Le Sud-Ouest, et plus spécialement mon département, le Lot-et–Garonne, vient de subir un épisode de crues sévères, notamment en ce qui concerne notre fleuve principal, Garonne.
Garonne est montée jusqu’à 7,50 m à Agen, hauteur d’eau qu’elle n’avait pas atteint depuis 2003. On parle alors de crue décennale. Mais elle a surtout atteint 10,20 m à Marmande, hauteur d’eau qu’elle n’avait pas atteint depuis 1981. On s’approche de la famille des crues de fréquence centennale.
Ces crues sont toujours des évènements, non seulement très spectaculaires, mais aussi structurants parce que toutes les institutions intervenant sur le territoire s’appuient toujours sur les conséquences de ces crues pour essayer d’anticiper (un peu mieux) les suivantes.
Et bien, inscrivons-nous dans cette longue et respectable tradition garonnaise d’observation, d’évaluation et de correction de nos politiques publiques et commençons à diagnostiquer la crue de 2021 !
Et pour ne pas nous rendre trop tristes – franchement depuis le début 2020, nous avons ce qu’il faut en matière de nouvelles déprimantes -, commençons par ce qui a bien marché.
Et commençons par l’essentiel ! Aucune victime, aucun blessé grave n’est à déplorer. Cela vous parait être le minimum syndical ? Peut-être, mais il faut se rappeler que ce résultat ô combien central ne fut atteint que très tardivement. En 1952, encore, la crue de Garonne tue à Castelsarrasin, au Passage, etc... Merci aux professionnels des secours (et d’abord à nos pompiers et à nos gendarmes). Merci aussi aux maires, aux élus et aux agents de la fonction publique d’Etat et territoriale. Ensemble, nous avons assuré…
La deuxième bonne nouvelle est que la mise en œuvre de politique publique de lutte contre les inondations constante sur presque 50 ans paye enfin ! Devant faire face à une crue de fréquence décennale, l’Agenais sort de cet épisode de crue pratiquement épargné, même si des dégâts matériels importants ont pu être constatés dans certaines communes de l’agglomération d’Agen.
Il est bon de se rappeler qu’avant les efforts faits en matière de protection, des crues décennales comme celle que nous venons de vivre auraient significativement inondé le quartier des Iles dans la commune d’Agen, le vieux Passage et aussi Boé-Bourg dans la commune de Boé….je veux dire ma reconnaissance, au nom de tous les Agenais, envers les trois générations d’élus locaux et de fonctionnaires d’Etat ou territoriaux qui ont mis en œuvre ces politiques faites à la fois de protection (digues, etc….) et de maîtrise urbanistique (rendre inconstructibles les bassins d’expansion des crues….) et d’efforts financiers considérables . Il y aurait beaucoup à dire sur ces sujets majeurs. Mais, au terme de cet épisode de crue, ayons l’honnêteté intellectuelle de constater que le mix français de lutte contre les inondations, là où il a pu être financé et mis en œuvre, a fait la preuve de son efficacité.
Tout va donc très bien, Madame la Marquise, en Lot-et-Garonne après cet épisode de crues ? Non, il nous reste de gros progrès à faire si nous voulons réduire considérablement les dégâts occasionnés par ces crues. Et les maires concernés de notre association des Maires du 47 ont su le dire au Premier ministre, Jean Castex, venu, avec réactivité, constater, dialoguer et aider précisément ces maires du Marmandais, en première ligne de cette crue Garonnaise de 2021.
Premier message des maires au Premier Ministre : « Si vous voulez diminuer la facture collective des inondations, alors il faut anticiper !!!! et pour cela nous avons besoin sur le terrain de prévision de la montée des eaux à J+1 et J+2 pour pouvoir intervenir au plus juste sur le terrain ». Or, justement ces prévisions à J+1 et J+2, les maires ne les ont pas eues ! Et, pourtant, ces prévisions existent. La Garonne n’est pas un torrent de montagne aux crues imprévisibles. C’est un fleuve majeur dont les crues dépendent de ses bassins versants des Pyrénées ou du Massif Central, de la pluviométrie sur ces territoires, de la marée pour sa partie aval……Bref, cela se modélise, avec des marges d’erreur peut-être, mais ces prévisions existent. C’est d’ailleurs elles qui permettent de passer nos fleuves en vert, orange ou rouge. Mais un maire dirigeant, comme je l’ai fait la semaine dernière, le Q.G de son plan communal de sauvegarde, ne peut pas ses satisfaire des couleurs de Vigicrue. Il a besoin de la prévision de hauteur d’eau du fleuve à telle heure précise à J+1 et J+2 . C’est avec de telles prévisions qu’il pourra anticiper, couper au bon moment telle voie communale, ou aller secourir tel quartier, telle famille. J’imagine bien les débats de responsabilité que cela ouvre, mais, ce sont de mauvais arguments pour nous refuser cette transparence. Merci, M . le Premier Ministre de faire sauter ce verrou d’opacité. Nous en avons besoin !
Deuxième message des maires au Premier Ministre : « les fameux PAPI (Programmes d’Action de Protection contre les Inondations, c’est beaucoup trop lent et beaucoup trop cher » … « Trop lent, a répondu le Premier Ministre, je veux bien et nous allons regarder cela ensemble comment les accélérer, mais trop cher, c’est une autre histoire, une intercommunalité de taille moyenne n’est pas de taille à porter ces travaux, il faut mutualiser à la bonne échelle et notamment avec l’aide de l’Etat de la Région et du Département …». Et, in petto, je me suis dit qu’il avait bigrement raison, notre PM… voilà un vrai débat pour les élections départementales de Juin !
Enfin, le dernier message, c’est Dame Nature qui l’a envoyé elle-même à toutes les parties prenantes du débat sur le Pont et le barreau de Camélat (lire http://jeandionis.com/blog/rn21-plaidoyer-france-oubliee ). Avec sa crue décennale, Dame Nature a coupé la Route Nationale 21 transformée en voie sur berge pendant trois jours. Pagaille assurée sur le gravier d’Agen, encombrements monstres aux deux seuls ponts d’Agen, délais domicile-travail "Parisiens" pour les actifs de l’Agglomération….et encore le Rond-point de Camélat n’a pas été coupé ! Merci à Dame Nature pour ce clin d’œil et ce coup de main. J’espère que, cette fois, à Paris, à Bordeaux et à Agen, tout le monde a compris qu’il faut un troisième pont à Agen !
Voilà ma modeste contribution de Maire, à chaud, au travail impératif d’évaluation que nous devons faire chaque fois que Garonne sort de son lit !
C’est cela aussi notre fameuse « culture d’inondation », dont nous sommes secrètement fiers et dont Michel SERRES parlait si bien….
C'est essentiel pour l'Agenais que ce troisième pont. Cependant lorsque la Garonne nous fera vovre de nouvelles crues, la voie sur berge sera fermée et la circulation sur la rive droite sera encore et toujours congestionnée. Nous devons pousser notre réflexion pour imaginer une boucle de circulation peut-être à sens unique pour fluidifier notre trafic en temps de crue.
Bonjour et bonne analyse.
Je voulais juste informer qu'à l'ACMG nous avons depuis septembre 2019 un financement Européen Interreg Sudoe pour aider à l'alerte des risques climatiques des espaces ruraux et connexes. Suivant un précédent projet Risk-AquSoil où nous avions testé un prototype de suivi de la quantité d'eau dans un cours d'eau, nous avons développé 20 systèmes qui sont en tests sur des rivières suivies par des syndicats de rivières dont deux de l'Agglo, le Bourbon et la Bourdasse. Voir sur www.aqualis.fr puis climalert à identifiant et sudoe à mot de passe. Ces systèmes nous ont couté moins de 2000 € avec l'idée d'en avoir sur de nombnreux petits versants pour transmettre toutes les 12 min la hauteur d'eau et alerter via email ou sms quand des seuils sont franchis. Depuis décembre cela a enregistré de nombreuses petites crues qui ont anticipé celle de fin janvier. Nous sommes en contact avec la DDT47 pour les accompagner et c'est vrai que si nous répondons à la question de la responsabilité ou de l'assurance, nous devrions pouvoir d'ici quelques mois pouvoir proposer l'installation d'une série de cent encore à moindre coût pour aider à anticiper la prochaine grande crue qui avec le réchauffement climatique se produira plus fréquemment. C'est ce type de donnée avec de multiples points de mesures qui pourra aider à préciser la prévision sur Garonne à quelques heures au moins. Pour J+1 et j+2 cela me semble plus difficile car c'est trop lié à la prévision de la pluie mais vu les progrès des modèles c'est jouable.
Ce projet ClimAlert se terminera en avril 2023. Nous avons un peu de temps pour en profiter et l'ACMG est à votre disposition.
Notre nouveau site www.acmg.asso.fr devrait vous permettre de nous joindre très prochainement.
Tres instructif merci
Bravo Jean,
Voilà un article, une mise au point remarquable, comme pratiquement toutes tes mises au point. Donc merci pour cette clairvoyance et bravo pour les travaux qui ont été menés depuis de nombreuses années et pour ceux qui restent à mener . Bon courage.
Comme disait Bergson "sur ce passé nous sommes appuyés, sur ce futur nous sommes penchés". Remarquable travail des élus locaux depuis des années pour protéger les Hommes et leur patrimoine en bords de Garonne. En espérant, Jean, que le projet du 3e pont trouve l écoute qu il mérite.