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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Sous la Coupole

Publication : 13/02/2023  |  11:06  |  Auteur : Webmaster
Photo de Mario VARGAZ LLOSA par EMMANUEL DUNAND - AFP pour Le Point Culture 09.02.2023

 

J’ai vécu, jeudi dernier, un moment rare, un moment d’exception. En effet, Hélène et Jean-François SERRES, les enfants de notre Michel national, m’avaient invités à la cérémonie d’intronisation de Mario VARGAS LLOSA à l’Académie Française au fauteuil n°18, précédemment occupé par Michel Serres. Le beau rituel de l’Académie française veut qu’elle prenne le plus grand soin de chacune de ses quarante places d’immortels, qu’à ce titre elle garde une histoire précise de la généalogie de chacun d’entre eux et que tout successeur commence sa (forcément longue) vie d’immortel par l’éloge de son prédécesseur. La famille de Michel Serres était donc invitée d’honneur à cette cérémonie et elle a eu la délicate attention de m’y associer. Je l’en remercie du fond du cœur.

Plusieurs raisons m’ont poussé à accepter avec enthousiasme cette invitation à découvrir cette institution et le lieu qui l’accueille :

 L’histoire familiale, d’abord. 

Ma famille maternelle, les Mesnard, a eu comme personnalité tutélaire, Pierre MESNARD (lire ma chronique ici), mon grand-père, professeur de philosophie de profession et membre de l’académie des sciences morales et politiques. Enfant, comme mes nombreux cousins, j’ai rêvé à toute la symbolique de l’académie : l’habit, l’épée, vue sur mon grand-père, avec des étoiles dans les yeux…  J’étais donc curieux de retrouver ce rêve de mon enfance grandeur nature et, ceci, d’autant plus que, si j’étais très souvent passé Quai Conti, je n’étais jamais allé sous la Coupole.

Et je n’ai pas été déçu par cette découverte que je n’avais que très mal imaginé. La coupole est si haute, si aérienne et le chœur où siègent nos quarante immortels si petit, à peine une vingtaine d’académiciens, pour la plupart inconnus de votre serviteur à l’exception heureuse de Xavier DARCOS, avec qui j’ai partagé, dans une autre vie, des combats de politique régionale.    

 La fidélité à Michel Serres, qui m’a tant marqué, ensuite. 

Je voulais entendre Mario VARGAS LLOSA, c'est-à-dire un des géants de la littérature mondiale, prix Nobel en 2010, faire l’éloge de Michel SERRES. J’ai entendu … et j’ai été déçu. Le Discours de Mario VARGAS LLOSA n’était pas sans intérêt. Il était même intéressant de parti pris dans l’œuvre gigantesque de Michel Serres. Mais prendre comme seul point de vue sur l’œuvre de Michel Serres, les « Cinq Sens » et « La Fontaine » et sa dénonciation de la séparation entre sciences dures et sciences humaines, cela ne fait pas pour moi un éloge de Michel Serres, digne de l’évènement. Où était donc passée cette fameuse vision prophétique avec pour lignes force le devenir l’éducation, de l’écologie et des percées du numérique ? Bref, ce fameux discours de synthèse et de passage de relais, nous l’attendons toujours… peut-être pour la session inaugurale des 3èmes Rencontres Philosophiques Michel Serres le 11 novembre prochain ? Peut-être à l’occasion du centenaire de sa naissance en 2030 ? Les volontaires sont priés de se manifester auprès de David DJAÏZ.

 Le vif désir de voir l’Académie Française faire son cœur de métier

A savoir la promotion et la défense de la langue française, notre langue … en accueillant Mario VARGAS LLOSA en son sein, la stratégie de défense de notre langue choisie par l’Académie pouvait poser problème : celui-ci est péruvien et n’a jamais écrit qu’en Espagnol. Mais les deux très beaux discours entendus – celui de Mario VARGAS LLOSA d’une part et celui de Daniel RONDEAU qui lui répondait – n’ont pas tardé à me convaincre que c’était un bon choix. Tous deux plaidèrent avec passion que la littérature française était singulière à la fois par sa juste ambition d’universalité et par l’originalité que lui donne le pacte qu’elle a passé avec la démocratie et la liberté.

Mario VARGAS LLOSA raconta avec émotion à la fois comment ses années parisiennes (Il arrive dans la capitale française à 23 ans en 1949) lui avaient fait prendre conscience de son identité d’écrivain péruvien (« c’est en France que j’ai commencé à me sentir un écrivain péruvien et latino-américain »). Et, en en même temps, il revendique fièrement la filiation littéraire qui le rattache à Flaubert (notamment par Madame Bovary) et à Victor Hugo (notamment par les Misérables).

Bref, comme le souligna avec force Daniel RONDEAU (« vous n’avez cessé de répéter votre fidélité à la littérature française »), il devenait évident, au fur et à mesure de l’avancement de la cérémonie que Mario VARGAS LLOSA, immense romancier en langue espagnole, avait toute sa place en tant qu’infatigable défenseur et promoteur de la langue française.

Et s’il était là le lien caché qui relie Michel Serres à Mario VARGAS LLOSA dans la défense sans concession de la langue et de la littérature française ?  Ecoutons Michel Serres, le 8 Mars 1991, lors de la cérémonie faite par la Ville d’Agen à l’occasion de son élection à l’académie Française :

« Voilà pourquoi je supplie ceux qui « habitent encore » de conserver pieusement leur langage… Gardez le comme votre bien le plus précieux, parce que le mieux transportable, le trésor de notre langue. Vos enfants émigrés en auront plus besoin que de pain... les individus et les cultures les mieux adaptés aux métissages intelligents sont toujours ceux et celles qui, avec le plus de ferveur, demeurent fidèles à ce qu’elles sont ».

Etrange et fascinante cérémonie aux accents Espagnols (Juan CARLOS, ancien roi d’Espagne et Manuel VALS, invités d’honneur, conversaient devant moi dans la langue de Cervantès) à la gloire d’un romancier espagnol, fils littéraire de la France et de sa langue.

Je repris le train pour Agen, plus convaincu que jamais que chaque langue porte avec elle une vision du monde originale et précieuse et que cette vision appartient au patrimoine de l’humanité. La nôtre, le Français, porte pour toujours une exigence de « liberté, d’égalité et de fraternité ».

Vive donc l’Académie Française, haut lieu de promotion de notre langue ! Et longue vie à cette « opiniâtre tribu d’éphémères immortels », comme le dit magnifiquement Daniel RONDEAU en conclusion de son discours.

@+

  Jean Dionis  

Maire d’Agen

 

Les réactions

Merci Jean pour toutes ces informations que, jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pu trouver "nulle part ailleurs" ! 
J'ai eu l'avantage et, ne pesons pas les mots, "l'honneur" d'écouter et d'entendre Michel SERRES à plusieurs occasions, j'avais été sous le charme, tout à fait séduit par la qualité de son propos, la justesse de ses mots, la douceur de sa voix ... son intonation !
Il ne pouvait nier ses origines. Outre son savoir, ce qui, peut-être, m'avait le plus marqué, c'était sa simplicité, sa gentillesse !
Au delà de sa notoriété reconnue, je pense qu'il a été sensible au comportement de la rue, du quidam rencontré au détour d'un marché le samedi matin. 
OUI, MONSIEUR Michel SERRES a bien mérité ces honneurs, et tu devais être heureux de pouvoir y assister. Bien à toi. Michel Barjou

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