Le site officiel
Blogging

› Voir tous les billets du blog

Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Le printemps arabe … et nous

Publication : 17/07/2011  |  17:45  |  Auteur : Jean Dionis

Mi-juillet, un vrai « pont » du 14 juillet qui nous donne déjà une psychologie de vacancier, à la recherche du fond plus que de la forme et de la mode. Et en 2011, c’est au Sud de la Méditerranée qu’il faut aller les chercher, ces lignes-force de l’histoire en marche…

C’est Mohammed Fellah, mon jeune adjoint à la politique de la Ville d’origine algérienne, qui, tout début Janvier, lors de la soirée des vœux de la Ville d’Agen m’alerta le premier sur l’ampleur des évènements qui naissaient à ce moment-là au sud de la Méditérannée. Comme beaucoup, j’étais loin, très loin d’imaginer la vague de fond qui allait soulever le monde arabe lors de cette année 2011.

De fait, le départ précipité de Ben Ali en Tunisie, le 14 janvier 2011, puis celui d'Hosni Moubarak, en Egypte, le 11 février, ont provoqué une véritable onde de choc qui fait trembler le monde arabo-musulman, fort de 350 millions d'habitants .

Depuis, à des degrés différents, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Egypte, la Jordanie, la Syrie, le Yémen, le Bahreïn, etc…, ont tous été secoués par ce véritable évènement mondial. Et comme lors de l’année 1989, qui vit la chute du Mur de Berlin, la réunification allemande et la fin de l’Europe de « l’Est », nous avons assisté ébahis à la fin très rapide du statut quo dans ces pays.

Qui a fait la révolution dans ces pays et qui l’a fait encore aujourd’hui, parfois avec un courage inimaginable comme en Syrie ? Bien sûr, cela mériterait des pages et des pages d’analyse intelligente (si possible). Mais j’ose une idée générale devant un tel évènement : Ce sont les jeunes arabes qui ont fait la révolution de Jasmin et quelque chose me dit qu’ils ne font pas se la faire voler …

Prenons la Tunisie, berceau de cette révolution dont nous avions comme image celle d’un petit pays tranquille, stable, émergent économiquement notamment avec le tourisme….Mais la Tunisie, c’est aussi un pays de 10 millions d’habitant dont 22,8 % ont moins de 15 ans, avec un taux de chômage de 14,2%, et un taux d’alphabétisation de 78 % (et pratiquement 100 % chez les jeunes). La jeunesse arabe est nombreuse. Elle est avec des salaires de misère ou sans travail. Elle est éduquée et a accès à l’information notamment par les technologies de l’information et de la communication. C’est ce cocktail-là qui a explosé et que nous n’avons pas vu venir tellement notre ignorance est crasse par rapport à nos voisins du Sud.

Mais, me direz-vous, voilà une analyse bien marxiste qui fait la part belle aux facteurs socio-économiques et ignorent les aspirations politiques de ces peuples. ….et vous aurez raison, à condition de commencer par là, par l’économique et le social.

Car, Il est vrai que le printemps arabe a aussi une signification politique majeure et mondiale : la démocratie n’est pas un produit de luxe réservée à l’occident. C’est une valeur universelle pour construire les sociétés les plus prospères possible et les plus équitables possible à un instant donnée. Devant l’ampleur et la complexité des défis à relever, la jeunesse arabe a renvoyé et va renvoyer chez elle et devant les tribunaux une classe politique usée (Ben Ali, 23 ans de pouvoir !, Moubarak, 31 ans) et corrompue. Même dans les pays où les dirigeants sont les plus respectés (je pense au roi du Maroc), la marche en avant vers la démocratie est aujourd’hui irrésistible.

Et la France, au milieu de ce bouleversement ? Nous avons commencé à être non seulement maladroits, mais à contre-courant de la révolution tunisienne. Et N.Sarkozy a eu raison de dire que notre fameuse politique arabe héritière du Général de Gaulle était devenue une politique du statut-quo et du conservatisme. Avec A. Juppé, elle a retrouvé ses valeurs et ses points de repère : la France, patrie des droits de l’homme, se doit de soutenir la démocratie et elle doit le faire dans le cadre d’un mandat clair de l’ONU. Nos interventions en Côte d’Ivoire et en Libye ont été faites dans ce cadre et je les soutiens de mes votes à l’Assemblée Nationale, même si je sais qu’elles exposent nos soldats et coûtent cher à nos finances.

Bien sûr, la vigilance est de mise dans une période de bouleversements aussi profonds. Dégager un dictateur est violent …et rapide. Construire un Etat démocratique à l’intérieur d’une société qui n’a pas de culture démocratique est une toute autre histoire, autrement plus compliquée, autrement plus longue. Et Nous devons intégrer cette échelle de temps (10 ans ? 15 ans ?) pour voir arriver l’été arabe. Entre temps, il y aura des dangers (violence, émigration en Europe, tentation intégriste islamique) et des régressions. Face à ces dangers, la France devra faire preuve de lucidité et de fermeté. Mais, cet été arabe viendra. J’en ai la conviction.

Et si pour une fois, la France choisissait le camp de la démocratie, du mouvement….et – j’en prends le pari - de l’histoire? Ne nous trompons pas. Cette histoire nous concerne. Nous avons trop d’enjeux majeurs : la politique d’immigration sur notre sol, le prix de l’énergie à commencer par celui du gaz et du pétrole,….la paix tout simplement tellement il est vrai qu’il n’y aura pas de paix durable dans le monde sans d’abord une vraie paix religieuse entre les trois grandes religions abrahamiques pour n’avoir comme seule politique, celle d’une bien illusoire « forteresse Europe » telle que nous le proposent les populistes de tous poils.

Alors, oui, le vent de la liberté et de la démocratie s’est levé au Sud de la Méditerranée. Les peuples arabes – qui ont connu un passé glorieux, ne l’oublions pas – se réveillent. Pour nous européens, ces temps nouveaux sont des temps dangereux, c’est vrai. Ils exigent fermeté, lucidité et vigilance, c’est vrai. Mais, ce sont aussi des temps d’immense opportunité. N’en déplaise à tous les pisse-vinaigre et tous les geignards…la Méditerranée, Mare nostrum – notre mer – comme disaient les romains, a « meilleure mine » depuis le grand coup de balai de ce printemps.


@+ .....et très bonnes vacances à chacune et chacun de vous

Les réactions

bonjour de Bx

je partage ton idée qu'il n'y aura pas de paix durable sans vraie paix religieuse dans le maghreb mais aussi dans le monde ...nous avons fait à Bx une rencontre interreligieuse présidée par le maire ,aucours de laquelle les différents responsables religieux ont exprimé leurs valeurs et leur souhait de vivre en paix les uns avec les autres .Ils ont souhaité mieux se connaitre pour faire disparaitre cette peur de l'Autre qui existe quand on ne se connait pas ;cette rencontre s'est conclue par une signature d'une Chartre de Valeurs communes à partager , à promouvoir pour bien vivre ensemble .C'etait un moment magique et la salle était pleine ...ce qui prouve que le sujet interresse les gens quand il est abordé avec respect et tolérance , dans un esprit d'ouverture :un moment tres classe !
je voulais aussi te dire que depuis le printemps arabe , je ne vois plus du tout les jeunes des ces pays en pleine éffervescence démocratique ,de la meme façon :il sont comme les notres :ils ont fait des études , ils aspirent à la liberté ,à la démocratie , a la justice ..et sont prets à mourrir pour ça ! ce ne sont plus une bande de terrorites attardés dans des pays corrompus que je vois sur les écrans , mais des jeunes pleins d'aspiration , de courage et d'énergie .Ils vont bientôt gagner ,sans aucun doute , et je suis pleine d'admiration pour ce qu'ils essayent avec si peu de moyens , de batir ,Brigitte COLLET

Le printemps arabe : 7 mois après.

Le printemps arabe : 7 mois après.

La formule est belle : Le printemps arabe. Faisant référence au printemps des peuples qui a permis en 1848 aux pays européens de rentrer définitivement dans l'ère de la démocratie, elle souligne à quel point les mouvements qui ont secoué le monde arabe sont les prémisses d'une mutation profonde.

Souvenons nous comment cela a commencé. Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazzizi, petit commerçant tunisien qui ne demande qu'à pouvoir vivre de son travail, s'immole par le feu au moment au les pouvoirs publics lui retirent son droit d'exercer son activité. Quelques jours après la Tunisie s'embrase et quelques semaines plus tard le président tunisien est obligé de prendre la fuite et de quitter le pays qu'il gouvernait d'une main de fer depuis plusieurs décennies.

La stupeur qui frappe le monde laisse vite place à l'espoir en Egypte, puis en Lybie avant de gagner l'ensemble du Maghreb ainsi que quelques pays du moyen orient. Les peuples se soulèvent les uns après les autres pour réclamer, arracher, ce que nous européens considérons comme un acquis irréversible : la démocratie et la justice sociale.

Six mois après les premiers événements, les raisons d'un tel embrasement généralisé n'ont pas fini d'être discutées. Non pas qu'elles soient occultes mais elles sont extrêmement diverses. Bien sur la situation politique qui devenait étouffante pour les peuples explique grandement que la colère ait gagné la rue, et ce massivement. Le népotisme et la kléptocratie sous couvert de démocratie devenaient pratiques courantes, mais jamais acceptées, toujours détestées et rejetées en silence. Les rôles de la police et de l'armée inféodées aux gouvernants expliquent pourquoi l'heure de la révolte n'a pas sonné plus tôt.

Les causes économiques et sociales trouvent également une place importante pour expliquer le phénomène. Le chômage est très élevé dans la région, et frappe massivement les jeunes qui ne comprennent pas pourquoi leur pays si riche n'adopte pas une politique économique et sociale qui ne laisse pas sa jeunesse sur le bord du chemin (90% des chômeurs ont moins de 30 ans dans la région). En 2010 et 2011 La crise financière, qui n'a épargné aucun continent a été à l'origine d'une hausse du prix des denrées prix alimentaires (sucre, céréales) sans précédent dans la région. Ajoutez à cela une crise du logement et vous obtenez une jeunesse qui n'entrevoit aucun avenir pour elle dans son propre pays.

La démographie est également un prisme intéressant pour comprendre ce tournant historique. Oui les pays dont nous parlons sont des abritent des peuples jeunes. Mais il s'agit d'une jeunesse formée, qui n'a pas échappé à l'alphabétisation comme ce fût le cas jusqu'à la décolonisation. Le démographe Emmanuel Todd qui a prédit l'effondrement de l'empire soviétique et le déclin de l'empire américain, analyse le facteur démographique avec plus d'acuité. Pour lui c'est le taux de fécondité, qui rejoint le taux retrouvé dans les pays européens (2,1) additionné au fort taux d'alphabétisation, qui peut expliquer ce soulèvement général. Il n'hésite pas non plus à écrire que l'endogamie (15% en Egypte) qui devient une pratique minoritaire dans ces pays peut aussi entrer dans les champs des facteurs d'explication. En effet, l'exogamie et la famille « non nombreuse » conditionnent la société libérale et individualiste. Là encore tout n'a pas fini d'être discuté et décortiqué.

Mutation démographique, injustice sociale, dictature cachée, technologies modernes de communication, etc. Multiples sont les facteurs qui expliquent pourquoi une bonne dizaine de pays a basculé ou basculera dans les mois qui viennent. Comme pour toutes les révolutions la mutation sera longue et douloureuse. Il faudra attendre un siècle avant que la Révolution française accouche de la III ème République en France...

Quoi qu'il en soit, il faut que l'Europe accompagne fortement ces peuples. D'abord parce qu'il y a un enjeu migratoire évident (cf la crise de Lampedusa en Italie). Pour que les frontières européennes ne soient pas prises d'assaut par de jeunes migrants en quête d'un avenir meilleur, il faut que ces pays leur offre de vraies opportunités de réussite économique et sociale. Peut être faudra t il relancer le chantier de l'union pour la méditerranée amorcé par le Président de la République. Ensuite, parce que la vocation de l'Europe est d'exporter l'idéal européen en tendant la main aux pays émergents. L'Europe n'est pas qu'économique, c'est un idéal. C'est le berceau des valeurs qui se sont exportées partout dans le monde et que nous envient encore nombre de peuples.

Hier encore, je discutais avec des amis de cette question. Nous nous sommes arrêtés sur les cas particuliers de l'Algérie et du Maroc. Pourquoi les régimes de ces pays qui connaissent les mêmes difficultés que leurs voisins ne sont pas tombés. Pour l'Algérie, le peuple a tenté à maintes reprises de se faire entendre ces derniers mois. Malheureusement, l'armée qui joue un rôle particulier a rapidement ramené le calmes dans les rues. Le gouvernement a su de son côté endiguer la hausse des matières premières grâce à ses ressources énergétiques et ainsi apaisé quelque peu les tensions. Pour le Maroc, la réforme constitutionnelle adoptée au mois de juin, par voie de référendum à plus de 98% sera reçue comme un véritable plébiscite qui rendra illégitime toute forme de protestation...

Pour ma part je rejoins l'analyse d'E. Todd « l'Algérie et le Maroc sont des cas particuliers car le taux d'alphabétisation n'a pas atteint celui que l'on retrouve au moyen orient ».

Question de temps donc...

MF

Un printemps arabe, des réalités différentes

Tout d’abord, l’ensemble des mouvements de révolte dans le monde arabe, s’ils participent de la même vague originelle, me semble assez hétérogène en fonction des spécificités de chaque pays. Il était donc difficile en une chronique de dégager une loi générale. Votre idée de démocratie valeur universelle est séduisante (je me permettrais juste de citer un 1er ministre anglais fumeur de cigare et buveur de whisky connu « La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres »).

Je pense néanmoins qu’à ce moment là vous avez oublié un vecteur important de la contestation : les réseaux sociaux, véritables catalyseurs et plateforme d’échanges pour les jeunes révoltés (cela vaut clairement pour la Tunisie, l’Egypte et même au Maroc). Ils ont joué un rôle majeur et on a pu parler de premières révolutions numériques, vous l’aviez fait d’ailleurs dans une chronique précédente.

Ensuite, vous avez salué la nouvelle attitude d’Alain Juppé en ignorant (volontairement ?) les errements de MAM sur la Tunisie. Le rôle de la France, au vu de son histoire, est toujours délicat à définir (critique d’interventionnisme ou d’indifférence). D’ailleurs, la France, terre des Droits de l’Homme…, est une expression qui, au mieux me fait sourire, mais c’est totalement subjectif et beaucoup de gens aiment bien entendre encore ce genre de discours bleu blanc rouge (d’où la métaphore du coq de Coluche…). Pour ma part, je crois que ce temps est largement révolu et que la mondialisation et le monde du XXIe siècle implique un autre regard.

Enfin dans ce mouvement, il est clair que les cas de la Lybie, de la Syrie, voire du Yémen sont symptomatiques d’un chef d’Etat dictateur qui veut rester au pouvoir coûte que coûte, quitte à réprimer sa propre population. Alors pourquoi intervenir en Lybie et pas en Syrie ? N’oublions pas également l’attachement particulier des marocains à leur souverain et eux souhaitent surtout des réformes. Les réalités nationales sont différentes dans le monde arabe.

En fait, j’en reviens là à ma première critique sur la difficulté de généraliser au sujet d’un mouvement hétéroclite. Ce n’est pas essentiel et sûrement dû à mon attrait pour la complexité. Mais la réalité est complexe Monsieur le Député.

Au final, en ces temps de dettes souveraines, de crise de l'euro, d'écoutes au Royaume-Uni et de fil rouge DSK, il est assez louable d'être revenu sur un sujet qui avait fait l'actualité et qui avait été balayé par d'autres.

Il est vrai qu'entre temps nous avions changé de saison...

Réponse

Merci pour ce commentaire auquel je souhaite apporter une réponse.
Je suis d'accord sur l'importance des réseau sociaux dans les contestations en cours, je l'ai d'ailleurs dis rapidement.
Je crois que l'expression "France, terre des Droits de l'Homme" vaut mieux que votre sourire. D'abord elle est historiquement vrai et ce n'est pas un hasard que les Droits de l'Homme aient émergés dans le terreau français.
Je pense vraiment que notre pays a dans ces gènes sa devise "Liberté Égalité Fraternité".

Reste la question pourquoi intervenir en Libye et pas en Syrie : pour une raison simple et diplomatiquement majeure : nous avons un mandat international pour le faire en Libye où à peu près le monde entier est fatigué de la cruauté de Kadhafi et nous n'avons pas ce mandat international pour intervenir en Syrie puisque notamment la Chine et la Russie s'opposent à une intervention.

Pour être très honnête, si nous avions ce mandat international des problèmes militaires se poseraient (l'armée française intervenant simultanément en Afghanistan, en Côte d'Ivoire, en Libye et dans les Balkans, elle est actuellement "au taquet").

Merci pour cette intéressante contribution.

Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.