Montaigne (« on peut excuser ses sentiments un peu libres et voluptueux en quelques rencontres de la vie, on ne peut excuser ses sentiments tous païens sur la mort… or, il ne pense qu’à mourir lâchement et mollement par tout son livre ») et surtout contre Descartes et son rationalisme qui annonce le Dieu grand horloger du siècle des Lumières (« Je ne puis pardonner à Descartes. Il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, se passer de Dieu ; il n’a pu s’empêcher de lui faire donner une chiquenaude pour mettre le monde en mouvement. Après cela, il n’a plus que faire de Dieu »).

 Lecture compliquée donc, mais ô combien puissante et résolument moderne. 

Une fois refermé le livre, les Pensées de Pascal, ce fut pour moi d’abord le rappel à ses fondamentaux et, d’abord, à l’insignifiance de la condition humaine par rapport à tout ce que la science nous apprend sur les deux infinis, grand et petit, qui nous accompagnent. Lorsque Pascal écrit : « le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », quatre cents ans plus tard et avec toutes les avancées de la science qui vont avec, nous savons maintenant que l’âge probable de l’Univers est de 13 milliard d’années et nous savons isoler non seulement les atomes, mais les photons, grains élémentaires de lumière comme nous l’a montré récemment notre prix Nobel de Physique, Alain Aspect. Pascal, à juste titre, nous rappelle que « l’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant » et il refonde la condition humaine à partir de cette aptitude à penser « Toute notre dignité consiste donc en la pensée… travaillons donc à bien penser voilà, le principe de la morale ».

Pas surprenant, que de cette réalité de la fragilité de la condition humaine, Pascal se fait à la fois le relais de l’Ecclésiaste de la Bible et de son « vanité des vanités, tout est vanité » en rappelant son étonnement de l’aveuglement des hommes devant la vanité des choses de ce monde. « Qu’une chose aussi visible qu’est la vanité du monde soit si peu connue, que ce soit une chose étrange et surprenante de dire que c’est une sottise de chercher les grandeurs, cela est admirable… ».

Plus puissante encore est sa réflexion sur les racines profondes du divertissement, étymologiquement, du détournement. « Les hommes n’ayant pu guéri la mort, la misère, l’ignorance, ils sont avisés pour se rendre heureux de n’y point penser ». Qui d’entre nous contesterait la profondeur de ce regard ?  

 En attendant… il faut bien vivre et, si possible , en société et Pascal va nous proposer d’organiser notre vie en société autour de trois ordres rigoureusement étanches les uns avec les autres. « La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle ». Et bien, là encore, je pense que cette vision du monde qui remet chaque ordre (le Pouvoir, les Sciences, la Charité) à sa place, avec son autonomie et son étanchéité, ferait le plus grand bien à notre monde actuel et à quelques uns de ses débats confus et dangereux. Je pense notamment à celui voulant positionner loi des hommes et loi de Dieu.

Reste qu’à la fin, comme l’a remarqué avec profondeur Michel Serres, tout s’ordonne avec la grâce de la rencontre avec Dieu. Pour Pascal, ce fut le lundi 23 novembre 1654 (il a 31 ans), le soir, entre 22h30 et minuit 30 :  Ecoutons- le.

 « Dieu D’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob,

    Non des philosophes et des savants,

    Certitude, Certitude, sentiment, joie, paix … »

La rencontre du jeune génie avec Dieu s’inscrit dans le sillage des conversions fulgurantes allant de celle de Saint-Paul sur le chemin de Damas, à celles, plus proches de nous, de Péguy et de Claudel.

*******

Oui, cela m’a fait du bien de m’échapper de mes sentiers habituels de l’actualité et de la vie politique, même si je sais que ma place, là où j’ai du cœur à l’ouvrage et où je peux être utile, est précisément sur ces chemins.  Merci à Michel Serres de m’en avoir détourné, le temps d’une rencontre avec Pascal. Attention, c’est contagieux, peut-être que moi-même vous détournerai-je de vos routes habituelles

  @+,

  Jean Dionis  

Maire d’Agen 

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