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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Notes de lecture : Qu’est-ce qu’un chef ? du Général d’armée, Pierre de Villiers

Publication : 28/01/2019  |  13:58  |  Auteur : Jean Dionis

Je viens de terminer la lecture du livre du général d’armée, Pierre de Villiers, « Qu’est-ce qu’un chef ? » chez Fayard.

Pour être honnête, ce livre m’a été offert lors d’une réunion de famille. Mais, comme beaucoup d’autres, il aurait pu attendre longuement dans ma bibliothèque que j’aie envie de le lire.

J’ai donc bien eu envie de le lire. Pour deux raisons :

  • d’abord parce que l’auteur, le général de Villiers m’intéressait.

Qui était donc ce frère de Philippe de Villiers que j’ai à la fois tant admiré pour son courage politique et son talent de président du conseil départemental de la Vendée (le Puy du Fou, etc.…) et tant détesté pour ses outrances anti-européennes ?

Qui était donc ce chef d’Etat-Major de nos armées, arrivé au sommet de la hiérarchie militaire où il fera face efficacement à la vague d’attentats terroristes qui secoue la France à partir de 2015 et qui démissionne de ce poste prestigieux après un différend public avec le président de la République au sujet des moyens budgétaires accordées à nos armées ?

Qui était donc ce militaire qui fascinait jusqu’à certains de nos gilets jaunes en manque de président providentiel… ?.

  • Mais, le sujet aussi m’intéressait. Celui de l’autorité, de la décision, du commandement dans notre moderne toujours plus complexe…

Faisons d’entrée une première remarque en soulignant l’importance qu’il y a à faire de ce débat, sur ce qui fait un bon chef, un débat grand public. En effet, par le biais de l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel (comme c’est le cas en France depuis son adoption par référendum en 1962), il revient au peuple souverain de choisir le chef de la nation. Redoutable responsabilité que nous exportons dans un nombre croissant de pays.

Le témoignage du général de Villiers est, à la fois étonnamment humble, humain et moderne.

Etonnamment humble en effet. Il n’y a pas de recettes miracle dans ce livre et certaines pages sont à la limite de la banalité des centaines de livres de mangement en entreprises : vision stratégique, délégation, mise en œuvre, contrôle. La plupart des recommandations, solides en soi, ne m’ont pas surprises.

L’armée est donnée en point de repère crédible d’une société humaine qui ne fonctionne pas si mal que cela. Elle a su continuer à faire fonctionner son ascenseur social, avec plus de la moitié de ses officiers qui sortent du rang. Elle a su contenir les inégalités de salaire en son sein (échelle de 1à 8 du soldat du rang au chef d’Etat-Major). Elle porte une attention particulière à ses blessés physiques ou psychiques. Elle a su continuer à fonctionner en s'adaptant à la suppression de 45 000 postes.

Humain, ensuite….Le général de Villiers rappelle fortement que la responsabilité de chef est d’abord de rendre service, le service qui lui est confié. Il remet à sa place la fameuse contrainte budgétaire et plaide pour une autorité d’adhésion et non pas une autorité de contrainte vouée à l’échec dans notre société moderne. Pas d’autorité d’adhésion sans une vision stratégique partagée avec ses subordonnés. Le général recommande aux apprentis-chefs de s’ouvrir au monde en citant le Maréchal Lyautey « celui qui n’est que militaire n’est qu’un mauvais militaire » et en affirmant que la culture générale est la véritable école de commandement.

Je crois qu’il a profondément raison sur ce point. Se dessine en creux l’archétype anglo-saxon du « servant leadership » (le chef au service de…) nourri par le geste évangélique de retournement de la hiérarchie du maître Jésus lavant les pieds de ses disciples.

Moderne, enfin. Le chapitre 4 du livre s’intitule « le chef ne discute pas son époque, il l’épouse ». Notre époque est celle d’une digitalisation accélérée de tous les circuits d’information. C’est un fait. Rien ne sert de le nier. Au contraire, il faut engranger tous les bénéfices possibles de celle-ci et par contre, mettre beaucoup d’énergie dans la lutte contre la pollution due à la surinformation.

Intéressant le général quand il interdit à ses collaborateurs proches situés au même étage que lui d’échanger par messagerie. On se lève et on va parler au collègue. Ou encore, lorsqu’il interdit sous peine de sanction de lui envoyer des messages inintéressants pour sa fonction. Ou toujours, lorsqu’il compare son agenda à son pistolet-mitrailleur, son « Famas » en nous ordonnant de ne jamais perdre la main sur le contrôle de votre bien le plus précieux : à savoir, votre temps.

La conclusion du général de Villiers est d’ailleurs centrée sur l’arrivée massive et inéluctable des robots et de leurs algorithmes dans notre vie quotidienne. On sent bien que cela l’angoisse et qu’il cherche la bonne vision stratégique pour nous la confier. Peut-être dans un prochain livre ?

Pour finir, il cite Marc Bloch dans « l’Etrange Défaite » de 1940 : « les Allemands croyaient à l’action et à l’imprévu. Nous avions donné notre foi à l’immobilisme et au déjà faité », en plaidant pour le mouvement et l’attention à l’évènement.

Merci, mon général, pour ce bon livre de vraie sagesse. J’ai bien reçu tous vos conseils et j’essaierai de les mettre en œuvre, au moins un certain nombre d'entre eux.

Qu’il me soit permis, en toute insolence, de vous en donner un seul en retour. J’aurais aimé, pour parler trivialement que « vous lâchiez le frein à main » et que maintenant que vous êtes libéré du droit de réserve, vous fassiez vôtre, la devise de Danton : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! »

Là encore, peut-être pour le prochain livre ?

Encore merci, mon général.

 

 

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Les réactions

Merci de ce témoignage. Des conseils manageriaux sont toujours utiles mais il ne manque pas de professeurs. Mais j attendais des analyses sur le fond de sa démission de 2017: comment justifie-t-il son intransigeance sur le budget militaire alors que les objectifs et la stratégie de défense restent flous en dépit du livre blanc de la défense ET sécurité nationale de 2013 (Quels sont les intérêts fondamentaux et vitaux de la nation? Quelle stratégie au service de quelle diplomatie au regard du protectorat américain qui s efface et des puissances asiatiques dont il faut à la fois saisir les opportunités de coopération et craindre les visées hégémoniques, souverainete nationale et union Européenne... ?). Autant de sujets qui relèvent de l autorité civile.
Amicalement. Jml

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